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5 janvier 2017 4 05 /01 /janvier /2017 10:53
La bureaucratie est la maladie n°2 après la corruption en Algérie.

La bureaucratie est la maladie n°2 après la corruption en Algérie.

Pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie indépendante un premier responsable de l’exécutif commente une loi de finances juste après sa signature en utilisant les medias lourds et une préparation minutieuses par un choix d’une tranche d’horaire pour toucher un large auditoire. Cela dénote sans doute l’inquiétude des pouvoirs publics autour d’un agenda pour l’année 2017 très controversé.

Pourtant un peu plus d’un mois avant, ces mêmes médias ont préparé l’opinion publique à une année sans embauche grâce à l’accord "historique" arraché par l’Algérie pour redresser le baril du pétrole. Par cette offensive médiatique, le citoyen lambda pensait que tous ses déboires étaient finis à partir de l’entrée en vigueur du système de quota fixé et contrôlé par le comité technique laissé aux bons soins à l’Algérie.

Après cette euphorie, le Premier ministre se veut pragmatique en déclarant maintenant que ces efforts déployés par l’Algérie auprès des producteurs OPEP et non-OPEP étaient certes, nécessaires mais pas suffisants pour ne compter que sur le redressement incertain du baril du brut. Il n’a pas tord car de nombreux experts ont déjà averti que la progression du prix du baril autour de quelques cents de dollar au-dessus des 50 est la conjugaison de plusieurs facteurs dont la rudesse de l’hiver en Occident, la diminution des stocks américains et vient après la rumeur autour de cette entente des pays producteurs de pétrole qui entre en vigueur qu’à partir du premier mois de cette année. Quand bien même chacun des acteurs respecte ses engagements, ce qui est fort probable, les producteurs se doivent d'éponger près 1800 000 barils par jour des quelques 2 millions de barils par jour représentant le surplus de l’offre actuellement sur le marché.

En supposant que tout se passe comme prévu, ce qui est cette fois-ci le vœux de tout le monde, on aboutirait à une correspondance entre l’offre et la demande. Dans ce cas de figure, aucun acteur n’aura une influence quelconque sur les prix car la demande du pétrole ne pourra être tirée vers le haut que par une croissance forte des pays émergents et ceux développés. Or, les chiffres perspectifs montrent que cette dernière restera molle du moins durant l’année 2017. Donc ne pas trop miser uniquement sur la hausse du prix du baril est la sagesse même du premier ministre pour l’avoir dit d’emblée dans son intervention le soir du 30 décembre 2016. Par contre, les indicateurs, que certainement les différents ministères lui ont préparés pour les annoncer à l’opinion publique n’ont, comme chacun le sait pas convaincus grand monde. Les commentaires et les déchainements qui en découlent dans les réseaux sociaux sont édifiants. Pourquoi ? Les chiffres sur la croissance et l’encouragement des investissements hors hydrocarbures et surtout le niveau d’endettement sont des génériques que les citoyens entendent depuis les années 80. Il a raté l’occasion pour ramener son intervention à la dimension d’équité dans la gestion des affaires et donner plus de détails pratiques sur le "ciblage" des couches défavorisées qui devraient bénéficier des différentes subventions de l’Etat. Il aurait dans ce cas répondu aux différentes grognes qui menacent la stabilité du pays en 2017. Les jeunes étudiants qui appellent sans arrêt aux recrutements équitables dans les entreprises publiques et notamment Sonatrach dont il n’a trouvé mieux que de remercier ses travailleurs pour leur effort de production et quelle production ? Il n’a pas répondu non plus à l’unification des caisses de retraites que les fonctionnaires réclament par des grèves. Enfin, il a totalement ignoré le conflit des commerçants qui a commencé à Tizi Ouzou mais pourrait se généraliser à toutes les wilayas car la bureaucratisation et la lourdeur des systèmes fiscaux et parafiscaux sont devenus étouffants et découragent l’acte de commercer, seul moyen pour renflouer les caisses de l’Etat.

En dépit d’un arsenal juridique considérable, l’acte de commercer continue à relever d’un parcours du combattant. Depuis la dénomination d’une affaire en passant par le registre du commerce jusqu’à l’acquittement des impôts.

 

1- Le rouage du commerce dans son ensemble incite à la fraude fiscale

Pour donner un nom à votre entité, on vous remet un ordre de virement qu’on arrondi à 500 dinars, ensuite il faudrait passer une demi-journée à la banque pour le formaliser. Parfois beaucoup plus si vous tombez avec la fin du mois ou avec l’arrivée d’un commerçant qui ramène un montant important à verser dans son compte et qu’il mobilise tous les caissiers de cette banque. Le registre du commerce demande parfois plusieurs allers et retours pour finaliser le dossier demandé d’une lourdeur insupportable allant du casier judiciaire jusqu’aux imprimés avec des rubriques à renseigner incompréhensibles. Plus grave, celui qui construit une maison qui y réserve une aile commerciale et dispose d’un acte de propriété en toute légalité, on lui refuse le registre si sa façade ne correspond pas aux normes qu’ils ont arrêtées et ne présente pas un certificat de conformité. Il suffit qu’il loue sa maison à quelqu’un d’autres pour que tout soit possible dans les mêmes conditions initiales. Près de 80% du secteur informel fuient le fisc parce qu’ils n’arrivent pas à obtenir un registre du commerce exigé pour s’acquitter en toute légalité de ses impôts. Pourquoi ? Ils font partie du million de constructions illicites que l’Etat vient de différer sine die l’application de la loi qui les oblige à leur conformité.

La règlementation qu’applique la Chambre nationale du registre du commerce ne suit pas les décisions prises par le sommet de l’Etat pour justement inciter le secteur informel à intégrer le rouage économique normal. Les recettes des impôts et les inspections correspondantes sont beaucoup plus plongées dans la paperasse de leurs contribuables que l’argent qu’ils doivent verser dans les caisses de l’Etat. Les dossiers sont lourds et non numérisés et font l’objet le plus souvent à des pertes qui impliquent des réclamations inextricables. Vous déclarez une activité pour vous acquitter de vos impôts, on vous les refuse sans présentation d’un dossier décourageant à constituer donc vous vous versez dans l’illégalité. Le comble, si le fisc vous attrape, il vous régularise d’office sans cassement de tête de ce dossier. N’est-ce pas une incitation à la fraude et aux fautes pour obtenir des droits que vous n’avez pas réussi à obtenir en toute légalité. La Caisse nationale de l’assurance sociale refuse de délivrer des attestations d’affiliation qui continuent à être exigés dans toutes les administrations et notamment pour les aides aux logements des salaires bas. Il faut parfois une journée complète pour payer sa cotisation à la CASNOS.

C'est pour toutes ces incohérences dans l’application et la coordination des différentes institutions de l’Etat que les citoyens évitent les circuits légaux pour la voie informelle. Les pouvoirs publics, au lieu de redresser ces incohérences, choisissent les solutions soit contraignantes comme celles préconisées par le directeur général d’une caisse sociale de confisquer les biens des contrevenants ou d’autres de facilités comme l’augmentation de deux points de la TVA qui va faire flamber les prix en 2017. Comment peut-on s’étonner que Zaibet Toufik, ce fameux inventeur du RHB ne soit pas docteur lorsque le médecin, l’avocat l’épicier, le consultant et le plombier se trouvent dans le même casier fiscal. D’ailleurs certains cabinets médicaux n’appellent plus leurs malades des "patients" mais carrément des "clients".

2- Les promoteurs d’investissement ne sont pas non plus épargnés par la bureaucratie

Lors de l’installation du nouveau PDG de Sonatrach, dans son intervention le premier ministre a profité de l’occasion pour interpeller les membres de son gouvernement de ne plus exposer les investisseurs aux fonctionnaires des CALPIREF (01) relevant des wilayas qui ont tendance à s’accrocher plus à la forme qu’au contenu des projets que les différents promoteurs présentent. Deux mois après une circulaire interministérielle regroupant le ministre de l’Industrie, celui des Finances et le dernier de l’Intérieur limite le rôle de ces commissions de wilayas à de simple secrétariat et transfert le pouvoir de décision directement aux walis. Elle fixe avec précision les délais de dépôt et de réponse pour ne pas laisser les investisseurs dans l’expectative. Voilà prés d’une année que les choses sont pires de ce qu’elles étaient. Dans certaines wilayas, les promoteurs sont reçus par des secrétaires qui passent leur temps à leur corriger des fautes d’orthographe négligeant carrément le fond que l’idée du projet apporte. Des investisseurs dépensent une somme faramineuse pour présenter une étude économique complète pour ne recevoir aucune réponse aussi bien positive que négative.

Conséquence, ces promoteurs tentent leur chance dans d’autres cieux. Ainsi, durant l’été 2016, l’équipe de l’ambassade de Tunisie a organisé une rencontre à l’hôtel Aurassi pour inviter les porteurs de projets à visiter leur payer qui semble offrir de nombreuses opportunités à saisir. On apprend dernièrement par un journal Tunisien repris par les réseaux sociaux qu’un projet de production et de séchage du lait ainsi que celle de viandes rouges et blanches d’un coût de près de 230 millions d’euros (596 MD) pouvant employer dans une première étape 2000 employés spécialisés et 3000 autres non spécialisés est en voie d’être créé par un investisseur algérien qui vient de présenter une étude complète au gouvernorat de Jendouba en Tunisie selon une étude que ce dernier a présenté au gouvernement tunisien. Le projet comporte la création d’une plantation pour l’élevage de 32 000 vaches dont 12 000 seront distribuées aux éleveurs à condition que leur production soit vendue à l’usine de séchage du lait qui sera réalisée à Sakiet Sidi Youssef, outre la mise en place d’une unité de réfrigération d’une capacité de 100 mille litres cube de lait et d’une autre destinée à la transformation de la bouse de vache. Ce type de projet que des centaines d’Algériens n’arrêtent de proposer pour contribuer à l’allégement de la facture que les pouvoirs publics payent pour cette denrée de première nécessité sans compter sa dépendance depuis plusieurs décennies à la France et aux Pays Bas, ne semble pas trouver écho au niveau national. Ces recherches d’opportunité selon des rumeurs ne vont pas s’arrêter à la Tunisie mais vont même se concrétiser dans certains pays émergents comme le Mexique, le Brésil, l’Argentine etc.

3- Conclusion

A travers toutes ses interventions depuis sa nomination en tant que Premier ministre, Monsieur Sellal développe des discours qui montrent un sens de responsabilité élevé. En management, on attribue à cette dimension la conscience, l’esprit de patriotisme et surtout l’émulation d’entreprendre dans l’intérêt général. Une telle qualité est certainement nécessaire mais pas suffisante pour compléter l’équation du leadership. Il faut donc un pouvoir ferme et surtout une autorité non seulement incontestée mais aussi incontestable pour conduire une économie de crise. La crédibilité quant à elle constitue un caillou dans le pied de celui qui veut exercer un pouvoir.

 

Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier.

 

Notes

01- Comité d’Assistance à la Localisation et à la Promotion des Investissements et de la Régulation du Foncier

 

 

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