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23 mars 2015 1 23 /03 /mars /2015 12:26

~~Si le soutien des Etats-Unis à Israël est une question qui n'a jamais fait débat, les relations entre les deux pays connaissent quelques fois des hauts et des bas. Même entre alliés, il arrive que leurs intérêts ne coïncident pas. Même si les termes de leurs divergences ne sont pas toujours clairs. La taille d'Israël induit en erreur les arpenteurs qui s'improvisent géostratèges. Il n'y a que les benêts pour ne pas apercevoir ce rhizome complexe qui couvre l'espace de la décision à l'échelle de la planète. Par ailleurs, plus qu'un territoire, Israël est l'opérateur symbolique qui relie (de " religere ") toute la communauté juive mondiale en perpétuelle reconstruction. Israël fait pétition de ne relever ni de la géographie ni de l'histoire ordinaires. Plus que pour toute autre collectivité humaine organisée, mythes et légendes déterminent l'espace-temps d'une communauté qui échappe aux lois de la nature. Du moins s'efforce-t-elle de convaincre et s'en convaincre… Israël participe - le plus souvent dans l'ombre des puissances occidentales - à des conflits très éloignés de ses frontières (en Méditerranée, en Afrique, en Asie ou en Amérique Latine). Cependant, bien que complémentaires, les intérêts stratégiques israéliens et américains ne sont pas situés à la même échelle. Évidemment globale pour Washington. Prioritairement locale pour Israël (on ne peut s'affranchir totalement des contraintes de l'espace euclidien). De là découlent une multitude de discordances et d'escarmouches d'importance variable entre les deux pays. Dans la plupart des cas, jamais sur l'essentiel (de gros intérêts y pourvoient). Et dans la plupart des cas, elles demeurent enfouies dans le secret des exécutifs… Jamais peut-être les relations entre le président des Etats-Unis et le premier ministre israélien n'ont atteint un tel niveau de défiance que celui constaté le mois dernier, lors de la visite impromptue du chef d'Etat israélien au Congrès. Il est possible que cet événement marque une rupture -dont le degré de gravité sera à évaluer - dans les relations entre les alliés. Pour trois raisons (au moins), ce différend se distingue des précédents. -

Le premier ministre israélien se déplace aux Etats-Unis sans en informer officiellement le président américain et même - lorsque la visite a été rendue publique - la maintient contre l'avis d'Obama. - Traditionnellement géré dans la discrétion, il est aujourd'hui mis en scène et présenté comme conflit majeur au vu et au su de tous. - De manière ostentatoire un chef d'Etat israélien s'ingère dans les affaires politiques intérieures des Etats-Unis. En toile de fond, une tension personnelle chronique entre Obama et Netanyahu. Qui peut au monde se permettre d'offenser impunément l'hyperpuissance américaine ? Il tombe sous le sens qu'une approche en termes de pays ou de relations internationales, ne permet pas de saisir la complexité de la situation. PETITES HUMILIATIONS ENTRE ALLIES... Soigneusement tus, les précédents à la visite du premier ministre israélien aux Etats-Unis en février dernier ne manquent pas. Ce n'est pas la première fois que les Israéliens font des mauvaises manières à leurs " amis " américains et européens. Les cas sont nombreux et régulièrement rapportés : par les Israéliens pour s'en vanter, les Arabes pour s'en moquer et montrer à quel point l'Occident-arbitre, garant de la paix du monde n'est pas crédible, par les " complotistes " et les antisémites de tout poils ou par une multitude d'anti-américains primaires. Il n'est pas d'Empires qui n'ont pas d'ennemis. Il est un fait qu'un chat - ainsi nommé - ne peut nier d'être ce qu'il est. Pour s'en tenir à ce millénaire, quelques exemples pédagogiques. Souvenirs. On raconte que les Israéliens ont décidé la destruction de la centrale nucléaire irakienne Ozirak, en juin 1981, sans prévenir ou recueillir l'aval des Etats-Unis[1]. Autant tenter de faire croire que les " vedettes de Cherbourg " aient pu être enlevées par un commando israélien, Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1969, à l'insu du président Pompidou (ancien directeur général de la Banque Rothschild)… Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour conforter le mythe de la " politique pro-arabe " de la France ? Afin de justifier, sous l'apparence d'une politique d'équilibre, le parti pris en faveur d'Israël. 1.- En avril 2002, alors que les Israéliens menaient des opérations militaires en Cisjordanie, les Européens avaient convoqué à la hâte à Luxembourg, une réunion de leurs ministres des affaires étrangères. Bien que convaincus que l'urgence est d'obtenir du gouvernement d'Ariel Sharon un arrêt, les Quinze s'étaient montrés incapables d'adresser un message de fermeté au gouvernement israélien. Ils ont de facto rendu celui-ci juge du bien-fondé et de l'ampleur de leur seule initiative diplomatique, consistant à envoyer sur place une mission européenne conduite par Josep Piqué, ministre espagnol des affaires étrangères, et Javier Solana, chef de la diplomatie européenne. Son rôle était de convaincre le gouvernement de M. Sharon de mettre en œuvre la résolution 1402 des Nations Unies, qui enjoignait à Israël de retirer ses troupes des villes palestiniennes.[2] L'Union Européenne avait confié à M. Aznar la mission de rencontrer le président Arafat ainsi que le chef du gouvernement israélien. La réponse de M. Sharon est tombée le lendemain : le gouvernement s'oppose à une rencontre avec le président de l'Autorité palestinienne, prisonnier de fait à Ramallah. " Nous ne permettrons pas à une délégation européenne de briser l'isolement que nous imposons à Arafat. " Résultat : les confusions européennes -et le jeu américain dans les coulisses-, sans oublier le poids des réseaux sionistes dans les différents pays de l'Union, achevèrent de rendre impossible la moindre décision européenne. Même l'hypothèse - évidemment inconcevable - d'une suspension de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël (seul véritable moyen de pression sur l'Etat juif dont disposaient les Quinze) a très vite été abandonnée. 2.- En janvier 2009, le Conseil de sécurité de l'Onu s'apprêtait à voter une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza. Les Etats-Unis sous la conduite de C. Rice devait approuver cette résolution. Israël avait alors exercé les pressions nécessaires pour amener Washington à voter contre.

Ehud Olmert, premier ministre israélien d'alors, s'en était abondamment vanté. Les médias n'avaient pas jugé utile de faire la publicité qu'ils méritent aux propos savoureux ci-après. Ehud Olmert avait exigé de parler à George Bush à dix minutes du vote. - " Quand nous avons vu que la secrétaire d'Etat, pour des raisons que nous n'avons pas vraiment comprises, voulait voter en faveur de la résolution de l'Onu (...), j'ai cherché le président Bush et on m'a dit qu'il était en train de prononcer un discours à Philadelphie ". - " J'ai dit : 'Tant pis, il faut que je lui parle maintenant' ", a poursuivi Olmert, décrivant le président sortant américain comme un " ami sans égal " d'Israël. - " Ils l'ont fait descendre de la tribune, l'ont conduit dans une pièce à part et je lui ai parlé. " - " Je lui ai dit : 'Vous ne pouvez pas voter en faveur de cette résolution.' " - " Il a dit : 'Ecoute, je ne suis pas au courant. Je ne l'ai pas vue. Je ne connais pas bien la formulation.' " Ce à quoi Olmert a répondu : " Moi, je la connais. Vous ne pouvez pas voter pour. " - " Il a donné un ordre à la secrétaire d'Etat et elle n'a pas voté en faveur de cette résolution qu'elle avait préparée, formulée, organisée et négociée. Elle a été plutôt humiliée et s'est abstenue sur une résolution qu'elle avait mise au point ", fanfaronne le Premier ministre israélien. La chef de la diplomatie américaine s'est finalement abstenue et la résolution a été adoptée le 8 janvier par les 14 autres membres du Conseil. Cela n'a pas changé grand-chose au résultat du vote, ni d'ailleurs à la situation à Ghaza ou en Palestine. Ce qui importe ici, c'est la jubilation (et celle de Olmert atteint des sommets d'immaturité) des Israéliens à mesurer le pouvoir qu'ils possèdent et qu'ils exercent sur leur grand allié américain et à en faire part sans vraiment se retenir. Si les Etats-Unis ne sont pas ménagés que dire alors du traitement réservé aux pays européens. Généralement, une telle question provoque (au mieux) des sourires polis en Israël. La posture gaullienne de la France n'est plus qu'un vague souvenir. Elle est donnée en exemple qu'il serait prudent de ne pas suivre à tous les " vrais amis " d'Israël, et la dernière visite de Jacques Chirac à Jérusalem en octobre 1996 permet de mesurer le chemin de croix que devrait emprunter l'Union Européenne pour se construire une véritable politique étrangère. Après tout Chirac ne demandait rien de plus que de maintenir autour de lui sa propre garde rapprochée et de pouvoir échanger librement des poignées de mains avec des Palestiniens de la vieille ville. D'évidence, chacun avait compris que la principale mission des gardes israéliens n'était pas la " sécurité " du président français. Depuis, les représentants français en Israël qui expriment la moindre sympathie pour la cause palestinienne sont soumis à des tracas qui frisent l'humiliation : des attentes interminables aux Check point et cela peut aller jusqu'au rudoiement sans ménagement, comme le traitement infligé à une diplomate française, Marion Fesneau-Castaing, qui accompagnait une mission humanitaire en Cisjordanie en septembre 2013. " Ils m'ont éjectée du camion et forcée à rester au sol, sans considération pour mon immunité diplomatique ", s'était-elle insurgée. Ayant giflé le soldat qui la maintenait à terre, régulièrement menacée, elle fut obligée de quitter Israël en accord avec le Quai d'Orsay. Avant de s'imposer à Washington, le premier ministre israélien a commis une indélicatesse similaire en France. Une sort de galop d'essai. Alors même que le président français avait expressément averti qu'il n'était pas le bienvenu à Paris, Netanyahu s'est glissé sans être gêné le moins du monde, au premier rang d'un cortège le dimanche 11 janvier, au lendemain de l'attaque de Charlie Hebdo, aux côtés de Mme Merkel, de D. Cameron, M. Renzi… et M. Abbas. Avant de venir à Paris Netanyahu s'est autorisé une critique en règle de l'insécurité vécue par les juifs de France, invitant ses coreligionnaires à faire leur Aliya et " monter " vers Israël. Les répliques de M. Valls et de F. Hollande, le premier ministre israélien n'en a cure. LE CONGRES REPUBLICAIN OFFRE UNE TRIBUNE ANTI-OBAMA A NETANYAHU Tout (re) commence fin janvier. Le président de la Chambre des représentants, le républicain John Boehner, rend publique l'invitation adressée à B. Netanyahu, pour la troisième fois, à prononcer le 11 février un discours devant les deux chambres du Congrès, une tribune prestigieuse. La Maison Blanche a été prise de court, prétendant n'avoir été informée par les républicains que peu avant leur communiqué. Ainsi, dès son annonce, ce voyage-surprise de B. Netanyahu était placé sur le signe de l'affront et des hostilités ouvertes entre d'une part Israël et le Congrès, désormais dominé par les républicains et, d'autre part, la Maison Blanche. Seuls Churchill et Ben Gourion, avant lui, auront été invités trois fois à s'exprimer devant cette assemblée. Singulier privilège que celui de ce premier ministre israélien d'origine lithuanienne qui connaît très bien les Etats-Unis pour y avoir pendant une vingtaine d'années, résidé, achevé sa formation (au MIT) et occupé divers postes dans la diplomatie et le conseil. Netanyahu est multilingue. Il parle l'hébreu et l'américain (presque) sans accent.

Mais - de notoriété publique aux Etats-Unis - la langue qu'il maîtrise le mieux, avec un indiscutable talent, c'est le " républicain ". Washington a exprimé son exaspération après l'annonce surprise que le Premier ministre israélien avait été invité par les républicains, en plein débat sur le nucléaire iranien à Genève. Le 21 janvier, en termes diplomatiques mais sans équivoque, le porte-parole de Barack Obama a fait part de l'agacement américain à l'encontre du Premier ministre israélien, prévenant que Netanyahu ne sera pas reçu à la Maison Blanche.[3] " Le protocole classique est que le dirigeant d'un pays prenne contact avec le dirigeant du pays dans lequel il se rend, c'est certainement la façon dont les voyages du président Obama à l'étranger sont organisés, et cet événement semble donc être un écart au protocole ", a déclaré Josh Earnest. " Les Israéliens ne nous ont pas informés du tout de ce voyage ", a-t-il ajouté. (AFP le mercredi 21/01/2015 à 22:00). Dans un discours qu'il avait annoncé avant même son arrivée aux Etats-Unis comme " historique "[4], B. Netanyahu s'en est pris avec véhémence mardi 03 mars au Capitole, au " très mauvais " accord sur le nucléaire iranien que le président des Etats-Unis B. Obama veut conclure avec Téhéran d'ici fin mars. Au même moment, les chefs des diplomaties américaine et iranienne, John Kerry et Mohammad Javad Zarif, négociaient en Suisse pour trouver un règlement définitif censé encadrer le programme nucléaire de la République islamique. Face au Congrès, son discours se pose dans une perspective qui dépasse le cadre israélien ou américain : " le régime iranien n'est pas seulement un problème juif ; il représente une grande menace pour la paix dans le monde. " dit-il. " Problème Juif " ? En vérité ? Passé inaperçue par les médias, cette répartie est pourtant essentielle. Netanyahu est obsédé par la " bombe iranienne ". Mais il est aussi tourmenté par une autre question : la judéité d'Israël. Pour lui, la paix ne pourra être envisagée un jour qu'à une condition : que la nature juive d'Israël soit établie, reconnue et juridiquement ainsi validée d'abord par le Palestiniens, par la communauté internationale et par ses voisins.[5] Entre-temps, il fait comme tous ses prédécesseurs, il colonise tout ce qui peut l'être, " centimètre carré par centimètre carré ". Réflexe de rapace : ce qui est pris n'est plus à prendre… LE PROFESSEUR NETANYAHU Netanyahu ne s'est pas contenté (cela pourrait se comprendre) de diverger avec les autorités américaines au nom de la sécurité de son pays. [6] Non. Netanyahu vient à Washington dire au Congrès américain que leur président et leur gouvernement sont incompétents. Au cœur même du pouvoir US, il vient administrer une leçon de géostratégie. Assis sur une majorité hostile à la Maison Blanche, un président étranger est invité par des Américains à infliger une correction au président. Comble d'inconvenance et de cynisme, il va jusqu'à se porter garant des bonnes relations entre les Etats-Unis et Israël. Le Premier ministre israélien assure que leur alliance est " plus forte que jamais " et continuera de se renforcer. Les commentaires faisant état d'une détérioration des liens bilatéraux sont " non seulement hâtifs, mais tout bonnement faux ", insiste-t-il, contre l'évidence. Un coup de griffe au passage à Obama hostile à la visite de Netanyahu " officiellement " en raison de la proximité des élections en Israël (prévues le 17 mars prochain) : " L'alliance remarquable entre Israël et les Etats-Unis a toujours été au-dessus de la politique. Elle doit toujours rester dessus de la politique. " dit-il alors que son allocution - qu'il le veuille ou non - participe de sa campagne électorale. Il enfonce le clou en se déclarant " en droit d'exprimer haut et fort ses divergences avec l'administration Obama " (Reuters le L. 02/03/2015 à 18h25). Il faut bien prendre la mesure de ces déclarations : si les mots ont un sens (particulièrement quand on sait l'attention portée à la lexicologie et à la sémantique dans un pays et une communauté tourmentés par les mots, les signes, les sens et leurs références), un homme politique étranger qui vient de " droit " défier les président des Etats-Unis chez lui, est un acte de première importance qui interroge. Est-il concevable qu'un homme d'Etat étranger se barde d'un droit qui ignore un président des Etats-Unis au nom du président du Sénat, jouant ouvertement l'un contre l'autre ? Pour couronner le tout, chacune de ses phrases est ponctuée par un standing ovation (43 en tout, un record) et, dans une scansion (presque) unanime, les braves congressistes américains rythment les affirmations impétueuses d'un Netanyahu vindicatif et autoritaire à Washington comme chez lui. Jamais la Knesset ne lui aurait réservé un tel accueil triomphal. Seuls de très rares élus refusaient de se lever et d'applaudir, alors que le matin même 60 des 232 élus démocrates du Sénat et de la Chambre des représentants déclaraient qu'ils n'assisteraient pas au discours, en signe de protestation. Il semblerait qu'ils ont changé d'avis… les gradins ne semblaient vraiment pas clairsemés. Netanyahu termine son discours par des rodomontades majusculaires, avec une pause entre chacune d'elle pour bien marquer les esprits : - " Israël à les moyens de se défendre ! " - " Israël se défendra même seul. " Et, n'oubliant pas les subventions multiformes que lui alloue Washington, prudemment il ajoute : " Mais je sais qu'Israël n'est pas seul et que l'Amérique est à ses côtés. " Et il conclut par une très formelle prière qui ferait transcender plaisir ces militants français épris de la laïcité à chaque fois qu'un musulman décline sa foi : " Que Dieu bénisse Israël et les Etats-Unis d'Amérique !". L'assistance est alors saisie d'une transe orgastique. Juste un spectacle ? Que nenni ! Même parti le chef du Likoud en campagne est toujours là. Dans la foulée de sa visite un projet de loi transpartisan, présenté par le démocrate Robert Menendez et le républicain Robert Corker obligerait le président Barack Obama à soumettre tout accord sur le nucléaire avec l'Iran à l'approbation du Congrès, l'empêchant ainsi d'ordonner toute levée des sanctions contre Téhéran pendant une période de soixante jours, le temps que l'accord soit examiné (et donc rejeté) par les parlementaires.[7] Barack Obama réplique en menaçant d'opposer son veto, estimant que cette loi empiétait sur son autorité présidentielle et qu'elle pourrait saboter les négociations en cours avec l'Iran.

Pour passer outre ce veto, les promoteurs de cette loi devraient réunir une majorité des deux tiers au Sénat et à la Chambre des représentants pour qu'elle soit adoptée. Robert Corker a expliqué que son objectif était d'obtenir cette majorité des deux tiers pour adresser le " signal le plus fort " aux négociateurs. Beaucoup de membres du Congrès, qu'ils soient démocrates ou républicains, craignent que le gouvernement américain, très désireux d'obtenir un accord, fasse trop de concessions à la partie iranienne. Précisément sur la question du nucléaire iranien, John Kerry s'était expliqué répondant à Netanyahu le lendemain de manière catégorique : " Personne d'autre (que le groupe P5 1) n'a présenté une alternative plus viable, plus durable, sur les moyens d'empêcher l'Iran d'acquérir l'arme nucléaire ". " Exiger purement et simplement que l'Iran capitule, ce n'est pas un plan. Et aucun de nos partenaires du P5 1 ne nous soutiendrait là-dessus. "[8] Tout au long de ces joutes pas un mot sur l'armement nucléaire israélien. Il faudra bien pourtant qu'un jour il soit mis lui aussi sur la table des négociations, que cela plaise ou non. En répondant à l'invitation lancée par John Boehner, président républicain de la Chambre des représentants, contre l'avis de la Maison Blanche, le chef du Likoud a rompu avec une longue tradition israélienne qui a toujours veillé jusque-là à ne pas s'immiscer dans les méandres de la politique intérieure américaine et à ne pas jouer des controverses subtiles entre démocrates et républicains. Le lobbying courant suffisait largement.[9] Cette visite non désirée prenait alors une dimension singulière entre des pays réputés être de très fidèles alliés. Netanyahu offense le pays qui l'accueille en faisant fi de l'avis de son Président, forçant sa porte et y prenant la parole contre son gré. Le fait qu'il le fasse avec la complaisance du Congrès où la communauté juive sioniste est très influente, étonne et interroge… C'est d'autant plus singulier que, si entre américains et israéliens il y a quelques fois des divergences tactiques, Washington est un inconditionnel allié d'Israël quel que soit le parti aux affaires.[10] Entre 1972 et 2006, les Etats-Unis ont mis leur veto à 42 résolutions des Nations Unies critiquant Israël. Les Etats-Unis ont usé d'un 51ème veto en février 2011 contre une résolution condamnant la colonisation israélienne (" à contrecœur " a-t-on laissé entendre à Washington). En 2006, pendant qu'Israël bombardait le Liban, la Chambre des représentants a adopté, par 410 voix contre 8, une motion de soutien inconditionnel à Israël. Sans le lobby pro-israélien, "la guerre [d'Irak] n'aurait presque certainement pas eu lieu"[11]. Les Israéliens avaient-ils vraiment besoin d'une telle démonstration et prendre le risque de blesser ainsi leur plus fidèle et indéfectible allié ? Certes, la plupart des médias n'accordaient à ce voyage (et à la valeur que Netanyahu lui conférait) qu'une importance relative, une querelle badine entre amis. L'" HYPERPUISSANCE " HUMILIEE D'ordinaire, les Israéliens ont le triomphe discret et modeste. Non qu'ils prisent la discrétion et la modestie. Bien le contraire. Seuls les impératifs de sécurité (entendu au sens large) et l'entretien de l'image israélienne du faible au fort (la sempiternelle fable d'un David limité quantitativement mais exceptionnellement clairvoyant face au barbaroïde Goliath, grossier et ontologiquement inapte à l'intelligence) tempèrent un orgueil démesuré et une intime conviction (au fond bien infantile) de supériorité de nature.[12] Netanyahu vient narguer le président élu des Etats-Unis, " l'homme le plus puissant du monde " chez lui. Il est à son aise. Il dispose d'une terrible machine qui pratique publiquement un explicite trafic d'influence, manipulant ses élus (du Sénat et du Congrès) d'autant plus facilement qu'elle a financé les campagnes électorales et fabriqué la carrière de beaucoup d'entre eux, se donnant ainsi le pouvoir de peser sur leurs décisions. C'est le jeu. Commerces, finances, communications… dansent en réseau selon une partition qui ne souffre pas la fausse note. Gare au contrevenant ! L'AIPAC veille. On devine Obama bougonner dans son coin, mais il est peu probable que sa bouderie prête à conséquences (à supposer qu'un biais psychologiste ait ici une quelconque pertinence : n'oublions pas que le patron de la Maison Blanche est un professionnel et possède un art consommé de la distanciation). Et cela même s'il n'a plus de mandat présidentiel à briguer. Obama participe d'un système où couleur de peau, opinion politique, fidélités conjugales, amitiés ou sens de l'honneur… pèsent d'un poids qui ferait rire le plus médiocre potache d'une école de sciences politiques. Ce n'est pas Obama qui est humilié. Le président américain a sans doute, comme ces politicards aguerris, une peau de rhinocéros, à l'épreuve des balles et du ridicule. Que ceux qui trouvent la série House of Cards excessive et désespérante seraient avisés de tenir la réalité pour plus glauque. Il ne le sait pas encore. Il en prendra fatalement conscience un jour, mais en cette étrange cérémonie dans laquelle Netanyahu et les républicains se prêtent à une danse du scalp, c'est le peuple américain qui a été humilié. Et avant de l'être par un chef d'Etat étranger (qui ne l'aurait pu autrement), c'est d'abord par ses propres élus et ses propres politiques qu'il l'a été. Toutefois, dans cet univers opaque d'où ne transparaît que ce que l'on décide de laisser " fuiter " via des réseaux d'information et de communication sous contrôle, il est clair que, derrière ce qui se donne à voir, des forces politiques puissantes s'affrontent brutalement autour d'enjeux que l'on n'arrive pas à clairement discerner. " Eté comme hiver, c'est toujours l'hivers " (Jacques Prévert) Au fond, que cette virée américaine facilite ou non la réélection de Netanyahu n'a que peu d'importance. Les rituels de la démocratie représentative confinée aux urnes et aux grandes messes électorales ont usé l'essentiel de leur crédit. Un peu partout dans le monde le premier parti politique est celui des abstentionnistes. Et la dépolitisation des citoyens convient parfaitement aux politiques professionnels. Ni la politique israélienne, ni la situation des Palestiniens ne changeront. Depuis 1948, les travaillistes et le Likoud alternent la même politique. Leurs divergences sont mineures sur l'essentiel. Il en est de même du soutien américain, avec ou sans Obama. Que les dirigeants israéliens et américains s'entendent ou pas, c'est toujours la Palestine qui trinque et, dans la région, la paix demeurera une utopie qu'Ibrahim Warde a très bien résumé par le titre d'un de ses articles : " Il ne peut y avoir de paix avant l'avènement du Messie "[13]. Comme s'il était dans son pouvoir d'en décider, Netanyahu vient de promettre à ses électeurs que s'il est réélu l'idée d'un Etat palestinien sera définitivement écartée. CARTES BROUILLEES Quels sont les vrais enjeux de ce cavalier voyage aux Etats-Unis du premier ministre israélien ? De nombreuses questions restent en suspend. Relatives à la nature exacte des controverses domestiques américaines entre Maison Blanche et Congrès, notamment à propos de la gestion des intérêts américains au Proche Orient. Si on laisse de côté la bataille des ego, on peut s'interroger sur la nature exacte des relations entre Washington et Israël et de leurs approches des divers conflits que connaît cette région. Est-il imaginable que Washington puisse prendre des initiatives sans concertation étroite avec Israël ? Ces querelles largement exposées au vu et au su de tous relèvent-elles d'un jeu de rôles sophistiqué auquel sont invités Français et Britanniques et révèlent-elles de sérieuses divergences d'intérêts ? Les Israéliens auraient-ils délibérément franchi une limite ? Laquelle ? L'effet de quelles causes ? Pour quels objectifs ? Tous les conflits de la région sont liés : l'Ukraine, l'Afghanistan, le nucléaire iranien, la " bombe " pakistanaise, la Palestine, la Syrie, l'Irak, le Yémen, les troubles intérieurs dans les monarchies du Golfe, les crises " printanières ", la déstabilisation de la Libye et des pays du Sahel… Naturellement, la chute brutale et du prix du baril et de sa monnaie le dollar ne peut être appréhendée en dehors de l'évolution de ce paysage à n dimensions, dans un système d'équations où il y a plus de variables que de constantes.

Note :

[1] 6 F-15 et 8 F-16 de l'armée de l'air ont volé jusqu'en Irak, à l'insu des détecteurs d'avions jordaniens et irakiens, et ont lâché 10 tonnes de bombes sur le réacteur nucléaire. à trois semaines des élections à la Knesset. En 1991, durant l'opération " Tempête du désert ", plusieurs raids massifs de F-117 et de F-111 détruisent le complexe qui était l'un des plus fortifiés d'Irak.

[2] Le Monde, J. 04 avril 2002

[3] Curieusement, certains médias européens ont prétendu que c'est au contraire à Netanyahu qui a refusé de rendre visite à Obama. Passons… Selon l'analyste Aaron David Miller, ce joker sorti de sa manche par l'administration Obama n'a été en fait qu'un prétexte, car " l'idée selon laquelle on ne reçoit pas un Premier ministre israélien juste avant des élections est tout simplement fausse ". Par exemple, des discussions entre Bill Clinton et Shimon Peres ont été organisées à la Maison Blanche quelques semaines seulement avant les élections législatives de mai 1996, qui avaient vu la défaite du Premier ministre sortant au profit de... Benjamin Netanyahu. (AFP le S. 14/03/2015 à 10h01)

[4] " Je pars à Washington pour une mission fatidique, historique même. J'ai le sentiment d'être l'émissaire de tous les citoyens d'Israël, même de ceux qui sont en désaccord avec moi, et de tout le peuple juif ". Naturellement, il faut entendre ici l'" histoire " dans un sens israélien : l'interférence du fait et de son alter ego imaginaire. Ici, de tradition, la réalité confine au mythe

[5] " La condition préalable fondamentale pour mettre fin au conflit est la reconnaissance publique et catégorique d'Israël en tant que patrie du peuple juif par les Palestiniens. " Discours de Benjamin Netanyahu au Centre Begin-Sadate de l'université Bar-Ilan. 14 juin 2009. Dans cette démocratie exemplaire, les Palestiniens feront sans doute figure de sous-citoyens ou parqués dans des bantoustans.

[6] Le discours de Netanyahu a été retransmis en direct par les chaînes israéliennes et américaines qui comptent, mais aussi par Euronews et France 24 qui a délaissé les débats du Sénat sur l'environnement. On compte aussi i24 News, la chaîne israélienne de M. Drahi (4ème fortune de France) qui a mis la main sur de nombreux médias français - tous supports confondus : Numéricâble, SFR, l'Express, L'Expansion, Libération…. I24 est officiellement luxembourgeoise émet en France à partir de Jaffa depuis juillet 2013 et se donne pour mission de faire contrepoids à El Jezira, émettant en français, en anglais et en arabe. Mais ni en hébreux, ni en Israël.

[7] Reuters le J. 05/03/2015 à 21:12

[8] Reuters, le mercredi 04/03/2015 à 18:01

[9] Dont se charge très efficacement l'AIPAC (American Israel Public Affairs Committee : Comité américain pour les Affaires publiques israéliennes. Derrière cette institution la plus connue qui a pignon sur rue, il y a une multitude d'organisations plus ou moins officielles qui agissent à tous les niveaux, métiers, réseaux politiques, administrations fédérales, associations caritatives, collecte de fonds pour Israël, manifestations culturelles ou cultuelles… Cela va des faucons de la Zionist Organisation of America aux colombes de Peace Now.

[10] Mme Samantha Powers, ambassadrice des Etats-Unis auprès des Nations unies, vient de rappeler que, ces six dernières années, le président Obama avait consacré 20 Mds$ à la sécurité d'Israël (Le Monde Diplomatique 04 mars 2015). Les Etats-Unis ont quitté l'Unesco lorsque, en 2011, la Palestine y a été admise.

[11] Lire, Mearsheimer John J. et Walt Stephen M. (2007) : Lobby pro-israélien et la Politique étrangère des Etats-Unis. La découverte, Paris (2009). 495 p.

[12] De nombreux sites sionistes se plaisent à compter les Nobel juifs. Tout le monde a en mémoire le mot du Général : " Un peuple fier, sur de lui et dominateur… " (1967). Mais tout le monde sait aussi ce qu'il en est réellement des fables, des mythes et des coûts mercatiques faramineux mobilisés pour les conforter.

[13] Le Monde diplomatique, septembre 2002

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23 mars 2015 1 23 /03 /mars /2015 12:19

Ce que vous avez vu, ce n'est que le début. Vous n'allez jouir ni de sécurité ni de paix", a averti l’Etat islamique (EI) qui a revendiqué dans un enregistrement sonore l'attentat qui a fait 23 morts, dont 20 touristes étrangers, mercredi au musée du Bardo à Tunis.

Il l’a qualifié d'"attaque bénie contre l'un des foyers des infidèles en Tunisie musulmane" menée par "deux chevaliers du califat, Abou Zakaria al-Tounsi et Abou Anas al-Tounsi". Mais rien n’indique si ces deux hommes appartiennent à l’EI, à Ansar chariâa ou aux katibates Okba ibn Nefaa, la branche tunisienne d’Al-Qaida. Rien ne prouve non plus que l’EI du calife autoproclamé Abou Bakr al Baghdadi dispose de ramifications en Tunisie. Et ce, même si ce pays est aujourd’hui considéré comme le premier pourvoyeur de djihadistes au monde : ils sont plus de 3000 Tunisiens partis combattre en Syrie et quelques centaines en Libye. Selon des médias tunisiens citant des sources sécuritaires ils seraient plusieurs centaines à être rentrés en Tunisie. Abou Iyad, le chef d’Ansar chariâa avait en effet appelé en 2012 les djihadistes tunisiens se trouvant en Syrie à rentrer au pays pour "défendre la révolution". Toujours est-il que c’est par de telles actions que des groupes djihadistes ont annoncé leur allégeance à l’EI du calife autoproclamé Abou Bakr al Baghdadi. En témoignent les exécutions d’Hervé Gourdel en Algérie et des coptes en Libye qui se veulent autant d’actes sanglants s’inscrivant dans une stratégie – le mot est sans doute un peu fort – de territorialisation des djihadistes se réclamant de l’EI. Y parviendront-ils ? Le doute reste permis. Après cet attentat, le plus meurtrier depuis celui perpétré à Djerba en avril 2002 (19 morts), la vraie question en fait est de savoir si la Tunisie va sombrer dans un cycle de violences. Il faut d’abord rappeler que les commanditaires de l’attaque contre le musée du Bardo visaient l’un des secteurs clés de l’économie tunisienne, le tourisme, lequel emploie 400 000 personnes et en fait vivre plus de deux millions. Dans un pays déjà fragilisé par une sévère crise sociale, une économie en berne et le poids de la dette (plus de 45% du PIB) et où le FMI conditionne son aide de 1,7 milliard de dollars (une misère) à des mesures d’austérité sévères (réduction des dépenses sociales, des subventions aux denrées de base, du train de vie de l’Etat…) avec en toile de fond un chômage dépassant les 20% et une pauvreté qui progresse, l’attaque terroriste ne vise rien de moins qu’à provoquer le chaos.

Il n’empêche, malgré la gravité de la crise sociale, les vives tensions des années 2012-14, les assassinats de deux dirigeants progressistes – Chokri Belaid et Mohamed Brahmi – et les tentatives d’imposer une constitution d’inspiration religieuse, la Tunisie a réussi à se doter d’une Constitution où l’islam n’est pas la religion de l’Etat, à élire un Parlement où les islamistes donnés vainqueurs sont arrivés derrière Nida Tounès et à faire élire un président de la république. Le tout démocratiquement et sans violences. De ce fait, il est permis de penser que l’attaque du Bardo, venant après les multiples actes terroristes visant les forces de sécurité dans l’ouest tunisien, visent à casser le processus démocratique en cours. Cette violence terroriste intervient également dans un contexte de début de reprise d’une vie normale où, après les trois années de tensions ayant suivi la chute de Ben Ali, les Tunisiens commençaient enfin à se concentrer sur leurs problèmes, à en débattre, à trancher les différents socio-politiques de manière démocratique. C’est ce qui gêne les islamistes et leurs commanditaires, certains cercles occidentaux et leurs relais dans le monde arabe et maghrébin, que ce processus démocratique dérange. Mais le rêve est permis. La réaction de la société tunisienne et le fait que le Forum social mondial (FSM) aura quand même lieu, sont la meilleure des réponses à la menace terroriste.

Hassan Zerrouky

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19 février 2015 4 19 /02 /février /2015 13:45

Un mois après les attaques perpétrées contre les locaux de Charlie Hebdo et le magasin casher de la Porte de Vincennes, les deux attentats terroristes qui se sont déroulés dans la ville de Copenhague au Danemark dans l'après-midi puis dans la nuit du 14 et 15 février, ont plongé les populations européennes dans la stupéfaction et dans l'inquiétude.

C'est un jeune danois, Omar Hamid el-Hussein, qui est à l'origine de cette double agression. La première, contre un centre culturel où se tenait un débat sur la liberté d'expression, a fait un mort et trois blessés; la seconde, devant une synagogue, un mort et deux blessés. La police danoise a annoncé, dimanche en début de matinée, avoir abattu le suspect unique des deux fusillades.

C'est le troisième attentat de ce type recensé depuis neuf mois dans un pays européen après la fusillade du musée juif de Bruxelles (mai 2014, quatre personnes tuées par le Franco-algérien Mehdi Nemmouche, arrêté depuis) et ceux de Charlie Hebdo. Le Canada et l'Australie ont aussi subi des attaques meurtrières de même type menées par des personnes vivant sur leur sol. La ville de Braunschweig, en Allemagne, a annulé un carnaval dimanche en raison d'une menace spécifique d'attentat, sans faire de lien explicite avec Copenhague. Les dirigeants européens ont condamné avec force émotions les dernière manifestations de l'islamisme radical, mais leurs discours butent aussi sur la question des pare-feux : comment, en effet, empêcher des opérations kamikazes construites et réalisées par des petits noyaux clandestins de combattants prêts à des combats qui s'achèvent nécessairement par leur propre mort ? Les pays européens convergent tous, sans exception, aujourd'hui vers le durcissement de leur arsenal antiterroriste. Celui-ci porte principalement sur le contrôle des candidats radicalisés volontaires au départ vers des zones de combat de la Syrie et de l'Irak. L'Allemagne a ainsi adopté une loi similaire qui autorise la confiscation du passeport et de la carte d'identité pour les candidats au départ.

Les mesures envisagées visent également à contrôler étroitement ceux qui reviennent de ces fronts, voire leur interdire le retour comme le souhaite le gouvernement Cameron en Angleterre, selon une nouvelle loi anti-terroriste en passe d'être adoptée.

Pour tous les Etats membres de l'UE, « l'urgence absolue » est d'adopter rapidement, au niveau européen, le « PNR » (Passenger Name Record) qui permet les échanges de données sur les passagers des vols intra-européens. L'instauration de « contrôles systématiques » dans les aéroports européens pour les ressortissants européens fait aussi son chemin. Là encore, la mesure recueille l'unanimité. La collaboration entre les services de renseignement s'accroît. D'autres pistes sont étudiées : recrutement des imams, notamment dans les prisons, financement des lieux de culte, réinsertion sociale des candidats au retour « sincères »…

Daech : un certain courant de sympathie inquiétant en Europe

Benyamin Nétanyaou, qui est en pleine campagne électorale en Israel et en posture, semble-t-il, difficile, n'a pas hésité, lui, sur sa solution pour les juifs européens, l'immigration de masse vers Israël : «Israël est votre foyer. Nous sommes préparés pour accueillir une immigration de masse en provenance d'Europe».Une déclaration qui en d'autres temps aurait valu à l'ambassadeur d'Israël à Paris d'être convoqué au ministère des Affaires étrangères…

Les exécutifs butent sur des problèmes autrement plus complexes.

L'Etat islamique a reçu le soutien de nombreux combattants étrangers, notamment européens : selon des données compilées par l'hebdomadaire britannique The Economist, en mai 2014, l'État islamique compte en Syrie environ 12.000 volontaires venus du monde musulman dont 3.000 Tunisiens, 2.500 Saoudiens, 2.089 Jordaniens, 1.500 Marocains, 890 Libanais, 550 Libyens, 400 Turcs, 358 Égyptiens, 247 Irakiens, 186 Tchétchènes, 114 Palestiniens et 71 Koweïtiens. Plus 3.000 autres combattants venant de l'Occident dont 700 Français, 400 Britanniques, 270 Allemands, 250 Belges, 250 Australiens, 120 Néerlandais, 100 Danois, 70 Américains, 60 Autrichiens, 50 Norvégiens, 30 Irlandais 30 Suédois…

Ces estimations ont cependant été faites avant la proclamation du califat. Les effectifs actuels doivent être plus importants. La France chiffre à 1400 le nombre de jeunes français ou originaires de France qui sont partis se battre, dont trois cent qui en sont revenus.

Plus grave peut-être, une certaine popularité de l'EI dans les populations européennes :

En France, 3 % des personnes interrogées déclarent avoir une opinion très favorable de l'EI, 13 % assez favorable, 31 % assez défavorable, 31 % très opposée, 23 % ne connaissent pas le groupe. En outre, selon ce même sondage, 27 % des 18-24 ans ont une opinion favorable (c.-à-d. très favorable ou assez favorable) de l'EI. En juillet 2014, un sondage a été effectué par l'agence de presse russe Rossiya Segodnya : Au Royaume-Uni, 2 % des personnes interrogées déclarent avoir une opinion très favorable de l'EI, 5 % assez favorable, 20 % assez défavorable, 44 % très opposée, 29 % ne connaissent pas le groupe. Toujours en Grande-Bretagne, un sondage réalisé en octobre 2014 auprès de 2000 personnes de toutes origines et situations sociales révèlent que 14 % des adultes de moins de 25 ans à qui l'on a demandé ne noter l'EI, de 1 à 10, 10 étant la meilleure image et 12 % des adultes de moins de 35 ans ont des « sentiments chaleureux » à l'égard de l'État islamique et lui attribuent une note entre 6 et 10. Dans cette même tranche d'âge des 18-34 ans, 5,2 % lui donnent la note 9 ou 10.

Les communications Internet sont également révélatrices : en décembre 2014, l'Université de Milan a publié une étude analysant le contenu de 2 millions de messages arabophones postés sur les réseaux sociaux, blogs et forums dans le monde entier : « La Belgique serait ainsi le pays européen d'où se déploierait sur Internet la plus importante propagande en faveur de l'État islamique avec 31 % de messages favorables à cette organisation. Parmi les autres pays étudiés, seuls le Pakistan et le Qatar présentent un pourcentage plus élevé, avec respectivement 35,1 % et 47,6 %. La France compte quant à elle 20 % de messages favorables à l'État islamique, tandis que la Syrie en compte 7,6 % et l'Irak 19,7 % » (Wikipedia).

Un courant de sympathie, voire un engouement, certes très minoritaire, qui surprend quand on connaît les pratiques plus que barbares sur le terrain de l'EI, en Irak comme en Syrie : attentats, massacres de populations civiles, éradication de minorités ethniques ou religieuses, comme la communauté yézidie… Autre conséquence plus que funeste, dans l'immense majorité des populations européennes l'activité de l'IE, le terrorisme, nourrissent des ressentiments anti-immigré, anti-arabe, anti-musulman et racistes inquiétants : le Front national en France est en réalité le grand vainqueur des attentats anti-Charlie ! L'IE Daech a spectaculairement dans l'horreur marqué son arrivée en Libye et en Egypte : cette semaine, sur des images diffusées sur Internet vingt-et-un coptes égyptiens ont été égorgés par des hommes se réclamant du groupe Etat islamique en Libye. La base de l'EI en Egypte est situé dans l'est du pays à Derna. Mais son emprise s'étend très vite. La semaine dernière, le groupe a pris le contrôle d'une deuxième ville, celle de Syrte, ex-bastion et lieu de naissance du colonel Kadhafi. Tout cela sans combats, à la faveur d'allégeance d'autres jihadistes.

Daech invincible ?

Ces opérations européennes et au Maghreb, initiées très vraisemblablement par l'EI, montrent à tout le moins une inflexion de la politique de ce groupe. A l'origine, l'Etat islamique d'Irak fondé le 13 octobre 2006 d'une alliance de groupes djihadistes dont fait partie Al-Qaïda en Irak, n'avait pas de vocation internationaliste. L'EI se considère comme le véritable « Etat » de l'Irak, puis à partir de 2013 celui également de la Syrie. Al-Qaïda estimait que le djihad devait être prioritairement mené contre les Etats-Unis, Israël et leurs alliés régionaux, l'EI considérait que l'ennemi principal était l'Iran et les chiites. Il est vrai qu'entre-temps, le 29 juin 1914 le leader de l'EI, Abou Bakr al-Bagdadi rétablit le califat des Abbassides, se proclame calife sous le nom d'Ibrahim.

Il se proclamera ensuite le leader spirituel et temporel de l'ensemble des musulmans dans le monde. Il a d'ores et déjà des partisans au Liban, à Gaza, dans le Sinaï, en Indonésie, aux Philippines, dans le Maghreb, en Arabie saoudite et ailleurs… Et ce qui explique les affrontements armés nombreux entre Al-Qaïda et l'EI, en concurrence pour le leadership de l'islamisme radical.

Daech EI a également bénéficié dans un premier temps du soutien financier de « donateurs privés » de l'Arabie saoudite, du Qatar et d'autres pays du Golfe. En janvier 2014, l'Arabie saoudite fait volte-face quand l'EI rentre en guerre contre d'autres groupes islamistes radicaux en Syrie. En mars 2014 le royaume, inquiet de la nouvelle influence régionale de Daesh, y compris sur son propre territoire, le classe comme « organisation terroriste ». Le Qatar semble plus long à être convaincu du danger… La Turquie, obnubilée par sa volonté d'étendre son influence sur la Syrie d'Al-Assad, le rival, et de juguler le problème kurde, a également joué un jeu plus qu'étrange, laissant faire ou facilitant les offensives de l'EI en Syrie. L'EI dispose de quelques ressources notamment pétrolières dont une partie transiterait également par la Turquie.

Sur le terrain, en Syrie et en Irak, l'EI disposerait de 20.000 à 25.000 combattants et « gérerait » une population d'environ huit millions d'habitants.

Tout cela sera-t-il suffisant pour affronter une coalition militaire de 22 pays ?

Cela passera-t-il par une intervention militaire occidentale avec des troupes au sol ? Sans l'exclure totalement, on peut fortement en douter. Les expériences précédentes ont refroidi les ardeurs et l'on peut dire que Daech fut en grande partie l'une des conséquences de l'incroyable incurie des politiques américains et européennes au Moyen et Proche-Orient.

Les deux guerres de Georges Bush et fils ont, au « nom de la Démocratie », détruit l'Irak physiquement et fait exploser son cadre juridico-étatique. L'intervention militaire franco-anglo-américaine contre le « dictateur » Kadhafi (qui mourra assassiné comme Saddam Hussein) a littéralement plongé dans le chaos un pays qui est devenu une base arrière du terrorisme et de trafics en tous genres.

Les Etats-Unis, soutenus vivement par un François Hollande très chaud pour une intervention militaire, ont voulu rejouer le même coup contre Bachar al-Assad en Syrie, avant de se rendre compte, un peu tard, que c'était une porte grande ouverte à Daech dans toute la région. La solution aujourd'hui repose essentiellement dans les peuples de la grande région concernée qui souffrent quotidiennement des folies du djihadisme radical et les grands pays concernés, hier ennemis, aujourd'hui toujours rivaux, l'Arabie saoudite, l'Egypte et l'Iran souhaitent extirper le « diable » Daech. Alexandre Adler, essayiste brillant mais qui s'est souvent trompé, a néanmoins des arguments qui portent : « la naissance d'un courant anti-islamiste radical important dans le monde musulman est déterminée par cinq points forts : l'avance inexorable de l'Iran vers un accord nucléaire avec les Etats-Unis ; la mobilisation de plus en plus «militaire» de l'Iran contre Daech; la solidité d'un axe Egypte-Arabie Saoudite dirigée contre les Frères musulmans un peu partout dans la région du Moyen-Orient ; la spectaculaire élection démocratique tunisienne qui éconduit définitivement le parti islamiste Ennahdha ; la déclaration de guerre des Talibans, après l'attentat de l'école de Peshawar au Pakistan, contre l'armée pakistanaise ».

La vision est peut-être trop optimiste mais elle ouvre des pistes.

Pierre Morville

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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 10:47

Le Vieux continent est actuellement confronté à trois graves sujets de préoccupation. Tout d'abord, l'Europe est dans le monde, un ensemble de pays qui connaissent les plus mauvais résultats économiques depuis plusieurs années : stagnation et très fort risque d'une entrée dans une longue phase de déflation, spirale très dangereuse de baisse des prix et de l'activité. Sur son flanc est, les Européens regardent avec inquiétude le conflit en Ukraine et l'actuelle stratégie agressive de Vladimir Poutine. Enfin, la déstabilisation au Proche et Moyen-Orient, la montée en puissance de l'Etat Islamique multiplient les menaces d'une exportation du terrorisme en Europe.

Sur ces différents dossiers, on note des divergences notables entre les 28 membres de l'Union européenne, sur l'analyse des causes, sur les solutions à mettre en œuvre, sur la hiérarchie des urgences. La situation est d'autant plus complexe que la règle de fonctionnement de l'Union européenne est l'unanimité. Théoriquement, aucune décision ne peut être prise sans que les 28 pays y soient favorables. Dans les faits, même s'ils sont théoriquement en position d'égalité dans les choix à faire, l'Allemagne pèse infiniment plus que le dernier pays adhérent, la petite Croatie. Mais du coup, la transparence dans les prises de décision n'est pas vraiment acquise. De même, le Parlement européen n'a guère qu'un rôle consultatif et dispose de marges de manœuvre infiniment plus faibles que la Commission européenne et la toute puissante Banque centrale européenne. Ces deux dernières instances ne sont aucunement élues et ne sont guère disposées à rendre compte de leurs décisions devant les différents peuples européens. Comme la construction européenne s'est toujours faite au drapeau brandi de la «Démocratie», le mode de fonctionnement actuel et les décisions prises dans le secret des bureaux de la Commission à Bruxelles ou de la Banque centrale à Francfort, laissent un peu rêveur sur la distance entre les discours toujours vertueux et les pratiques réelles.

La Grèce secoue l'institution européenne

La victoire dimanche dernier d'un parti très à gauche, Syriza, qui, à une siège près, a remporté la majorité de l'Assemblée, a vivement inquiété l'institution européenne qui n'avait pas hésité à appeler à «voter raisonnable», manquement évident aux principes de neutralité vis-à-vis des processus démocratiques internes à chaque pays membre. Imagine t-on la Commission européenne ou la Banque centrale, indiquer aux Français qu'il serait bon pour eux de voter plutôt UMP, ou plutôt PS ? Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, présenté souvent comme habile, pragmatique, consensuel, s'est un peu laissé aller en déclarant que les votes populaires sont une chose mais qu' ils ne peuvent pas «remettre en cause» les accords ou traités antérieurs. Curieuse conception de la démocratie !

Au cœur de cette affaire, la dette grecque : «il n'est pas question de supprimer la dette d'Athènes même si des arrangements sont possibles, explique Jean-Claude Juncker, mais ces arrangements n'altéreront pas fondamentalement ce qui est en place. Nous respectons le suffrage universel en Grèce, mais la Grèce doit aussi respecter les autres, les opinions publiques et les parlementaires du reste de l'Europe». Qu'un pays rembourses ses dettes est un bon principe même si l'histoire du XXème siècle montre que de très grand pays se sont assis sur leurs dettes, soit officiellement comme l'Allemagne en 1953 ou en faisant jouer fortement la carte de l'inflation. Il faut avoir également en tête la réalité du problème : la Grèce ne représente du 2,5% du PIB et de la dette européenne. «Pourquoi l'annonce des élections grecques à donner «des sueurs froides à Bruxelles et à Francfort ? explique Kostas Vergopoulos, économiste à l'université Paris VIII dans Libération, ce n'est pas l'importance de la créance, c'est surtout la première mise en cause de la «règle d'or» européenne stipulant des déficits zéro, ainsi que des politiques d'austérité qui gouvernement depuis un moment tans l'Europe des 18 (la zone Euro) que l'Europe des 28».

Austérité, austérité…

Donc ce que craignent les responsables européens ce n'est pas tant la dette grecque elle-même et dont il faudra trouver des solutions viables pour le pays et sa population, que la propagation en Europe de la critique des politiques économiques menées depuis la crise de 2008. Après la panique bancaire et financière née aux Etats-Unis et sa propagation dans le monde, nos chers bureaucrates européens ont traité l'affaire de façon extrêmement comptable : il faut faire réduire les déficits, baisser les salaires, augmenter les impôts ! Le comptable s'est également fait donneur de leçons, sanctionnant publiquement les «mauvais états» qui ne respectaient pas les règles. La «troïka» (nom bien choisi de l'instance d'experts anonymes de la Commission européenne, du FMI et de la Banque centrale européenne) a piloté particulièrement brutalement la Grèce, le Portugal, l'Espagne… pour un résultat proche du «zéro pointé» : l'austérité, la réduction des déficits dans une période de stagnation, entrainent hausse de la fiscalité, baisse des revenus, chute de la consommation, ralentissement économique, baisse des investissement .., et hausse des intérêts de la dette ! Le malade dépensier n'est pas guéri et il est mort.

En Grèce, le bilan de la Troïka tient en deux chiffres : baisse de 30% des revenus des Grecs, 50% des chômeurs chez les jeunes de moins de 25 ans. La victoire du nouveau 1er ministre, Alexis Tsipras est donc à la hauteur du mécontentement grec. Le jeune politicien n'a pas manqué dans sa campagne de multiplier les critiques vis-à-vis de la Commission européenne et de la Troika. Il souhaite renégocier la dette grecque et en finir avec les politiques que la CE utilise à l'encontre de son pays. Il réfute les négociateurs de la Troïka. Du coup, même Jean Claude Juncker concède que «Les mécanismes de gestion de la crise que nous avons eus n'étaient pas très démocratiques. J'ai toujours plaidé pour que nous ajoutions une dose de démocratie à la troïka», s'excuse-t-il. Un peu tard.

Plus généralement, c'est le modèle de politique économique bâti dogmatiquement par la Commission européenne et la Banque centrale qui pose problème. Une très grande majorité d'économistes longtemps laudateurs zélés de l'austérité, conviennent que le modèle ne marche pas. De nombreux parlementaires européens, qui reflètent l'opinion de leurs électeurs, le disent souvent à mi-voix. Le FMI et la Banque mondiale ont le même diagnostic ! Même Mario Draghi, le nouveau président de la Banque centrale européenne, tente de sortir de l'ornière par le rachat de dettes publiques par son organisme et la baisse de fait de la valeur de l'euro (le cours de la monnaie et du dollar sont devenus équivalents).

La surprise vint du côté d'Obama qui apporta un soutien inattendu au très à gauche Alexis Tsiparas :»À un moment donné, il faut une stratégie de croissance pour pouvoir rembourser ses dettes», a expliqué publiquement le président américain, «il est très difficile d'initier ces changements si le niveau de vie des gens a chuté de 25 %. À la longue, le système politique, la société ne peut pas le supporter».

Cela fera-t-il changer d'opinion la véritable initiatrice de cette politique «austéritaire», Angela Merkel ? Certainement pas ! D'autant que dans un sondage récent, 76 % des Allemands partagent les idées de la Chancelière. Il est vrai qu'économiquement, l'Allemagne fut l'un des rares pays européens qui ont profité de cette orientation, même si ces derniers moins, sa croissance a brusquement chuté.

L'arrière-fond pétrolier de la crise ukrainienne

Autre sujet d'inquiétude des Européens, la crisse russo-ukrainienne. Le 29 janvier, une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l'UE s'est tenue à Bruxelles. A l'ordre du jour, la condamnation européenne de l'offensive lancée par les séparatistes pro-russes dans les régions de Lougansk, Donetsk et désormais la ville stratégique de Marioupol. Le compromis de Kiev de février 2014 qui avait soldé le conflit antérieur a volé en éclat, comme peut-être à terme l'unité de l'Ukraine. Cette nouvelle offensive des séparatistes n'a pu se faire qu'avec l'approbation, le soutien politique et militaire de la Russie. Les mesures de rétorsion économiques de l'Europe et des Etats-Unis qui ont sanctionné l'économie russe pour inciter Moscou à plus de modération et pour rechercher un compromis général, n'ont donc pas fonctionné. Non pas qu'elles n'aient pas eu d'impact : le cours du rouble a perdu 40% de sa valeur et les Russes manquent quotidiennement de certains produits courants. Effet annexe pervers : si les mesures n'ont guère affecté les USA, ce n'a pas été le cas pour l'Europe, grand exportateur vers la Russie.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la détermination russe. Tout d'abord, l'histoire, les deux pays n'ont fait pendant plusieurs siècles qu'un seul. «Pour des raisons historiques, l'Ukraine est inséparable de la Russie. Kiev est le berceau de la Russie. Dans chaque famille russe, il y a un Ukrainien. Il y a une population russe en Ukraine de même qu'il y a une population ukrainienne en Russie. Tous les Ukrainiens parlent russe» explique Hélène Carrère d'Encausse , académicienne et grande spécialiste de la Russie, «nous assistons à répétition de la situation de 2004, avec la pression très forte d'une Europe assez antirusse sous l'influence de cette nouvelle Europe qui impose une vision selon laquelle les affaires de l'est européen ne concernent pas la Russie». La position de Vladimir Poutine sur le dossier ukrainien est donc populaire en Russie même. Un atout pour le président alors que l'économie tourne au marasme, entraînant une fuite des capitaux.

3ème sujet, plus sous-jacent, la question pétrolière, la Russie tirant une grande partie de ses ressources de ses exportations pétrolières et gazières. Les cours du baril ont chuté sous le seuil symbolique des 60 dollars contre 100 dollars ces trois dernières années : l'économie russe s'étrangle, l'Iran souffre, l'Algérie en ressent fortement les effets négatifs.

Dans une période difficile dans le contexte économique international, avec la 1ère fois de mauvaises statistiques chinoises, et de faible croissance, donc de moindre consommation d'énergie, l'OPEP qui contrôle 30% de la production mondiale a choisi jusqu'à présent de ne pas intervenir sur les prix du pétrole en conservant son objectif de production inchangé. Existe-t-il derrière les pseudos«lois du marché» des explications plus prosaïquement très politiques ?

«Cette guerre du pétrole touche principalement les pays dont les relations avec l'Arabie saoudite et les États-Unis ne sont pas au beau fixe. A commencer par la Russie. Moscou est le troisième plus gros producteur de brut derrière les États-Unis et l'Arabie saoudite et le deuxième plus gros exportateur après Ryad», note Hayat Gazzane dans le Figaro. Elle y précise la situation de l'Iran qui voit son PIB chuté brutalement de 5% et cite également le cas du Venezuela, pays traditionnellement rebelle aux Etats-Unis et qui semble aujourd'hui menacé de défauts de paiement.

La manipulation des cours, surtout pour des raisons politiques, a des effets souvent inattendus et parfois très contre-productifs pour ses auteurs, surtout pour la ressource stratégique pour tous les pays qu'est l'énergie.

«Le prix des hydrocarbures s'effondre, le rouble s'affaiblit, les capitaux fuient, j'attaque !» semble répondre aujourd'hui Vladimir Poutine, selon Dominique Moisi dans Les Echos.

Sur le dossier ukrainien, Washington et l'Otan prônent l'intransigeance. «L'Union européenne est divisée. La Pologne, les pays Baltes, Londres sont sur une ligne très dure face à Poutine. L'Allemagne, l'Italie et maintenant la France veulent la désescalade», d'autres sont rétifs à une politique agressive note Laurent Marchand dans Ouest-France.

Pierre Morville

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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 10:44

Que deviendra la Grèce sous l'autorité de Alexis Tsipras? Jeune loup très ambitieux et nouvelle figure de la scène politique grecque, cette étoile filante de la coalition de gauche radicale «Syriza» s'est rapidement posée en un pion incontournable dans l'équation européenne et en un personnage haut en couleur dans l'agora des grands leaders.

En espérant arrêter l'hémorragie de la crise dont pâtit son pays depuis quelques années, il s'est vite attelé, sur la base des promesses électorales sur lesquelles il a été élu, à l'œuvre gigantesque de «booster» l'économie nationale par des voies autres que celles conseillées jusque-là par les institutions européennes. Autrement dit, l'abandon des réformes téléguidées par l'U.E, l'annulation de la dette ou son rééchelonnement afin de boucher le trou de finance creusé par le relâchement fiscal des gouvernements précédents. Mais Tsipras serait-il capable de convaincre la troïka de ses bonnes intentions? En plus, d'où pourrait-il dégager tous les fonds nécessaires afin de financer ses programmes et, aussi, pour remonter la pente en cas de non-implication de l'U.E dans sa démarche? C'est là que le bât blesse.

Et puis, les Grecs seront-ils en mesure de supporter pour longtemps les retombées négatives d'une telle politique audacieuse en se liguant autour de leur jeune chef, pour le bien comme pour le pire? Clef de voûte de «l'utopie de la croissance» pour certains et symbole de la révolte des masses pour d'autres, les credo de Tsipras incarnent en quelque sorte la fin de l'ancien système et le réveil spontané des vœux populaires, écrasés par les interminables desiderata des grandes constellations économiques.

En réalité, Berlin et Bruxelles sont présentement sur le qui-vive car il y a péril en la demeure. Merkel ne cache pas sa défiance, Hollande tempère mais n'est sans doute pas d'accord sur le choix athénien tandis que les autres pays européens convergent leurs regards, chacun dans son coin et selon sa vision, vers ce jeune Tsipras, à la fois charmeur, radical et troublant. En Espagne le parti politique «Podemos» créé en janvier 2014 s'en est inspiré et en Irlande, l'alliance anti-austérité, un mouvement d'extrême gauche en a presque calqué ses principes. Le dilemme n'est donc pas facile à résoudre pour les instances européennes : ou bien elles feraient marche arrière sur les politiques impopulaires engagées ces dernières années par les Etats membres de l'U.E en faveur de la grande finance au risque de provoquer partout des révoltes, ou si cette alternative semble peu porteuse à moyen terme sur le plan politique et géostratégique, elles vont à contre-courant de ce à quoi aspire cette nouvelle direction grecque, du reste démocratiquement élue, et par ricochet, les larges pans des couches sociales ayant adopté les mêmes idéaux, ce qui est inacceptable.

La fuite de l'électorat dans le refuge des extrêmes, soit à droite ou à gauche n'est-il pas d'ailleurs la résultante du déclin économique de l'Europe suite à la crise des subprimes et la récession qui s'en est suivie? Incontestablement, le parti de la Syriza qui a gravi les marches du pouvoir en cette période cruciale où le baromètre de l'Europe aura viré toutes ses aiguilles à l'austérité pourrait facilement laisser d'indélébiles traces sur la cohésion de l'Union européenne. Sous perfusion des plans de sauvetage de la B.C.E, la Grèce qui est entre les dents de la troïka (U.E, B.C.E, F.M.I) cherche autre chose. Or, alors que le plan d'aide européen arrive à échéance le 28 février, le Conseil européen se prête à se réunir le 12 février en cours pour décider du sort à réserver à son élève studieux qui tend à devenir, magie des urnes aidant, «turbulent», voire rebelle!

La Grèce va-t-elle alors sortir du giron de l'Union européenne ou, au contraire, contribuera-t-elle par la dynamique inédite de son nouveau Premier ministre à donner un autre visage, plus reluisant, à la devanture «récessioniste» et défaitiste de l'Europe d'aujourd'hui? En plus, y aura-t-il fléchissement des positions des deux camps, le Conseil européen d'un côté et la Grèce de l'autre? En tout cas, la crainte de fissures dans le corps de l'Union européenne a déjà envahi l'Allemagne et la France lors de la crise chypriote et le risque d'explosion sur fond de contagion poussent les uns et les autres à plus de retenue. En revanche, même avec ses indicateurs au rouge, les Allemands et la B.C.E ne prévoient guère de renégociation de la dette grecque en dehors du cadre des accords existants, c'est-à-dire, le respect du plan de redressement économique et l'application des recettes d'austérité préconisées par eux et le F.M.I. Or, croulant sous le fardeau de 315 milliards d'euros de dettes, soit plus de 175% du P.I.B, la Grèce compte rompre définitivement avec les politiques de rigueur l'ayant entraînée dans la spirale irréversible de la réduction des dépenses publiques, les licenciements des employés de la Fonction publique et la baisse drastique des salaires et des retraites. Le cri grec n'est-il pas, somme toute, le signe d'épuisement social face aux «outputs» de la crise économique? A vrai dire, rien n'est hors de portée des espérances de la masse tant que la combinaison de plusieurs facteurs permet toujours l'émergence du défi. Un défi qui est loin d'être un mythe de Sisyphe dans le cas athénien mais pas tout aussi facile à concrétiser. Quant à savoir si sa durée sera courte ou longue, il suffit de regarder du côté de l'empressement des leaders européens à se démarquer de la démarche de Tsipras. L'Allemagne, qui a déjà pris les devants sur la nécessité de l'austérité pour redresser la barre aux pays défaillants, hésite et la France qui, dans le début du mandat de Hollande, prône de la croissance à l'échelle continentale s'est, elle, résignée à la conjoncture contraignante de la zone euro. Tsipras aura-t-il l'étoffe d'un grand réformateur de la ligne éditoriale de l'U.E? Ou serait-il vite isolé sur l'arène européenne sans autre souvenir que l'inaudible écho de sa révolte ? Wait and see, diraient les Anglais.

Kamal Guerroua

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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 10:43

Le journal français le Monde a dévoilé ces derniers jours un nouveau pan du scandale SwissLeaks. À savoir une liste de pays et personnalités concernés par le transfère illégal de plus de 180 milliards d'euro dans les comptes genevois de l'HSBC. Il y a, en tout, plus de 130.000 personnes physiques ou morales dans le monde dont 44 Algériens.

Les révélations sur l'existence de comptes bancaires cachés qui bénéficient d'un secret bancaire aussi énigmatique que paradoxal dans un pays démocratique dont la transparence et la morale sont deux conditions sine qua non à la bonne gouvernance, est en effet un révélateur significatif des limites frappantes d'un modèle new-libéral imposé pratiquement à tous les pays du monde.

Première limite : dans les pays dits démocratiques, les pays qui forment la civilisation dominante actuelle, il y a des lois et des règles très rigoureuses en la matière puisque le fisc est l'unique denier de l'État. Pour détourner cette contrainte majeure, les gardiens du temple libéral et au nom, justement, de la liberté de ne pas payer ses impôts, ils ont pu trouver une ruse presque parfaite qui prend l'allure d'une échappatoire, là où on peut transgresser ses propres lois et règles. Les paradis fiscaux, un nominatif qui fait rêver, il nous renvoie en fait l'image des îles paradisiaques avec leurs mers d'eau turquoise transparente et le soleil à longueur d'année. Malheureusement, cette image très séduisante n'est pas la réalité, il s'agit bien d'une configuration beaucoup plus ténébreuse, des pays dont les banques ont le droit d'encaisser l'argent d'où qu'il vient quitte à être sale. Là où l'État n'effectue aucun contrôle fiscal sur ces fortunes souvent d'origines très douteuses. Néanmoins, le problème c'est qu'on ne se limite guère comme jadis aux fraudes fiscales, maintenant on a créé des sociétés écrans, autrement dit, des entreprises fictives créées pour dissimuler les transactions financières des sociétés économiques. Par exemple, il y a de grandes sociétés multinationales qui ne paient aucun impôt dans leurs pays de naissance sous prétexte d'optimisation fiscale ! Alors qu'un simple ouvrier, employé ou même petit patron, paient de 30 à 40 % de leurs bénéfices à l'État entre cotisation sociale et impôts. Là, on n'est même pas dans le registre des inégalités et de l'injustice sociale, ce nouveau modèle a dépassé largement les règles et codes du capitalisme/libéralisme lui même. Cela discrédite certainement l'action des gouverneurs de ces pays, car il les rend complètement démunis face à la superpuissance de ces groupes qui deviennent au fur et à mesure les vrais décideurs. Ce qui peut provoquer un déséquilibre sociopolitique très dangereux dans l'avenir, y compris dans les pays qui renvoient une allusion de solidité «éternelle».

Deuxième limite : justement, pour ce qui est des règles et lois, ce « modèle » très peu réglementé, s'appuie sur des organismes particulièrement financiers qui n'obéissent à aucune loi, car ils fonctionnent dans l'obscurité totale, et donc les soupçons sur l'utilisation des méthodes occultes, conflit d'intérêts, biais d'influences, corruption, blanchiment d'argent, trafic d'armes et narcotrafic et tous les crimes économiques qu'on peut imaginer, sont tellement légitimes, voire très préconisés. À titre d'exemple, dans une conversation téléphonique divulguée par les médias, un ancien ministre des Finances français cherchait où il peut « planquer » son argent en toute sécurité. Dans ce cas de figure, la question principale n'est pas l'évasion fiscale du premier responsable du fisc français, mais d'où parvenaient ces sommes d'argents d'un haut fonctionnaire de l'État ?

Troisième limite: contrairement aux stéréotypes véhiculés par les médias internationaux, l'intensité des capitaux transférés illégalement à ces banques, selon ce même rapport, est beaucoup plus élevée dans les pays dits démocratiques, les pays du Nord civilisé que les pays du Tiers-monde, les pays pauvres du Sud. On peut effectivement observer dès lors qu'il existe sur cette « liste de la honte » 440 personnes associées à l'Algérie, ce qui nous intéresse particulièrement, dont 10% de nationalité algérienne (44 personnes) avec une somme totale de 671 millions d'euro transférée entre 1970 et 2006. Sans aucun cynisme de notre part ou une volonté de vouloir minimiser l'ampleur de ce scandale, il faut avouer que sur 36 ans, ce chiffre est tout de même peu signifiant, en proportion à la richesse de notre pays ( PIB, réserves de changes...etc.) et en comparaison avec d'autres pays beaucoup moins riches et qui sont mieux classés dans ce tableau de la fraude. Toutefois, la justice algérienne est appelée à ouvrir une information judiciaire car ces transferts sont strictement interdits dans la loi du pays. On peut s'interroger en revanche sur l'existence d'autres comptes dans d'autres banques et d'autre pays ! Certainement, mais on a là un aperçu et un échantillon très représentatif qui nous donne une idée assez claire sur l'échelle de grandeur de ce phénomène dans tous les pays du monde.

Ainsi donc, on peut conclure sans aucune hésitation que ces fléaux sont très liés aux pays dominants, ce qui rend le discours moralisateur, qui ressemble beaucoup à l'argument principal de la colonisation (civiliser les indigènes) et prétend se soucier de la transparence, la démocratie et la bonne gouvernance des pays du Sud, beaucoup moins crédible. Il se heurte fortement en fait à l'épreuve du terrain de la lutte contre la corruption et tous ces crimes économiques. Cette réfutation nous révèle également la grossièreté de l'argument du droit d'ingérence selon lequel les pays puissants s'ingèrent dans les affaires des pays pauvres pour leur «apprendre» et/ou leur imposer la bonne gouvernance, la démocratie et la transparence dans la gestion de leurs affaires !

En vantant les bienfaits de ce système libéral, la démocratie occidentale est bien embarrassée par ces scandales à répétition. Parce qu'en trahissant son propre code d'honneur et malgré les crises graves successives qui ont secoué le « monde libre », le capitalisme est en train de sombrer dans un aveuglement perceptible. Il est victime effectivement de son propre égoïsme et prisonnier de son arrogance. Le grand capital veut imposer ainsi un ordre établi très strict au reste du monde mais en suivant lui même une démarche anarchique. Cette contradiction est potentiellement génératrice de chaos qui ne sera pas forcement créateur !

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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 10:42

Payer ses impôts n'est pas un geste naturel. Un acte de ceux que l'on admet aisément. Il n'est pas facile d'accepter l'idée de devoir céder une partie de ses revenus surtout quand une petite voix nous chuchote que cet argent va payer, entre autres, le salaire d'élus indélicats, de fonctionnaires incompétents (clin d'œil à celles et ceux qui galèrent avec Pôle emploi) ou même de journalistes du service public dont le propos et le parti pris néolibéral agacent de bon matin. Pas facile non plus quand on lit – démarche masochiste – le rapport annuel de la Cour des comptes où sont compilés un nombre impressionnant de gaspillages d'argent public. Pour autant, s'arrêter à cela serait faire preuve d'une grande incivilité. C'est un fait. Payer ses impôts est un engagement civique. Une nécessité au nom de la solidarité nationale, voire au nom du patriotisme. Ecoles, routes, hôpitaux, installations éducatives, tout cela exige que chaque citoyen paie son écot. Bien entendu, cela vaut aussi pour les entreprises. Pour toutes les entreprises. Cela peut irriter, cela peut paraître injuste, mais on n'a pas encore trouvé d'autres moyens pour financer le fonctionnement de l'Etat et la réalisation d'infrastructures utiles au bien-être commun (et que l'on ne vienne pas me parler des partenariats public-privé qui ne sont qu'une vaste fumisterie…).

On peut juger de la modernité d'un pays à la manière dont est organisé son système fiscal. Et, dans ce type d'approche, on a souvent opposé le « bon fonctionnement » des pays développés censés être parfaitement organisés pour ce qui est de la levée de l'impôt, à celui des autres nations, notamment africaines, où l'importance du secteur informel empêche toute politique fiscale équitable. Pour ces dernières, l'impôt est d'ailleurs souvent un moyen de coercition destiné à mettre au pas les récalcitrants sur le plan politique ou ceux qui refusent de payer dîme et pots-de-vin. Mais de récents événements sont en train de modifier la donne. Dans un contexte où les classes moyennes mais aussi les petites et moyennes entreprises (PME) n'ont pratiquement aucune marge de manœuvre face aux fourches caudines de l'administration fiscale, on sait désormais que l'égalité devant l'impôt est un immense leurre. Il y a d'abord le fait que de nombreux pays européens n'hésitent pas à détourner, car c'est le mot, une partie des recettes fiscales de leurs voisins. L'affaire dite du Luxleaks l'a bien montré. Pendant des années, et aujourd'hui encore, le Luxembourg, membre fondateur de l'Union européenne (UE), a encouragé des entreprises à se domicilier sur son sol pour payer un minimum d'impôts privant ainsi ses partenaires européens ou transatlantiques d'importantes ressources financières. Et cela dans un contexte mondial où l'on ne cesse de parler d'austérité, de diminution des dépenses publiques et de retrait des Etats de la sphère socioéconomique. Bien entendu, le Luxembourg n'est pas le seul à pratiquer ce petit jeu maléfique. Outre la multitude de paradis fiscaux qui continuent de prospérer malgré les discours récurrents annonçant leur mise au pas, des pays comme la Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas ou l'Irlande pratiquent aussi la compétition fiscale.

Ensuite, le récent scandale de la filiale suisse d'HSBC est lui aussi de nature à remettre en cause la perception de l'impôt en Europe. Des milliards de dollars en provenance de plusieurs pays, y compris du Maghreb et d'Algérie, ont été soustraits au Trésor public. Si l'on part du principe que cette activité est aussi le fait d'autres banques (on ne voit pas pourquoi il en serait autrement) et si l'on ajoute à cela les centaines de milliards de dollars de recettes fiscales qui disparaissent grâce à « l'optimisation fiscale » -autrement dit une fraude légale-, on atteint des montants faramineux. Chaque année dans le monde, entre 2.000 et 3.000 milliards de dollars échapperaient ainsi aux caisses des Etats lesquels n'ont d'autre alternative que de pressurer ceux qui n'ont pas les moyens d'échapper à l'impôt. Cette situation est d'une gravité extrême. L'évasion fiscale et le manque à gagner qu'elle engendre minent la cohésion de sociétés déjà fragilisées par le chômage et les inégalités. La question est aussi importante, sinon plus, que le terrorisme et la criminalité organisée. Pourtant cela ne déclenche guère de réactions gouvernementales. Jusqu'à quand des Etats mais aussi des établissements financiers vont-ils continuer à capter les ressources qui devraient légitimement revenir à d'autres nations ? Jusqu'à quand de grandes entreprises vont-elles exceller dans la capacité à ne payer aucun impôt dans des pays où, pourtant, elles réalisent d'importants bénéfices ? Tout cela mériterait un grand sommet mondial. Tout cela mériterait une mobilisation générale et des discours politiques s'engageant à mettre fin à cette immense duplicité qui fait que les grands perdants de l'obligation fiscale sont les classes moyennes et les PME.

Ce silence connivent et cette inaction malgré la multiplication des scandales interpellent. Cela témoigne de la puissance des lobbies bancaires et financiers et de leur capacité à étouffer les initiatives politiques. Cela montre que « l'industrie de l'optimisation fiscale » a toujours eu une longueur d'avance sur les législations. Faudra-t-il l'effondrement d'un ou plusieurs pays, voire des conflits armés dans ce qui, aujourd'hui encore, demeure une zone de prospérité, pour que les choses changent ? En tous les cas, cette criminalité et cette inconscience en col blanc semblent avoir de beaux jours devant elles.

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