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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 15:00
MOHAND-AREZKI FERRAD, EX-PARLEMENTAIRE DU FFS, À L'EXPRESSION

"Le meilleur hommage est d'instaurer la démocratie effective"
Entretien réalisé par Amar INGRACHEN

L'Expression: Hocine Ait Ahmed, le plus vieil opposant au système, vient de décéder. En tant qu'ancien membre dirigeant du FFS, quel sentiment vous inspire sa mort?
Mohand-Arezki Ferrad: J'ai une double douleur. D'abord pour lui. Il est vrai que Hocine Ait Ahmed, Allah yerahmou, était malade depuis au moins dix mois. Il est vrai aussi qu'il est âgé. Mais il est toujours difficile de voir passer de l'autre côté un homme qui passe pour être le symbole d'un peuple qui se bat pour sa liberté. La mort de Si l'Hocine reste un événement très douloureux pour moi. Si l'Hocine laisse un grand vide derrière lui d'autant plus qu'il est le dernier des neuf historiques. Ensuite, j'ai de la douleur parce que Hocine Ait Ahmed s'est engagé dans le combat pour l'indépendance de l'Algérie dès l'âge de 16 ans et que, une fois celle-ci acquise, tout a été confisqué par la force et le même Ait Ahmed n'avait même pas la possibilité d'exprimer son désaccord avec le pouvoir d'alors. Aujourd'hui, ses adversaires les plus farouches, ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui, le pleurent mais tout le monde sait que ce ne sont que des larmes de crocodile.

Vous l'avez connu personnellement. Que gardez-vous de lui de particulier?
J'ai connu Hocine Ait Ahmed en 1990 grâce à un de ses beaux-parents: Rachid Outoudert. J'étais militant dans une section FFS à Bou Ismail. Lors d'une conférence que je donnais aux militants, Rachid Outoudert, qui était là, m'a proposé de me présenter au président du parti qui venait de rentrer au pays. Notre entrevue était agréable. On a échangé sur beaucoup de questions et, depuis, étant proviseur d'un lycée et ne pouvant pas assumer des responsabilités au sein du parti, j'ai été désigné par lui pour animer des conférences pédagogiques au profit des militants et sympathisants du parti. A l'époque, le FIS était partout présent et il fallait occuper le terrain. Et le fait que je sois arabophone a joué en ma faveur. Car, à l'époque, les francophones étaient très mal vus, notamment dans certaines régions. L'enjeu était donc de retourner la situation en notre faveur et de défendre la démocratie dans un contexte hostile. Là-dessus, Hocine Ait Ahmed s'est montré très ouvert et affichait un respect très profond pour les valeurs nationales. Aujourd'hui encore, je garde de lui l'image d'un nationaliste incorrigible, d'un démocrate inconditionnel et d'un homme très ouvert.

Quel bilan faites-vous de son parcours politique?
Hocine Ait Ahmed a milité fondamentalement pour trois choses: le recouvrement de la souveraineté nationale, la construction d'un Etat démocratique moderne et la réalisation de l'unité nord-africaine. Le premier objectif, à savoir la libération du pays, a été atteint mais pas les deux autres. La confiscation du pouvoir par le groupe d'Oujda a bloqué tout, y compris la possibilité de continuer à militer pour ses convictions.
Même le projet de mise en place d'un grand parti politique n'a pas réussi vraiment, à cause, d'une part, du déficit en culture politique de la société algérienne, mais aussi des obstacles que le pouvoir dressait devant lui. Il est sans doute mort en colère, le coeur plein d'amertume.

Quel impact aura la mort de Hocine Ait Ahmed sur son parti, le FFS?
L'hémorragie n'a jamais cessé au sein du FFS, depuis sa création à ce jour. A chaque fois que le parti forme des cadres, ils quittent d'une façon ou d'une autre. Aujourd'hui, le FFS est un parti normal, comme tous les autres alors que l'Histoire le destinait à être un grand parti politique, présent sur tout le territoire national, avec des cadres et des relais de valeur, y compris au plan international. Un parti qui compte 400 martyrs et, qui plus est, est vieux de plus de 50 ans, se devait d'être profondément ancré dans la société. Dommage, ce n'est pas le cas. Ceci dit, Ait Ahmed a toujours été cohérent avec lui-même et a refusé de faire du capital symbolique qu'il incarne un fonds de commerce. Il a choisi le camp des valeurs et des convictions et c'était peut-être cela le prix à payer.

Et sur la scène politique nationale?
Hocine Ait Ahmed a représenté sa vie durant, une heureuse opportunité pour l'Algérie. Malheureusement, l'Algérie fait du ratage de ses rendez-vous avec la réussite un sport national.
Hocine Ait Ahmed n'a jamais cherché le pouvoir. Il était un historique et cela lui conférait un statut nettement plus prestigieux que celui de président de la République. Il voulait servir son pays mais on n'a pas su l'écouter. La chance sourit à ceux qui n'en connaissent pas la valeur.
Aujourd'hui, le meilleur hommage à lui rendre, c'est de consacrer la démocratie effective dans la cadre de la révision prochaine de la Constitution.

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