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2 juillet 2018 1 02 /07 /juillet /2018 11:12
Esthétique de boucher

Par M'hammedi Bouzina Med

Des milliards en dinars et devises, une présence dans le bâtiment, le commerce, l'industrie... Comment et pourquoi un personnage anonyme, sans argent, sans passé entrepreneurial est devenu un «boss» ayant pignon sur rue?

L'affaire de la tentative d'introduction sur le marché national de la consommation des 701 kilos de cocaïne continue de révéler, chaque jour qui pas- se, d'autres affaires de trafics et de pratiques mafieuses sous-adjacentes mettant en cause des responsables publics à diverses échelles et divers milieux. Les Algériens semblent découvrir, ahuris, l'étendue et l'énormité du crime et du scandale qu'ils ne concevaient que dans les films policiers et romans noirs. Comment en est-on arrivé à ce stade dans la criminalité organisée? Un tel réseau de bandits ne nait pas du néant. Il y a des raisons objectives qui ont prévalu à sa constitution: l'ouverture tous azimuts et sans garde-fous du marché économique national à l'aune de l'abondance de l'argent frais de la rente des hydrocarbures. Le pays s'est lancé, à juste titre, dans une dynamique effrénée de développement en lançant des projets et travaux à tout va pour rattraper le retard cumulé de plusieurs décennies de stagnation et d'immobilisme économique. L'agent coulait à flots, les chantiers quadrillaient le paysage national, la croissance à deux chiffres allait bon train.

Du coup, des milliers d'entrepreneurs, d'entreprises souvent improvisées se jetaient dans cet «eldorado» financier algérien. Des gens sans qualités techniques, sans expérience, sans patrimoine entrepreneurial et parfois sans apport financier initial et surtout sans culture managériale se retrouvaient « Entrepreneur», «Homme d'affaires», «Managers et Consultants» etc. Comment? Par quel artifice ou miracle? Par le «réseau» et liens de famille, d'amitiés intéressées ou de concupiscence vorace face à l'offre mirobolante et facile du marché national.

Malheureusement, la volonté de l'Etat d'ouvrir grand les vannes du trésor public pour rattraper les énormes retards dans tous les secteurs de la vie économique s'est faite dans la précipitation sans protections et garanties techniques, juridiques et même sans promotion de la ressource humaine déjà en déficit structurel. Beaucoup y verront une stratégie du «Pouvoir politique» - qui n'a rien avoir avec la notion d'Etat- pour acheter la paix sociale et une forte adhésion et soutien populaire. Et il en fût ainsi avec le renouvellement à quatre reprises du mandat présidentiel à M. Abdelaziz Bouteflika et peut-être même un cinquième. Le débat sur la légitimité ou non des mandats présidentiels passés est dans ces circonstances suranné, inutile et sans escompte politique pour l'opposition de manière générale. Car, quel que soit les fraudes ou manipulation des urnes, il n'est de mauvaise fois que de ne pas reconnaitre que le vote a été à chaque fois largement en faveur de M. Abdelaziz Bouteflika. Pour les pourfendeurs de Bouteflika installés à Alger et ses confortables salons politiques , il leur faut se rendre à l'intérieur du pays chez le «bon peuple» des travailleurs, des jeunes et des paysans pour se rendre compte de la popularité de Bouteflika. Logement sociaux, routes et autoroutes, Ansej et crédits à la consommation aux travailleurs, emploi etc. sont passés par là et plombé toute remise en cause de cette politique accompagnée de «nouvelles richesses» qui envahissait l'espace public et social. C'est dans cette euphorie nationale du tout consommable frénétique et incontrôlé que va proliférer bandits et opportunistes de tout bord. Tout s'y prête pour ce genre d'aventuriers: la vitesse et la multiplication des chantiers à tout va, une administration archaïque, dépassée et sous alimentée prête à «manger» dans les mains des nouveaux entrepreneurs et riches hommes d'affaires, une justice, non déplaise à son syndicat et son ministre, gangrénée par la corruption, sous équipée et loin d'être indépendante des pouvoirs politiques et exécutifs et cerise sur le gâteau: une manne financière publique abondante. Les ingrédients parfaits pour la « croissance» du phénomène de corruption. Un terrain propice pour les flibustiers à l'abordage du navire Algérie.

La corruption à l'échelle du gendarme ou policier en poste dans un barrage routier est une lointaine image qui prête à sourire face à celle qui frappe les rouages les plus sensibles de l'Etat: la mafia algérienne est née. Comme toutes les mafias du monde, elle ne va pas faire dans de la dentelle. Elle vise gros, emploie les moyens qu'il faut y compris le chantage, la violence, le crime. La tentative d'inonder le pays de drogues dures telle la cocaïne est un crime contre le pays. Pour autant de raisons, vouloir cerner cette affaire à la seule signature du «boucher» et de quelques acolytes et sous- fifres ou la traiter comme une affaire isolée du contexte politico- économique du pays serait une erreur stratégique de la part des responsables qui s'en occupent. L'affaire de «Khalifa» et la façon dont elle a été traitée notamment en faisant payer des prête- noms et soldats de seconde zone ne doit pas se répéter. L'arrestation et l'emprisonnement de son patron Khalifa Moumen a clôturé le dossier. Ce n'était pas suffisant: des milliers de victimes de Khalifa sont à ce jour abandonnées et sans aucun droit de réclamation de leurs dus et des dizaines de complices de Khalifa ont échappés à la justice, parmi eux de hauts responsables de l'Etat et de syndicats encore en fonction aujourd'hui. C'est cette impunité à géométrie variable qui a donné de l'appétit aux autres bandits qui attendaient l'opportunité de passer à l'action et dont fait partie ce fameux «boucher». Et puis combien d'autres «bouchers» - mes respects à la profession évidemment- activent encore à travers le pays et même en connexion avec l'étranger comme c'est le cas de cette affaire de cocaïne? Combien d'autres affaires se révéleront à nous à l'avenir et comment seront-elles traitées? Le défi dans cette affaire pour l'Etat est double: réhabiliter la «personnalité» morale de l'Etat en ne laissant aucun doute sur sa volonté de démanteler par l'action les réseaux mafieux et engager une lutte sans merci contre la corruption qui envahit ses rouages et structures. Il faut au delà de l'affaire du «boucher» donner, vite, des signes forts en frappant fort dans ce genre de milieux connus et dénoncés par des citoyens et associations civiles.

La progression alarmante du niveau de corruption est la conséquence de la faiblesse des institutions publiques au plan de la ressource humaine et au plan des moyens techniques et modernes de gestion du pays d'une part, et des injustices sociales qui laissent malgré de réels progrès économiques du pays des pans entiers de populations à l'abandon et en marge des bénéfices du pays d'autre part. Il s'agit donc de ne pas céder à l'effet d'annonce dans l'affaire du «boucher» en la traitant comme un fais divers d'un bandit quelconque, mais de s'interroger sur le comment et surtout pourquoi de telles affaires explosent à la face le champ social et politique par intermittence. Le travail d'assainissement et de moralisation des institutions de la république à entamer est énorme et capital pour épargner au pays la faillite. Puisse cette nouvelle affaire du «boucher» servir au réveil des bonnes consciences et donner un espoir de ne pas désespérer de l'avenir, notamment à la jeunesse qui assiste, médusée, à ce triste spectacle.

(*) Titre emprunté, avec sa bienveillance, au titre du roman paru en 1990 de mon ami Mohamed Magani, écrivain talentueux et discret.

 

Article publié dans Le Quotiden D'Oran

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14 juin 2018 4 14 /06 /juin /2018 10:21
L'occident au miroir de l'islamisme
Par Omar Merzoug
 
De quelle manière les islamistes, et au premier chef, leurs penseurs considèrent-ils le monde occidental, les valeurs qui y ont cours, le régime politique qui est le sien ? Comment définissent-ils l'Occident ? Quelles implications en tirent-ils dans leurs analyses et pour leur action ? Nous avons voulu livrer une version synthétique de leurs idées en la matière avant de les soumettre à la critique. 

C'est une question digne d'intérêt que de s'interroger sur la conception que l'islamisme a pu produire d'un Occident hissé à la hauteur de l'ennemi principal, cause supposée des malheurs des musulmans à travers les tentatives d'évangélisation, l'invasion coloniale, la mondialisation, « l'agression culturelle ». C'est donc un occident malveillant, immoral, impie et impérialiste qui est peint dans les textes des initiateurs de la pensée islamiste et qu'il importe de connaître pour savoir à quoi s'en tenir. Faute de savoir l'arabe, on ne peut en prendre connaissance, car les traductions des œuvres intégrales des penseurs islamistes sont rares1(et, de surcroit, tout n'est pas traduit). Par là même, on risque d'être toujours en retard d'une guerre. C'est peu de dire que la notion d' « Occident », quel que soit le sens qu'on lui donne, fait office de repoussoir aux yeux des islamistes. S'il est vrai que l'on ne saurait s'affirmer sans s'opposer, il est non moins exact de dire que les islamistes ont fait de l'Occident l'objet de leur vindicte, un ennemi sur lequel ils ne tarissent point d'anathèmes. Et ce d'autant plus qu'à leurs yeux, répétons-le, les puissances occidentales, faisant chorus, sont, à les en croire, responsables des maux dont souffrent les sociétés musulmanes. Parmi les griefs qu'enregistre l'islamisme à l'encontre de l'Occident, il en est qui relèvent de la religion, certains autres de la politique, d'autres enfin de la morale. Assoiffé de conquêtes et de pillages, le monde occidental actuel aurait une dilection particulière pour les croisades. Seuls les méthodes et les moyens sont différents, l'esprit qui anime l'impérialisme moderne demeure similaire à celui d'hier. D'autre part, les systèmes politiques mis en œuvre en Occident, qu'ils soient du reste issus du christianisme ou inspirés par d'autres doctrines, ressortissent pour l'islamisme à une forme périlleuse d'impiété et de rébellion contre les commandements de Dieu dont seul l'islam révèle et exprime la teneur authentique.

Enfin, l'Occident se voit souvent accusé d'être la terre nourricière de l'immoralité, la tanière de la licence, le fourrier du vice et du stupre. Prédicateurs, imams, essayistes religieux tonnent souvent contre la « libéralisation des mœurs » en vigueur dans les pays occidentaux. Pour ne citer que des exemples récents, la légalisation du mariage homosexuel et la procréation assistée sont souvent cités en exemple de la dénaturation imposée par l'Occident à un « ordre naturel ».

Ainsi, selon l'un des principaux doctrinaires de l'islamisme militant, Sayyid Qûtb (2) (pendu par le régime du colonel Nasser en août 1966), l'un des crimes de l'Occident est sa propension au colonialisme qui prend selon lui deux formes,la mission évangélisatrice ou la politique de la canonnière. « Parmi tous les crimes que commet le ‘monde libre', il en est qui en ébranlent la conscience humaine ». Ces crimes sont perpétrés dans le dessein « de transmettre les principes de la civilisation occidentale ». Mais si on refuse ces principes et si on ne veut point « se civiliser par le fait des missions évangélisatrices », alors «le monde libre» vous contraindra à vous civiliser par« l'épée, les canons, les chars qui sont des moyens plus aptes sans doute à transmettre les principes de la civilisation aux différents peuples » écrit-il dans son livre majeur « Repères sur la voie(3) » ajoutant que le « monde libre est la formule que donnent les colonialistes en Angleterre, en France et aux USA à ce bloc colonialiste qui combat contre le temps, qui lutte contre l'humanité et la liberté et qui s'attribue, tout compte fait, ce titre de «monde libre »

Au moment où S. Qûtb rédige son opus, il a conscience que l'humanité est au bord du précipice « en raison de sa faillite dans le monde des valeurs », valeurs à l'ombre desquelles il est possible à la vie humaine de se développer sainement » et cela, ajoute-t-il, est visible avec toute la clarté désirable dans un « Occident qui n'a plus rien à offrir en termes de ‘valeurs' à l'humanité ». Voilà pourquoi Sayyid Qûtb rejette le monde occidental, infécond, mais il n'en repousse pas moins le monde qui était souvent présenté comme l'alternative. «Dans le bloc de l'Est lui-même, les choses se présentent de façon similaire. Car les théories collectivistes,-au premier rang desquelles prend place le marxisme qui a attiré au début un nombre considérable (de partisans) à l'Est et à l'Ouest même en tant que système portant tous les caractères d'une doctrine-, a régressé d'une manière claire du point de vue du « concept » si bien que ce bloc tend à se réduire à « l'État » et à ses institutions.Le marxisme dans l'ensemble va à l'encontre de la prime nature humaine et ses exigences et ne peut croître que dans un milieu détruit ou un milieu accoutumé depuis longtemps à un régime despotique ». En somme, ni l'Ouest avec son régime démocratique, ni l'Est, avec son despotisme ne peuvent apporter une solution satisfaisante à la crise des valeurs qui semble préoccuper si fort S.Qûtb.

C'est ainsi que le rôle historique de la civilisation occidentale est terminé. Non pas parce que cette civilisation aurait matériellement fait faillite ou parce que sa puissance économique et militaire connaîtrait un affaiblissement, mais parce qu'il ne lui reste rien à proposer dans le champ des valeurs qui lui permettrait de jouer le rôle de guide de l'humanité. D'où la conclusion de Qûtb, il faut à l'humanité une nouvelle guidance, et cette guidance, le mieux à même de l'incarner, c'est la religion musulmane. Pour deux raisons principales, d'abord contrairement à un régime djahilite, en islam, la souveraineté appartient à Dieu et à lui seul et non pas à la raison humaine, faillible et misérable, « nécessairement mauvaise lorsqu'elle contrevient aux commandements divins », et secondement, parce en islam, la source de toute souveraineté n'est pas le peuple, mais Dieu. Tout le mal, selon S. Qûtb, vient de ce que l'homme a usurpé des pouvoirs qui ne lui reviennent pas. C'est d'une forme d'hybris, de démesure, que naît la Djahiliya. « Cette Djâhiliyya se fonde sur un attentat contre le pouvoir de Dieu sur terre et contre ce qui définit le plus proprement parlant le caractère théologique de ce pouvoir, qui est la souveraineté.

Cette Djâhiliya attribue cette souveraineté aux hommes, faisant de certains d'entre eux des seigneurs » et cet attentat contre la souveraineté divine ouvre la voie à un attentat contre les hommes. L'avilissement de l'homme dans les systèmes totalitaires et les ravages de la domination du capital« ne sont que des effets de cet attentat contre les pouvoirs de Dieu » et une conséquence de « la négation de la dignité accordée par Dieu aux hommes ».

L'homme musulman ne peut que rejeter tout à la fois le capitalisme pour qui seul le critère marchand est opératoire et le système communiste qui réifie et écrase les hommes. En fait, le choix est entre l'islam et la Djâhiliyya, la société musulmane avec ses lois, ses valeurs, ses institutions et la société djahilite avec les siennes.

C ette dernière peut se présenter sous l'aspect d'une société athée, qui propose par exemple une grille de lecture inspirée du matéria lisme dialectique et se réclamant du « socialisme scientifique », elle peut tout aussi bien apparaître sous la forme d'une société religieuse, mais tendant à cantonner Dieu dans le royaume des cieux et le privant du gouvernement du monde. Par cela même qu'elle exclut Dieu de la direction du monde terrestre, qu'elle dissocie le ciel et la terre, cette société demeure djahilite, même si elle confesse l'existence de Dieu.

Ce n'est donc ni dans les sociétés capitalistes ni dans les sociétés socialistes que l'on trouvera la civilisation.

De telles sociétés sont barbares et, du reste, on le voit à leurs effets, abaissement de l'homme, démesure scientifique et technologique, généralisation de la servitude, primat à la part animale de l'homme par le dérèglement des mœurs. « Les sociétés, écrit Qûtb, où dominent les valeurs, la morale et les tendances animales ne peuvent être des sociétés civilisées, quelle que soit leur supériorité industrielle, économique et scientifique ». C'est dans la société musulmane, antithèse de la société djahilite, que l'on trouvera la civilisation.

C'est dans une société qui répudiant les idoles, les fameux tawaghît, et confessant la souveraineté de Dieu que les hommes pourront jouir de la véritable liberté, car cette société exclut la division entre les maîtres et les esclaves S'il fallait résumer d'un mot la conception que se font les penseurs islamistes de l'Occident, c'est à la notion de Djâhiliyya que devrait revenir la primeur. Quand on cherche le sens de ce mot, on est toujours renvoyé à la période de l'histoire arabe qui précède l'apparition de l'Islam. Ainsi la très vénérable encyclopédie de l'islam, note-t-elle, à l'entrée Djahiliya que ce terme « désigne l'état de choses qui régnait en Arabie avant la mission du Prophète » et que « l'adjectif djâhil tiré de Djâhiliyya s'applique à tout ce qui est antérieur à l'Islam ». L'auteur de l'entrée Djâhiliyya dans le Dictionnaire du Coran traduit le mot par « ère de l'ignorance4 », traduction pour le moins fort réductrice, en partie inexacte. Denise Masson, traductrice du Coran(5), opte pour sa part pour « ignorance ».le mot jâhiliya désigne à proprement parler « l'ignorance de ceux qui ne connaissent pas la Révélation coranique. Le temps de l'ignorance est l'époque préislamique. Le Jâhil, l'ignorant est celui qui ne connaît pas l'islam ou bien celui qui vit sans loi révélée » alors que Jacques Berque, autre traducteur du Coran, rend le terme Djâhiliyya6 par « paganisme ».

Or les islamistes, dans leur lecture, disjoignent la Djâhiliyya de toute séquence historique concrète. J'en veux pour preuve ce qu'en dit Muhammad Qûtb, dans son essai « La Djâhiliyya du XXe siècle » : « D'aucuns s'imaginent que la Djâhiliyya désigne une période temporelle donnée, antérieure à l'Islam dans la Péninsule arabique7 ». A l'en croire, ce serait une erreur. La Djâhiliyya n'est pas non plus l'antithèse de la science, du savoir.

Car il est des sociétés qui jouissent d'un niveau estimable de savoir ou de science et n'en demeurent pas moins gouvernées par les principes de la Djâhiliyya. « La Djâhiliyya, précise Muhammad Qûtb, dans le sens coranique du terme, renvoie d'une part à un état psychologique se manifestant par le refus de s'en remettre à la guidance de Dieu, et de l'autre, à un ordre institutionnel qui récuse de juger selon la Révélation ». En ce sens, la Djâhiliyya ne « s'oppose ni à la science, ni à la civilisation ou au progrès matériel et pas davantage aux valeurs idéologiques, sociales, politiques et humanistes », mais elle se reconnaît à ce qu'elle est « réfractaire à la connaissance de Dieu, à la guidance divine et à rendre les jugements selon ce que Dieu à fait descendre (mâ anzala Allah) ». Par suite, cet état de Djâhiliyya peut exister partout, n'étant pas circonscrit dans le temps, il peut se manifester dans toute société ou communauté.

À chaque fois que les hommes rompent avec les préceptes et les commandements divins, esclaves de leurs passions, ils vivent dans un état de Djâhiliyya.

Mais sur quoi se fonde une pareille interprétation de la notion de Djâhiliyya et quelles preuves peut-on fournir quant à sa véracité ? Selon Muhammad Qûtb, la Djâhiliyya moderne se signale par son acharnement à disjoindre ce qui dans toute religion est solidement uni, le monde d'ici-bas et l'au-delà, le politique et le religieux, le sacré et le profane.

L'histoire de l'Occident n'est à ses yeux que l'histoire d'une Djâhiliyya dont les prétendues civilisations grecque et romaine scandent les étapes.

Civilisations esclavagistes à vrai dire, premier signe de la Djâhiliyya. Ces deux civilisations antiques seraient à la source de la Djâhiliyya moderne.

C'est ce que reconnaissent les sources occidentales elles-mêmes, même si, bien entendu, elles n'appellent pas le phénomène en question Djâhiliyya mais « civilisation ». L'un des traits saillants de la « civilisation grecque » est d'avoir sacralisé la « raison » (‘Aql), de l'avoir hissée au pinacle, d'avoir méprisé et déconsidéré l'esprit (Rûh). L'homme doit son éminente dignité à tout son être, non à sa seule raison comme l'ont cru à tort les Grecs et leurs sectateurs occidentaux. Cette sacralisation de la raison est l'un des principaux signes de la dérive qui mène tout droit à la Djâhiliyya. Car si toute l'existence humaine est vue à travers le prisme de la raison, alors tout ce qui échappe à la raison, tout ce qu'elle n'atteint pas,n'a aucune valeur. Et que dire alors de la morale grecque, qui est une morale purement intellectuelle, qui laisse échapper la chair des choses, toute la texture de l'existence et de l'acte humain ?

Quant à la Djâhiliyya romaine, elle n'est que l'idolâtrie de la matière. On juge ici de la valeur des choses selon le critère de la puissance matérielle.

Si pour le Grec n'existe que ce qui peut être conçu, pour le Romain en revanche n'existe que ce qui peut être perçu. De là leur barbarie, leurs sanglants jeux du cirque, leur cruauté proverbiale qui effrayait certains sages romains eux-mêmes. Quant au christianisme ou à sa « civilisation » qui a dominé le moyen âge, c'est la Djâhiliyya de la religion dénaturée. Moines et évêques ont falsifié le message divin proclamé par le Christ, détruisant l'unicité divine par le polythéisme trinitaire, souillant la majesté divine par l'incarnation, abomination de la désolation.

Telles sont à grands traits la vision que l'islamisme militant par la voix de deux de ses ténors se fait de l'Occident. Il s'agit maintenant de passer au crible d'une critique rigoureuse ces considérations. Ce sera l'objet d'une prochaine étude.


Notes

1- Xavier Ternisien fait le mê me constat : « La litté rature en français sur le sujet est dérisoire» , in «Les Frères musulmans» , Fayard, 2010. Voir Olivier Carré et Gérard Michaud (pseudonyme de Michel Seurat), Les Frères musulmans, Gallimard/Julliard, 1983 et «Le Prophète et Pharaon » de Gilles Kepel, Seuil, 1993.

2- Pour une étude circonstanciée sur le sujet, voir le livre d'Olivier Carré « Mystique et politique, lecture révolutionnaire du Coran par Sayyid Qûtb, Frère musulman» Presses de Sciences politiques, 1984. Habituellement traduit par « Signes de piste ».

4- Sous la direction de Mohammed Ali Amir Moezzi, Robert Laffont, Paris, 2007.

5-Le Coran, Bibliothè que de la Pléiade.

6-Aucun terme français ne peut à vrai dire rendre le sens de l'original arabe où il entre à la fois de l'ignorance, du paganisme, de l'immoralité, de la soumission aux passions, de l'oubli ou de la rébellion contre l'ordre divin.

7-Il s'agit du propre frère de Seyyid Qûtb et appartenant à l'association des Frères musulmans. Né en 1919, M. Qûtb a publié de nombreux ouvrages dont « Sommes -nous musulmans?» et « Etudes de psychologie humaine » . Il est mort en 2014, à La Mecque où il s'était réfugié après la répression nassérienne.
 
*Docteur en philosophie - (Sorbonne Paris-IV). L'article est publié le 14 juin 2018 au Quotidien d'Oran.
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21 février 2018 3 21 /02 /février /2018 10:12
"Cette polyphonie des langues qui sous-tend la francophonie"

PAR BENAOUDA LEBDAI*

 

Géographiquement, on parle de littératures francophones au nord du Sahara (avec des littératures nationales comme la littérature algérienne, marocaine ou tunisienne), et on parle de littératures francophones au sud du Sahara (avec les littératures nationales comme celles du Sénégal, du Mali, de Côte d'Ivoire, du Bénin, du Cameroun, de Guinée ou du Congo). Ce qui lie ces littératures, c'est la langue française. Mais chacune de ces littératures possède ses caractéristiques, ses spécificités stylistiques, ses traits culturels. Est-ce que le lien entre ces littératures est politique ou culturel ? Voilà une question qui mérite réflexion. Historiquement, les premiers écrits en français ont vu le jour au début du XXe siècle, avec des textes simples comme Zohra, la femme du mineur d'Abdelkader Hadj Hamou, écrit en 1925 en Algérie, ou Force Bonté de Bakary Diallo, publié en 1926 au Sénégal.

Les littératures francophones dans le temps

Trois grandes périodes marquèrent les littératures francophones africaines : la période assimilationniste avec des écrivains qui voulaient démontrer qu'ils étaient capables d'écrire comme les auteurs français, avec un vocabulaire châtié et une syntaxe irréprochable. Le discours était à la gloire du christianisme qui aurait sauvé les Africains des affres de la barbarie. Les bienfaits de la France et de l'armée française étaient mis en avant. Ces romanciers décrivirent avec exaltation les bienfaits de la puissance coloniale, sans recul critique. Cette littérature était imitatrice. Les problèmes inhérents à la colonisation étaient hors champ. 

Dans les années 50, des textes contestataires comme ceux de Kateb Yacine d'Algérie avec Nedjma ou de Sembene Ousmane avec Les Bouts de bois de dieuinitièrent le procès du colonialisme. Birago Diop, Seydou Badian, Mongo Beti, Léopold Sédar Senghor, Cheikh Hamidou Kane ou encore Mouloud Feraoun et Mouloud Mammeri s'affirmèrent en écrivant une littérature «  » et dénonciatrice des inquites du système colonial. Ferdinand Oyono et Mongo Beti en particulier montrèrent du doigt les dysfonctionnements de la société coloniale et ses absurdites. Le talent, le réalisme des descriptions et l'humour furent des armes intellectuelles sans concession. Ces littératures étaient fortement politiques dans le sens noble du terme, car elles remettaient en cause le système colonial.

Après les indépendances, la gestion des lendemains décoloniaux fut perçue avec amertume par des écrivains en mal d'équité et de partage. Exprimer les travers de leur société, parler des déceptions profondes de leurs compatriotes vis-à-vis de la tyrannie, des corruptions et des gabegies postcoloniales devint le discours dominant de l'écrivain postcolonial « engagé ». La déception vis-à-vis des nouveaux dirigeants africains fut dépeinte avec force par des romanciers africains francophones qui utilisèrent leur talent de conteur pour dénoncer les travers de la société et la collusion externe. Les deux œuvres marquantes, qui ont cassé le discours de leurs aînés préoccupés par la colonisation, furent Le Soleil des indépendances d'Ahmadou Kourouma et La Répudiation de Rachid Boudjedra.

Des techniques narratives qui ont évolué

Aujourd'hui, les littératures africaines francophones sont toujours présentes, avec des techniques narratives qui ont évolué et qui combinent le réalisme magique avec une utilisation de la langue française libre et innovante dans l'art de raconter des histoires africaines. Malgré l'annonce maintes fois répétée que les littératures écrites dans la langue de l'Autre allaient disparaître avec le temps, force est de constater qu'elles sont toujours là. Des textes forts sont publiés au Sénégal, au Cameroun, au Mali, en Algérie ou au Congo.

Le romancier Sony Labou Tansi représente cette littérature engagée dans la dénonciation des passe-droits et la verve d'une écriture vivante. Les publications à Paris, au Canada, en Afrique où les maisons d'éditions se multiplient, témoignent de la dynamique des littératures francophones. De jeunes écrivains abordent de nouveaux sujets qui touchent l'Afrique et les Africains. C'est le cas de Fatou Diome du Sénégal et de Maïssa Bey d'Algérie. Au-delà des textes d'écrivains qui vivent en Afrique, il y a ceux de la diaspora africaine, celle qui vit en France, en Belgique, en Suisse ou aux Amériques. L'immigration africaine en Europe se développe et se fait de plus en plus entendre avec un talent et une verve littéraire remarqués. Parmi ces romanciers, on peut citer Alain Mabanckou, Kawther Adimi, Leila Slimani ou Leonora Miano. 

Des écrivains inscrits dans la globalité

Tous ces écrivains africains s'inscrivent dans un monde où la globalisation est une réalité dans le domaine des échanges et des stratégies de pouvoir, d'où l'importance des créations littéraires en langue française. L'ensemble de ces écrivains africains et afropolitains produisent des œuvres littéraires en adaptant des vécus, des expériences humaines, des cultures, des sentiments, des ressentiments, des imaginaires, des subjectivités africaines dans une langue française assimilée, en tout cas récupérée, devenue « butin de guerre », comme l'a si bien dit Kateb Yacine. 
Ce qui apparaît aujourd'hui, c'est que les écrivains africains assument totalement le choix d'écrire dans la langue française, sans état d'âme, en refusant d'être récupérés politiquement par une francophonie politicienne. Les littératures africaines francophones sont des littératures innovatrices en termes de thèmes abordés, de techniques d'écriture où le périphérique devient central, car l'essence même de ces littératures francophones s'inscrit dans leur rébellion, leur indignation et leur engagement afro-africain.
Il est juste de dire que le rapport avec la langue française est particulier, car ces écrivains entretiennent avec leur moyen d'expression une relation ambivalente, l'adoptant et la rejetant à la fois. Dans tous les cas cette langue est récupérée, africanisée, comme l'écrit Henri Lopez dans Le Pleurer-rire : « Aujourd'hui, pas de phrases longues, ni de grand français-là. Pas de Molière. Des couilles de nègres dans la langue de la Sévigné. » 

Les littératures africaines francophones s'inscrivent dans une polyphonie de langues

Dans le sens où la langue française est imprégnée de langues africaines comme le wolof ou le bambara, l'arabe ou le berbère, de cultures régionales fortes, de mythes et de contes africains. Le français ne fut pas choisi pour chanter la culture française. Donc, en cela, la francophonie est culturellement forte. À noter que l'Algérie est le premier pays francophone après la France même si elle ne fait pas partie de la francophonie, ce qui est très significatif et appuie l'idée de ce choix culturel. 
Le français devient ainsi une lingua franca, établissant des ponts entre les deux rives du Sahara. Toutes ces interactions posent à mon sens des questions fondamentales, celles de l'interpénétration étroite et complexe des cultures, des relations entre l'écrit et l'oral, entre le réel et la fiction, entre la réalité et l'imaginaire. L'interaction de mondes divers est la réalité d'un monde qui se veut global. 
Ainsi, la francophonie devrait être comprise dans le sens de l'interaction des cultures autochtones avec le français et non dans le sens de la défense d'une francophonie politique. 

Ces littératures de la bi, voire tri-culturalité, contribuent à une polyphonie afro-africaine positive 

Aujourd'hui, les écrivains du Sud sont décomplexés par rapport à la question des langues grâce à leur capacité de créer un métissage linguistique et culturel. 
Toutes les langues doivent être étudiées dans le contexte historique que l'Afrique traverse. 
L'Afrique est en train de les faire siennes, en dehors de toute polémique politique, ce qui permet de ne pas nier sa diversité, pour une meilleure acceptation de soi, de ses racines et de ses acquisitions linguistiques. Les littératures francophones sont un lien, non seulement entre les pays africains mais aussi avec l'Europe et la francophonie doit défendre son essence culturelle et si elle doit être politique il faut qu'elle le soit pour elle-même. 
Le monde change. Il devient multilingue et l'Afrique doit s'adapter à la « postcolonie » (Mbembe), linguistiquement. Les littératures francophones sont-elles politiques ? Oui, si on s'en tient à leurs rapports avec elles-mêmes, avec l'Afrique, et c'est ce qu'elles sont car les écrivains africains s'inscrivent dans le Tout-monde et non dans la seule culture franco-française.

 * Professeur de littératures coloniales et postcoloniales à l'université d'Angers

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11 janvier 2018 4 11 /01 /janvier /2018 09:47
L'Algérie est-elle condamné à vivre éternellment dans le vertige?

L'Algérie est-elle condamné à vivre éternellment dans le vertige?

On ne se parle plus dans le pays. On s'ignore, on se tourne le dos, on se fâche et au bout on se tape dessus.

   Le match national sociopolitique de ce début d'année est engagé, nerveux et, chose inouïe, sans arbitre neutre: la matraque contre les médecins résidents en marche à Alger, le silence -ou le mépris- des marches et manifestations ailleurs qu'à Alger, la sourde oreille aux appels ou menaces de grèves des enseignants des différents cycles d'enseignement, de l'unique compagnie aérienne qu'est Air - Algérie, de syndicats d'entreprises diverses etc. On ne se parle plus dans le pays, on s'ignore, on se tourne le dos, on se fâche et au bout on se tape dessus les uns les autres. Les politiques, au pouvoir et dans l'opposition, observent, récupèrent, surenchérissent selon les cas et regardent ailleurs: vers le printemps 2019 et le grand rendez-vous électoral pour le plus haut trône de l'Algérie: la présidence. Là, des comités de soutien « supplient» Mr Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat; là-bas des partis politiques ont chacun chez lui les yeux et la tête déjà en 2019; ailleurs des pétitions circulent pour faire revenir l'ancien premier ministre, Mr Mouloud Hamrouch dans le jeu politique pour la course à la présidentielle...Et dans ce magma fait de désespoir des uns, calculs pervers des autres, vogue la galère du bon peuple occupé aux calculs de fin de mois à la lueur des taxes et augmentations dictées par la nouvelle loi de finance. Puis, soudain, une bonne nouvelle nous dit-on: un ministre confirme le souhait d'un sponsor français à faire renaître le rallye autos-motos -camions «Paris- Dakar» en Algérie. Un circuit à l'intérieur du désert algérien, une sorte de bac à sable de jeux pour fortunés dans l'immensité du Sahara algérien et qui portera aussi le nom du «Dakar» quand-même. Jubilation et fierté de ce désert national qui fascine encore le nord de la Méditerranée et que n'aiment pas pour effectuer leur service civil, parait-il, les médecins tabassés à Alger. «Algérie mon amour» chantent les cœurs des plus passionnés pour conjurer l'oracle de malheurs qu'évoquent les esprits maléfiques dans et en dehors du pays. « One, two, three viva l'Algérie!» répliquent les jeunes dans les stades du pays et ailleurs dans le reste du monde qu'ils soient immigrés légaux, binationaux ou «harraga». Déroutant pour les autres, les étrangers, que cette passion- répulsion des jeunes pour leur pays l'Algérie. Nous , entre nous, on se fait piéger à chaque tournant du présent ou arnaqués par nous mêmes. Nous dénonçons à longueur de journée et en boucle continue la gestion catastrophique de ce pays par ce qui est nommé communément par le double vocable «islamo-conservateurs», pour les porter ensuite à coups d'élections, chaque fois à tous les niveaux de pouvoir. Et nous nous étonnons de découvrir, sidérés, des illuminés faisant la guerre aux statues avec les mêmes armes que leurs artistes-sculpteurs d'origine: marteau et burin. La vie nationale donne le tournis aux observateurs étrangers comme à nous -mêmes. Que penser d'un tel vertige national? Est-ce le signe d'une vitalité politique, d'une conscience des menaces réelles ou supposées contre le pays? Est-ce une inconscience ou une tricherie générale jouée contre soi? est-ce l'annonce de l'accouchement d'une nouvelle Algérie et sous quel signe? Est-ce rien? On tournera la question sous toutes les formes sans voir plus clair, sans savoir « où va l'Algérie». Hormis les tenants du pouvoir, et ça se comprend, le bon peuple navigue dans une sorte d'égarement perpétuel, tourne en rond dans une attitude tantôt de victime consentante, tantôt dans celle d'un révolté contre le système qu'il perpétue d'une élection à l'autre. Le pays vit au rythme des élections avec l'espoir du changement et se retrouve à chaque fois à faire du sur-place, d'autres disent qu'il recule. Paradoxalement pouvoir et peuple se retrouvent autour de l'unique «table», celle de l'évolution du prix du pétrole. Pouvoir et peuple se tiennent le ventre au moindre frémissement vers le bas du prix du baril du pétrole et respirent lorsqu'il repart à la hausse.

 

    La question est si cruciale pour le pays que des Algériens en veulent à d'autres Algériens du même camp politique ou pas de se réjouir selon que le prix du baril monte ou descend. Les uns estimant que la chute des prix obligera le pays à se retrousser les manches pour travailler et créer de la richesse, les autres préférant profiter des miettes de la rente pétrolière que de vivre une autre révolte populaire à l'issue incertaine. Jusqu'à quand ce deal bancal et vicieux pouvoir-peuple autour du baril permettra t-il au pays de garder la tête hors de l'eau? Personne ne le sait et tous craignent le moment fatidique. Pourtant des alertes, il y en a chaque mois, chaque année qui passe: réduction drastique des importations, gèle des projets non prioritaires excepté, dit le gouvernement, ceux des secteurs de la santé, de l'éducation, des transports et en sus...planche à billets par la banque centrale pour éviter l'endettement extérieur dit encore le gouvernement, et tant pis pour la valeur du dinar, l'inflation et la dette interne. Qui la remboursera, quand et comment? On ne sait pas là aussi. Non pas que l'emprunt national ou financement non conventionnel soit un risque en soi, mais y recourir pour payer les salaires, retraites et frais de fonctionnement de l'Etat au lieu de projets producteurs de plus-value conduit droit à la faillite des comptes de l'Etat sur le moyen terme. Du reste, pourquoi considérer le recours à l'emprunt sur les marchés financiers internationaux comme risqué en soi? Faut-il rappeler que de grands pays industrialisés y recourent sans que cela n'altère leurs économies ou leurs souverainetés nationales? Le pays le plus endetté au monde n'est-ce pas les USA? Sont-ils en faillite ou non libres de leurs choix politiques? Lorsqu'il sert à l'investissement productif, l'emprunt qu'il soit national ou sur les marchés financiers n'est pas un problème mais un incitant à la création de plus-value, de relance de la croissance et de création d'emplois. Au delà de ces évidences économiques que le gouvernement n'ignore certainement pas, nous sommes en droit de nous interroger sur cette «fuite en avant» face aux difficultés qui se posent à la gestion du pays et au choix d'options éculées et très loin du management moderne des grands pays. Sans les réformes structurelles, contenues par ailleurs dans les programmes successifs des différents gouvernements depuis 1999, soit l'année de l'arrivée au pouvoir de Bouteflika, le pays ne pourra échapper au risque d'un sous développement, structurel pour le coup, et une vie politique sclérosée avec ses périls sur les libertés des citoyens et la paix sociale et politique. En arriver à saigner le crâne de médecins spécialistes à l'intérieur de la cour d'un hôpital et revendiquer le rapatriement des crânes de résistants à la France (et c'est légitime) illustre bien l'absurdité dans lequel est plongé le pays, pour ne pas dire le l'infamie politique dans laquelle baigne le pays. L'an 2018 ne s'annonce pas sous de bons augures. C'est le moins que l'on puisse dire.

M'hammedi Bouzina Med in Le Quotidien d'Oran

 

 


 

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23 novembre 2017 4 23 /11 /novembre /2017 11:09
Boudjedra rate sa cible. Il voulait viser le révisionnisme, il s’est tiré une balle dans le pied.

Boudjedra rate sa cible. Il voulait viser le révisionnisme, il s’est tiré une balle dans le pied.

 

 

A force de tirer sur tout ce qui bouge, Rachid Boudjedra a perdu ses derniers supporters. Certes, il garde encore des lecteurs, amoureux de se littérature ; des partisans, soucieux de défendre un libertaire assumé ; quelques alliés aussi, sensibles à ses positions anti-islamistes radicales. Mais il est difficile de trouver des gens susceptibles de soutenir Rachid Boudjedra sur la base d’idées clairement formulées, ou de positions exposées et assumées de manière cohérente.

C’est que l’homme est déroutant. Il peut écrire des textes de très haute facture, défendre des idées d’une grande originalité, brillantes, avant de se laisser aller à des inepties, à des contradictions évidentes et à des contre-vérités inutiles. Il ne s’agit pas seulement de narcissisme, mais de toute la complexité d’un homme, capable de s’élever à des traits de plume géniaux, avant de sombrer dans des considérations ridicules.

Son dernier livre a parfaitement résumé le personnage. Dans « Les contrebandiers de l’histoire » (1), Rachid Boudjedra s’est attaqué à l’écrivain Kamel Daoud sur la base d’une information fausse, grave, dangereuse. Il l’a tout simplement accusé d’avoir appartenu au GIA. Comment un homme de l’écrit, avec toute son expérience, peut-il commettre une bévue aussi stupide ? Comment descendre à ce niveau là alors que sa trajectoire, jusque dans les années 1980, en faisait un candidat légitime au Nobel de littérature ? C’est d’autant plus étonnant que le dernier livre est un pamphlet, destiné à mettre des gens en accusation. Comment porter des accusations aussi graves sur la base d’arguments aussi farfelus, au risque de détruire tout l’argumentaire du livre ?

Pétard mouillé

Le résultat est déplorable. Acculé, Rachid Boudjedra a été contraint de reconnaitre son erreur, et d’annoncer qu’il va retirer le passage en cause de la prochaine édition. Entretemps, Kamel Daoud avait annoncé qu’il déposerait plainte. Ce qui débouche sur une situation ubuesque : Kamel Daoud peut désormais affirmer qu’il s’est engagé dans deux procès dans sa vie, l’un contre Hamadache, salafiste islamiste, et Boudjedra, salafiste de la pensée unique !

La polémique sur cette accusation contre Kamel Daoud a en outre occulté le contenu du livre de Boudjedra, alors que l’auteur espérait un impact aussi fort que celui provoqué par « Les intellectuels faussaires » de Pascal Boniface. L’amateurisme de Boudjedra a transformé un coup de canon en un pétard mouillé, l’obligeant à se confondre en explications oiseuses et en déclarations sans intérêt. Alors que son livre devait constituer le coup d’éclat du Salon du Livre, il s’est retourné contre lui, montrant ce que ses adversaires considèrent comme de la mégalomanie, du narcissisme, voire de la jalousie, signes d’un égo démesuré. Le « papy » Boudjedra a été trainé dans la boue par une nouvelle génération d’écrivains avides de reconnaissance, mais c’est lui qui a fourni les munitions.

Guerre d’égos

Parmi les réactions au livre de Boudjedra, une des plus virulentes est venue de Yasmina Khadra, probablement un des rares hommes de lettres algériens à dépasser l’auteur de « L’escargot entêté » en matière de mégalomanie. « Puisse mon mépris te toucher comme une grâce, et t’éveiller au ridicule dans lequel tu te complais comme le ver dans le fruit », écrit Yasmina Khadra à l’adresse de Boudjedra.

Ce dernier avait écrit « Le FIS de la haine » dans les années 1990, un brûlot anti-islamiste au moment où le terrorisme était à son apogée. Cela n’empêche pas Yasmina Khadra de l’accuser d’avoir fui l’Algérie. «Lorsque tu te terrais à Paris, durant la décennie noire, je menais une guerre atroce dans les maquis terroristes. Sans mes compagnons de combat et mes milliers de morts, jamais tu n’aurais remis les pieds en Algérie », ajoute-t-il, avant cette « divine » conclusion: «Puisse Dieu pardonner tes aigreurs, puisque je te pardonne ».

Révisionnisme rampant

Ces échanges d’amabilité ont, de fait, occulté le message qui était au cœur du livre de Boudjedra : la dénonciation de ce qui apparait, à ses yeux, comme une trahison, avec des artistes algériens recherchant une consécration en France, grâce au soutien de milieux politiques et d’intellectuels français « connus pour leur hostilité envers l’Algérie », selon la bonne vieille formule d’El-Moudjahid. Tout cela débouche sur une sorte de révisionnisme rampant, dépassant le simple monde des arts et des lettres, pour s’étendre aux symboles de l’Algérie.

Dépit, jalousie, aigreur d’un écrivain dépassé, répondent en cœur les détracteurs de Boudjedra. Mais le fait est que ce qu’il est écrit n’est pas dénué de tout fondement. En ces temps de crispation identitaire, il est normal que le monde littéraire français valorise ce qui se rapproche des valeurs de la société occidentale, faite de laïcité, d’a-religiosité, de distance, voire d’hostilité, envers les religions, en premier lieu la plus visible d’entre elles, l’Islam.

D’ailleurs, Boudjedra lui-même partage largement ces idées. Il considère l’islamisme comme un ennemi, mais comme feu Tahar Benaïcha, il n’hésite pas à endosser la spiritualité de certains maitres, plus ou moins marginaux, de la spiritualité musulmane. Il a également été, pendant de longues années, édité en France, dans des maisons auxquelles il reproche d’embrigader les écrivains algériens au service d’un courant de pensée néo-colonial. En résumé, Boudjedra reste dans la ligne de pensée d’une vieille gauche anti-impérialiste qui parait aujourd’hui démodée, mais qui n’en reste pas moins pertinente sur nombre de questions relatives aux rapports avec les pays riches.

Cracher sur les archaïsmes

Au-delà de cette polémique, Boudjedra exprime en fait une colère diffuse contre une élite qui crache sur le pays à cause de ses tares ; elle crache sur la société parce que celle-ci est archaïque, bigote, enfermée dans des modes de pensée obsolète ; elle crache sur l’économie du pays parce que les symboles de la réussite dans ce domaine sont publiquement honnis ; elle crache sur le monde politique parce que les dirigeants apparaissent comme des repoussoirs. Il suffit de citer les noms qui ont porté le FLN en d’autres temps, et ceux que le FLN supporte aujourd’hui, pour mesurer l’écart ; elle crache sur la gestion du pays parce la corruption est devenue endémique, avec des règles sont opaques, bénéficiant aux seuls initiés.

Tout ceci n’est pas contestable. Ce qui l’est moins, c’est de dire, à partir de cet assemblage, que le pays n’a pas d’avenir, qu’il n’est plus viable, que tout y est noir ; que les jeunes se jettent à la mer par désespoir, pour précisément fuir un pays qui n’est plus le leur, et que la première génération ne serait pas seulement trompée, mais qu’elle aurait trahi le serment des pères fondateurs. Depuis l’indépendance, il n’y a qu’injustice, hogra, corruption, violence, mensonge, dit-on. Dans ce cheminement, la surenchère mène vers une impasse, vers le révisionnisme. Car de là à penser qu’avant, c’était mieux, qu’un colon en a remplacé un autre, bref, que l’indépendance était une erreur, il y a un pas que ce mode de pensée pousse naturellement à franchir.

Fanon et Senghor

C’est un discours repoussant, mais qui a l’avantage de donner bonne conscience aux Européens. A l’heure où un président français, Emmanuel Macron en l’occurrence, admet que le colonialisme a constitué un crime contre l’humanité, il est réconfortant pour les héritiers de la pensée coloniale de lire que l’Afrique indépendante n’est pas mieux que l’Afrique colonisée, qu’elle continue à charrier pauvreté, corruption, injustices et violations des libertés. C’est même une pensée qui refuse d’admettre que les séquelles du colonialisme soient à l’origine de tous ces maux. Un demi-siècle après les indépendances, invoquer la période coloniale pour justifier la situation présente ne tient plus, dit-on, oubliant que l’esclavage a été aboli il y a un siècle et demi aux Etats-Unis, mais que la société américaine en reste encore profondément marquée.

A ce titre, Boudjedra se veut plus proche de Fanon que de Senghor. Le tact en moins. Mais comment garder le sens de la mesure quand un ancien ministre des moudjahidine choisit de vivre en France ? Ce faisant, Boudjedra affiche une radicalité qui déborde sur de l’outrance, et qui finit par nuire à son propre argumentaire.

Confusions

Ceci dit, il y a deux confusions dans l’affaire Boudjedra. La première concerne la qualité de Boudjedra et des hommes auxquels il s’est attaqué. Il s’agit d’écrivains, d’artistes, non d’intellectuels. Ils produisent des œuvres littéraires, cinématographiques, des créations qui charrient, qui expriment une pensée, mais ce ne sont pas des faiseurs didées. Y compris Boudjedra lui-même. Il est donc inutile de leur demander de la cohérence, de la constance. Personne ne demande à un  poète de la logique dans les vers qu’il déclame, on lui demande juste d’émouvoir pas la force et la beauté des mots.

Les grands artistes ont, pour la plupart, accompagné de grandes causes. De Moufdi Zakaria à Aragon, de Malek Haddad à Pablo Neruda. Leur engagement politique personnel a constitué une partie de l’œuvre de leur vie, il leur a permis d’exprimer leurs émotions ; mais ce ne sont pas les artistes qui ont fait la révolution d’octobre ni la révolution algérienne. Ces artistes font exploser l’émotion, ils l’amplifient grâce à leur talent, ou leur génie, mais ce ne sont pas des hommes qu’il faut forcément suivre dans leurs pérégrinations politiques. L’attirance des nazis, comme de la plupart des mouvements totalitaires, pour l’art, a fait des dégâts inimaginables. Et l’admiration des artistes pour des régimes totalitaires a été tout aussi dramatique.

Le doit à l’outrance

En outre, et plus que les autres citoyens, l’artiste a besoin de plus de liberté. Mieux : il a besoin d’un monde sans barrières ni limites. Il a le droit de proférer des outrances, de sortir de la norme établie, de griller ce que les autres considèrent comme des lignes rouges, ou encore des constantes. Le rôle de l’artiste est dé casser les tabous. Sans cela, il n’y aurait eu ni Rimiti, ni Djenia. C’est une condition primaire de la création : on se surprend à le rappeler dans cette Algérie de 2017, mais cela partait nécessaire dans une société composée d’une juxtaposition de ghettos, et où la bigoterie et le conservatisme veulent s’imposer comme normes absolues.

La société a besoin des excès de l’artiste, de ses frasques, pas d’une pensée lisse et convenue. Un Adel Sayad, un Kateb Yacine, un Djarir sans excès n’auraient pas de consistance. La société a besoin de les faire exister en son cœur, pas à la marge. Pourtant, c’est à la marge que sont contraints la plupart des artistes, poussés à une sorte de clandestinité pour s’exprimer, face au pouvoir des clercs, des faux dévots et des censeurs officiels.

Mais peut-on s’attendre à autre chose dans un pays où un poète accepte de se faire enrôler dans une prison de la pensée comme le RND, et où la culture a été gérée par une ministre qui se montre enthousiaste à l’idée de faire partie du quatrième mandat ?

 

  1. Rachid Boudjedra, Les contrebandiers de l’histoire, Editions Frantz Fanon, 2017, prix : 400 dinars
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23 novembre 2017 4 23 /11 /novembre /2017 11:06
Rachid Boudjedra

Rachid Boudjedra

«J’ai décidé d’écrire ce brûlot après la réception en Algérie de Feriel Furon, arrière-petite-fille du dernier des Bengana, décédé en 1947 et qui a, toute sa vie, et avec toute sa tribu de féodaux sanguinaires, torturé, humilié, dilapidé et assassiné le peuple algérien».(1)
Un coup de gueule de l’auteur de L’escargot entêté et La répudiation qui était l’hôte de la librairie des Editions Media à Constantine, samedi après-midi, pour une séance de vente-dédicace de ses œuvres dont notamment son dernier roman La dépossession et le pamphlet intitulé Les contrebandiers de l’histoire qui était au centre de tous les échanges entre l’auteur et son large lectorat venu en masse rendre hommage à l’un des écrivains majeurs de la scène littéraire nationale qui vient de boucler un demi-siècle de créations. Une rencontre réussie en tout point de vue, fructifiée par une interversion de vues que l’écrivain ravitaillera avec bonhomie.

 

Rachid Boudjedra, qui ne pouvait s’empêcher de rapporter sa version, tant les sollicitations étaient incessantes après la polémique suscitée par son pamphlet Les contrebandiers de l’histoire, a, en effet, restitué les péripéties qui l’ont incité à commettre son brûlot, sachant pertinemment que celui-ci allait provoquer une levée de boucliers aussi violente autant que de vives controverses. Incisif, il démentira d’emblée toute intention d’expurger un quelconque passage de son texte après les rumeurs portant une probable convenance entre l’auteur lui-même et l’écrivain-journaliste Kamel Daoud, particulièrement ciblé dans l’écrit de Rachid Boudjedra. «Jamais, appuiera-t-il, bien au contraire, il est question d’ajout et d’enrichissement. Le pamphlet est certes violent d’où la virulence des réactions aussi bien défavorables qu’obligeantes à mon égard. Ce qui m’a frappé par contre c’est que, souvent, la presse francophone, qui s’est montrée d’une violence et d’un unanimisme inouïs, a fait montre d’une grande subjectivité. Je comprends que des gens aiment le pamphlet et que d’autres non, il appartient aux deux de s’exprimer mais ce que l’on voit relève plutôt du règlement de comptes et du parti pris et non pas de la critique objective. Je crois néanmoins que l’on assiste à un retournement de situation et une remise en cause des positions tranchées au départ, de la part de ceux-là mêmes qui m’ont agressé.» Un texte qui s’inscrit pourtant de par son genre dans le répertoire littéraire occidental, fait remarquer Rachid Boudjedra. Un ras-le-bol qui a atteint son apogée avec l’affaire Bengana alors que «je voyais déjà ce qu’écrivait Sansal qui était mon ami dès ses premiers romans que j’ai bien aimé. Nous avions de très bonnes relations amicales avant la sortie de son livre Le village de l’Allemand où il qualifie l’ALN d’armée nazie alors que l’on sait qu’elle a été nationaliste sur toute la ligne et que s’il y a eu une aide à la révolution de la part des Allemands, ce furent surtout les communistes de l’Allemagne de l’Est et non pas des nazis.
 

Le FLN avait une ambassade à Berlin et des accords avec le gouvernement allemand pour envoyer des militants, surtout communistes, des ingénieurs et quelques officiers notamment pour aider les moudjahidine à saboter les barrages électrifiés aux frontières est et ouest. Et en fait, lorsque l’armée nazie fut défaite en Libye à la fin de la guerre, Hitler envoyait presque des enfants au front dont quelques-uns ont fui notamment vers l’est de l’Algérie. Certains se sont carrément installés dans les Aurès, se sont mariés et même convertis à l’islam. Plusieurs d’entre eux ont aidé ou travaillé avec l’ALN dont Wilfried Muller alias Si Mustapha qui était le grand chef des Allemands qui soutenaient l’ALN et qui fut nommé secrétaire d’Etat aux Finances à l’indépendance», justifie-t-il sa prise de position vis-à-vis de l’écrivain Boualam Sansal cité aussi dans son brûlot. Et puis, «Wassila Tamzali qui raconte que son père a été abattu à Béjaïa par erreur, que le colonel Amirouche avait reconnu par un écrit que sa famille a perdu. D’abord, Béjaïa n’est pas du tout la zone de Amirouche et ceux qui ont abattu son père appartiennent bien à des cellules FLN dont l’un est un parent à moi par alliance. Sinon voyez-vous le colonel Amirouche reculer ou regretter ! Même s’il a commis quelques erreurs graves comme par exemple dans l’histoire de la Bleuite où il a été trompé, il ne s’est jamais dédit parce qu’il est comme ça, c’est un grand homme et l’un des libérateurs les plus importants du pays. J’étais révolté pour mon pays avant même cette affaire Bengana et le livre à la gloire de Sidi Bouaziz qui était un grand tortionnaire notamment des communistes de la région de Biskra dont Chebah El-Mekki qu’il fit traîner sur une vingtaine de kilomètres sans parvenir à le tuer. A partir de ce moment-là, je ne dormais plus, je ne mangeais plus, j’étais devenu malade et hanté par des cauchemars et je disais que ce n’était plus possible de se taire surtout que personne n’a réagi, notamment la presse.
Entre-temps, il y a eu cette affaire de Camus complètement fabriquée, deux versions, l’une algérienne et l’autre française, et l’échec de la caravane initiée par l’ambassade de France à l’occasion du centenaire d’Albert Camus.» Dès lors, ce pamphlet se devait de sortir «d’ailleurs, j’y ai même parlé des cinéastes dont le réalisateur de Les folles années du twist qui a fait ressortir qu’à Boufarik, les musulmans et les Français faisaient la fête pendant les années de braise de la Révolution.

 

Un autre film En attendant les hirondelles vient justement de sortir et relate avec une malveillance inouïe, un visage noir et complètement erroné de l’Algérie d’aujourd’hui ce qui est presque devenu quelque chose de systématique. Il n’y a pas quelqu’un qui a critiqué l’Algérie comme moi, les mœurs, les mentalités… dans mes romans, il y a le blanc, le gris et le noir, mais toujours de l’intérieur. Et en fait, moi qui suis fasciné par Frantz Fanon, j’ai retrouvé le complexe du colonisé exactement dans l’œuvre de ces gens-là. Il me semble qu’il est nécessaire de faire de la critique, de l’autocritique surtout pour avancer et progresser mais de là à nous insulter et verser dans une haine de soi qui débouche fatalement sur la haine de l’autre et, donc, une haine et un dégoût du pays, voire du monde ce qui relève presque de la schizophrénie. C’est pour cela que j’ai fait ce pamphlet mais je dis expressément que ce n’est pas pour punir ces personnes ou qu’il faille porter plainte contre elles. Je l’ai fait par amour de ma patrie et il se pourrait que j’ai eu beaucoup raison ou même beaucoup tort mais j’en suis soulagé.
 

Pour Kamel Daoud, j’ai dit qu’il était GIA comme n’importe quel sigle, AIS, MIA ou GSPC. Lui-même dit qu’il était dans les camps islamistes pour se former théologiquement. Je ne le crois pas car tous les camps de l’époque formaient les individus théologiquement et militairement mais j’ai bien spécifié qu’il était très jeune et quand il dit qu’il était dans les camps de vacances religieux, n’allez pas croire qu’il s’agit de clubs MED. Il dit aussi qu’il a été imam à 13 ans contre l’avis de son proviseur et reconnaît que pendant 8 ans, il fut un intégriste, je ne pense pas, par contre, qu’il a commencé vraiment à 13 ans mais bien plus tard. Je l’ai vu à plusieurs reprises et on a même veillé ensemble et il l’a dit en pleurant et nous le consolions en répétant qu’il n’y était pour rien, vu son jeune âge.» Peut-on remettre en cause le patriotisme de Kamel Daoud ? Oui, soutient Boudjedra : «Quand il déclare à la presse française que la Palestine n’est pas mon problème, que Ghaza n’est pas mon problème et titre l’un de ses articles paru dans le monde ‘’l’Arabe est sale’’, il nous insulte. Dernièrement, il a répété sur un plateau TV que les enfants algériens ne parlent pas l’arabe, moi je dis que les enfants algériens parlent l’arabe et parlent tamazight et je pense qu’il le fait pour faire plaisir à ses maîtres parce qu’il y a un jeu de séduction. Pour moi, il n’est pas patriote à l’instar de Sansal qui compare l’attentat horrible de Nice, que je condamne, à l’opération du FLN au Milk-Bar en 1957.»


K. G. Le Soir d'Algérie

(1) In Les contrebandiers de l’Histoire de Rachid Boudjedra, page 85.

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29 juin 2017 4 29 /06 /juin /2017 11:39
Farid Ikken au sol à côté de policiers qu'il a agressé avec un marteau.

Farid Ikken au sol à côté de policiers qu'il a agressé avec un marteau.

Bien que la menace terroriste soit réelle en Europe, l'affaire Farid Ikken, cet Algérien d'à peine quarante ans d'âge, fils d'Akbo, issu d'une famille nombreuse mais aisée, dit-on, est troublante. Jeune déjà, il perdit ses parents. Ex-correspondant d'Al Watan. Il est décrit par les médias français comme un individu à esprit ouvert, démocrate et opposant au pouvoir, selon témoignage de ceux qui le connaissent. Son parcours académique commence à la faculté d'Alger où il eut une licence de traduction et interprétariat. 

Il quitta l'Algérie pour la Suède ; en 2001, suite au printemps berbère. Son divorce, ses projets avortés. Des revers à répétition et son isolement, expliqueraient-ils sa «radicalisation» insoupçonnée? C'est du moins, ce que semblent nous vouloir vendre les médias de l'hexagone. »En mars 2014, quand j'ai rejoint Charlie Hebdo, il était l'un des rares à me féliciter pour cette percée, alors que d'autres voyaient ça comme une trahison et une transgression vis-à-vis de la religion» , disait Ghilas Aïnouche, caricaturiste du site d'information TSA.» 

Cette affaire, pose moult questions et laisse planer beaucoup de zones d'ombres. Que s'est-il vraiment passé dans la tête de Farid Ikken, en ce mardi 6 juin 2017, à Notre-Dame de Paris où il s'attaqua et d'une manière convulsive et machinale à un policier, marteau en main et sous le cri de »C'est pour la Syrie»? S'interrogent les médias français. Cet homme n'entrait absolument pas dans le profile classique du terroriste endoctriné puis enrobé pour la cause islamiste en dépit de sa foi qu'il n'a jamais reniée. Décrit comme un homme malchanceux qui,vivant seul est d'une façon précaire. Le profil idéal pour un sujet de la «psychiatrie sécuritaire» quoi! Farid, aurait-il été victime d'une magouille sécuritaire, via des procédés psychiatriques de la part des services de renseignement? Aurait-il été conditionné puis manipulé psychologiquement afin de passer à l'acte? Bien que «complotiste», ce scénario est rejeté par ces mêmes médias qui, les premiers, ont évoqué son état mental et tenté de reconstituer son parcours de vie. Comprendre le pourquoi de cet acte était primordial. Alors qu'aucun média n'ait été tenté d'avancer l'hypothèse, que quelqu'un aurait eu le temps suffisant d'étudier Farid pour pouvoir exploiter ses »failles physiologiques», pour le faire sombrer et le pousser à l'acte délétère? 

Il est bien connu qu'aussi bien Daech que les services semble se donner à cœur joie à cet investissement dans la fragilité psychologique des individus ciblés, pour les enrôler d'un coté comme dans l'autre. Forts dans les techniques de conditionnement psychologique ; les services de renseignement de l'Europe du sud sont particulièrement réputés par l'usage de ce genre de techniques à caractères coercitives. Leurs cibles de prédilection, ce seraient des individus psychologiquement vulnérables. Des personnes comme Farid, en situation de solitude ou de précarité sociale. Ces «maillons faibles», sont les plus aptes à être « travaillés à dessein «, en reprenant, pour ainsi dire, le jargon sécuritaire. 

Une fois installés sur leur territoire, ils sont filés jour et nuit et étudiés d'une façon minutieuse. Profil admis, certains marchent volontairement dans leurs combines en échange de quelques avantages : tels carte de résidence et une rémunération. Les autres, les récalcitrants, seront soumis à un matraquage psychologique continu sur plusieurs années parfois. 

Les empêcher de gagner leur vie,d‘étudier, de tisser des relations humaines stables ou de mener un train de vie normal, seraient très importants pour ne pas foutre en l'air tout le processus de conditionnement psychologique qui doit s'inscrire dans le temps. Le but : les déstabiliser, les perturber et les rendre hyper excités donc, très impulsifs. 

Des antécédents psychiatriques seraient, nécessairement crées au préalables; afin de justifier un possible suicide. L'usage de ces techniques non conventionnelles, redoutables, qui ne laisseraient aucun bleu sur le corps mais démoliraient en profondeur le psychique d'un homme. 

Ces procédés viseraient à leur soutirer des aveux, les contraindre à marcher dans des magouilles sécuritaires : comme infiltrer des cercles islamistes ou leur faire faire des trucs à leur insu. 

Le passage à l'acte» terroriste» arriverait, suite à une réaction de rage ou carrément, via l'usage de méthodes d'induction psychiatrique. À l'image de ce que l'on voit chez un patient soumis à l'hypnose. On induirait chez la victime une idée, une suggestion ou même un ordre. Réveillé, celle-ci, l'exécuterait machinalement et sans savoir pourquoi elle l'aurait fait!     L'utilisation de drogues puissantes est à même de catalyser le processus d'aliénation et d'asservissement mental, jusqu'à rendre n'importe qui un zombie ou une épave humaine. 

Ce serait le plan B pour rentabiliser, amortir en quelque sorte, toutes ces années de matraquage psychologique et gagner, pourquoi pas »un acte terroriste provoqué» légitimant ? 

Le «black Project» sécuritaire imposé par cette guerre universelle contre le soi-disant terrorisme religieux n'en serait que mieux consolidé. Un » Project», auquel le monde entier s'y est inscrit, mais que seule l'élite tiendrait les ficelles et saurait la vérité. Une guerre qui ignore le droit et piétine la souveraineté des pays et vise toute autre chose. 

Ce monstre de Frankenstein façonné à desseins puis lancé à la face du monde. L'acte consommé, on y glisserait des documents audiovisuels sur sa page Fb, à travers laquelle, l'hypothétique terroriste serait montré en train de prêter allégeance à ce Deach de malheur. 

Mais sous quelles conditions psychologiques cela aurait-il été réalisé? Là est toute la question! 

L'affaire Merah, qui a fait couler beaucoup d'encre nous dit bien des choses. Merah avait fait tamponner son passeport par neuf pays du Moyen-Orient dont Israël. Dit-on ! Fiché »S» depuis 2006. Il avait même fait l'objet d'une enquête en 2011. Sa relation « presque familière» avec les services français est plus que troublante. Il y avait même, parait-il, un correspondant au sein du DCRI. Alors, Merah, collaborateur occasionnel des services ? On ne peut que s'interroger. Finalement, la Justice française estima que des «erreurs d'appréciation» ont été commises par les services de renseignements. « L'État n'a commis aucune faute lourde (…) susceptible d'engager sa responsabilité » dans la surveillance de Mohamed Merah avant qu'il devienne le funeste « tueur au scooter » de Toulouse et Montauban en mars 2012... ». Merah été tué, d'aucun disent qu'il a été liquidé. On aurait pu, avec un meilleur professionnalisme, l'arrêter vivant ! Mais bon. 

Le cas d'Adel Kermiche, l'égorgeur du malheureux père Jacques Hamel à l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, de Rouen qui était ; lui-aussi, bien connu des services. Assigné à résidence depuis 2006 et mis sous bracelet électronique et oui! 

Ce gadget appelé aussi, Placement sous Surveillance Électronique est une mesure d'aménagement de peine, mais également une mesure de contrôle judiciaire. Ce sinistre individu put, quand même, passer à l'acte avec un autre acolyte, Abdel-Malik Nabil Petitjean. Et n'en parlant point de ces pièces d'identitées abandonnées sur les lieux du crime, comme une sorte de signature macabre de l'acte terroriste abominable. Pour que nulle confusion ne soit faite quant au nom de la bête. S'inscrivant dans une véritable guerre psychologique sans merci, contre le soi-disant terrorisme religieux, devenue universelle. 

Ces procédés illégaux, seraient exécutés, en catimini, en dehors du contrôle de l'état de droit et en concomitance avec l'action sécuritaire conventionnelle et parfois même en la supplantant. 

L'Europe, cet espace de droit et de justice est entrain de perdre t la course face à un tout sécuritaire qui ose même, persécuter via ces techniques des résidents, une fois de retour chez eux, au titre de la collaboration honteuse et illégale avec les services de leur propres pays. 

Par rapport à ces malheureux événements, le tout sécuritaire qui cherche à protéger ses hommes et ses plans, ne laisserait aucune chance à une autre lecture ou interprétation que la sienne. Définir les responsabilités de chacun serait donc impossible et impensable. La médecine psychiatrique auprès de ces services, feraient apparemment, un sale boulot, digne du stalinisme. Amnesty International elle-même, aurait été informée de certains cas. 

Il est évident qu'aussi bien le terrorisme religieux, qui est un phénomène réel, faut-il le rappeler! Que le banditisme sécuritaire, posent un défit majeur aux démocraties occidentales et mettent en rude épreuve leurs systèmes judiciaires et leur état de droit, lui-même. 

Loin de moi de vouloir justifier l'injustifiable ou chercher des circonstances atténuantes à ce genre de crimes répugnants ou dédouaner leurs auteurs. Il n'en demeure pas moins qu'il est de mon devoir d'évoquer ces schémas qui peuvent paraître fabuleux mais probables. 

Indiquer du doigt un sécuritaire, visiblement incontrôlable de tous les cotés de la Méditerranée est une obligation morale. Un sécuritaire qui cherche à leur troquer leur liberté par leur sécurité et qui se hisse parfois, au-dessus de l'Etat de droit lui-même et fini par paralyser tout le système. Un système de droits, qui jusqu'à présent, fonctionne relativement bien, mais parfois, il navigue à vue. 

Au fur et à mesure que les coups portés par les terroristes gagnent en intensité et en fréquence, et sous couvert de l'impératif de protéger les vies de leurs concitoyens, ces services ne sentiraient aucune gène à sacrifier celles des autres. L'impunité, l'inhibition de l'état de droit sériaient en marche en Occident. 

L'éventail des profils des protagonistes potentiels au projet terroriste, semble s'élargir de plus en plus, en s'ouvrant vers un genre non conventionnel et donc complètement atypique. Ce qui donne un peu plus de crédit aux scénarios «complotistes». Une chose est sûre! Le monde est devenu trop dangereux. 

 Chaalal Mourad

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7 avril 2017 5 07 /04 /avril /2017 10:27
L'affaire Tahkout montre les limites de la culture de la rente en Algérie

L'affaire Tahkout montre les limites de la culture de la rente en Algérie

L'homme d'affaires qui a certainement paniqué à cette offensive médiatique, notamment sur les réseaux sociaux, a tenté de contre-attaquer par les mêmes moyens d'ailleurs en vain. 

Il accuse ses concurrents en nommant les marques qui pourraient l'ester en justice pour diffamation, il se contredit sur les chiffres en lançant un effectif du simple au double, une production journalière du nombre de véhicules très loin de ce qui était annoncé lors de l'inauguration de cette usine qui a couté la bagatelle de 250 millions de dollars. De l'autre côté, le gouvernement surpris par la diffusion des vidéos, dépêche pour certainement noyer le poisson une commission expéditive qui est passée en quelques heures du doute aux félicitations. Plus grave, on a même permis au partenaire Sud Coréen de s'exprimer pour se vanter de pouvoir transférer une technologie dans les délais des engagements pris. Pourtant, les vidéos diffusés sont formelles, des véhicules totalement assemblés dans un container sans les pneus. Plus loin, les ouvriers montent les rouent. On peut se demander quel est ce concurrent ou citoyen jaloux qui supporterait des dépenses pour ramener des moyens logistiques lourds afin monter ce scénario pour nuire à cet homme d'affaire dont l'unité vient à peine de démarrer et pourquoi ? Quels sont les critères pour qu'une grande marque s'installe dans un pays ? Comment peut-on situer l'affaire TMC par rapport à son concurrent Renault et Peugeot ? Que vise l'Algérie par ces usines de montage ? Pourquoi ces ombres dans les chiffres annoncé ? Enfin quelles est la leçon à tirer de cette affaire ? 

Le rêve des pouvoir publics s'est estompé avec cette affaire 

L'Algérie a toujours rêvé de construire sa propre voiture. On se rappelle le projet de la voiture Algérienne qui a fait long feu, la MINA-4 en 1967. Depuis la puissante Sonacom en partenariat avec des géants de l'automobile comme Berliet, Deutrz a monté des camions comme le M-210, la Série des « B » le moteur Cirta plus tard la « Fatia » etc. Dans un modèle de développement autocentré, reconnaissent plus tard de nombreux analystes l'industrie Algérienne avait toutes les chances de faire progresser le taux d'intégration. Malheureusement la réorientation de l'économie nationale, début des années 80 a tout ramené à zéro en déstructurant le processus intégré des puissantes sociétés nationales dont le peu de savoir et savoir faire qu'elles ont capitalisés s'est effrité. Plus proche de nous, les années 2000 l'objectif de «la voiture algérienne» a bénéficie d'un véritable matraquage médiatique. L'Algérie a pris la ferme décision irrévocable de créer une industrie automobile pour produire des voitures et des véhicules industriels sous la conduite d'Abdelhamid Temmar, ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements. Il a ravivé le fantasme de la voiture sur les cendres de ce qu'il a appelé lui-même : « la quincaillerie algérienne » terme qui qualifie de ce qui reste du secteur industriel des années 70. De nombreuses tentatives ont été faites après lui mais n'ont pas drainé de partenaires crédibles pour des raisons évidentes : absence de clusters de sous traitance et pollution du climat des affaires. Il fallait attendre prés de 47 ans pour voir la première voiture montée en Algérie sortir d'Oued Tlelat la fameuse « Symbol » L'usine Renault de Oued Tlelat est en effet une entreprise qui dotée d'équipements sophistiqués pour le montage de véhicules de haute gamme car son investissement est le deuxième en Afrique après celui du Maroc. Pour le cas algérien, des estimations donnent une cadence de 75.000 voitures par an avec une possibilité d'augmenter la production pour l'exportation vers d'autres pays africains mais ceci n'est qu'un objectif. Toutefois Renault devrait œuvrer pour élargir progressivement le taux d'intégration de départ retenu à 12% à d'autres opérateurs algériens chacun dans son domaine de spécialisations à savoir le verre, la pneumatique et d'autres accessoires utiles pour le véhicule. Rappelons que le contrat signé entre le groupe Renault et la partie algérienne est régi sur la base de la règle 51/49 auquel la SNVI détient 34 % avec 17 % détenus par le Fond national d'investissement et les 49 % sont détenus par le constructeur français. Pour l'heure, l'usine qui fait travailler 200 ouvriers algériens continuera le recrutement pour l'encadrement technique parmi les diplômés des écoles algériennes et la formation continue sera appliquée telle que l'une des clauses du contrat le stipule. Bien que tout le monde sait que le Renault visait un « marché » et non un partenariat, les intentions des uns et des autres étaient et ne souffraient d'aucune ambigüité. L'usine existe, elle produit mais n'a rien changé au cours du marché qui s'est enflammé. Les autres constructeurs comme Peugeot, Volkswagen, Hyundai ont suivi pour proposer des projets sentant bien entendu la bonne affaire qui non seulement ne les engage en rien mais partageront la croissance avec les Algériens en toute quiétude. L'affaire TAHKOUT justement rentre dans ce cadre là. 

Tahkout n'est pas un industriel mais un homme d'affaires 

Certains diront mais où se situe la différence. Elle est de taille. L'industriel donne à ses projets une portée stratégique, dans ce cas ces gains évolueront en dents de scie doucement mais surement et pour plusieurs générations. L'homme d'affaires par contre recherche le gain facile et s'appuie sur un « pay out time » le plus court possible pour amasser des capitaux qu'il fructifie par diversification dans tous les domaines. L'objectif est seulement de gagner plus. Il n'est pas loin du spéculateur. C'est la raison pour laquelle l'actif de cet homme d'affaires est passé d'un bus à 1000 et d'un million à plusieurs milliards en un temps record. Même si sur le plan éthique et moral, cette évolution reste discutable, elle est économiquement humaine. Elle a trouvé une brèche dans le système, il saisit l'opportunité. Il a un défaut, il parle trop. La révélation de son projet avec l'Iranienne Saipa lui attire des ennuis et des envieux car comme l'a fait la compagnie Maruti avant lui, se lancer dans les petites voitures low cost gêne le lobby français qui détient prés de 70% des parts du marché en Algérie. Donc à ce niveau, l'homme n'a pas tort car il est dans le collimateur. La voiture est devenue un statut social en Algérie dont la couche moyenne a rejoint celle pauvre par conséquence la faible bourse aspire à une quatre roues en fonction de ses moyens. Reste la question que de nombreux experts se posent. Comment il a réussi habillement à contourner les règles et les procédures ? Rappelons d'abord qu'il n'est pas extraordinaire et ceci teste fort probable que les vidéos diffusées soient réellles, seulement une situation passagère. Une panne d'un maillon de la chaine, met l'unité à l'arrêt provisoire. Son partenaire Sud Coréen lui envoie des voitures toutes prêtes à la commercialisation en lui montant uniquement les pneus pour ne pas rompre la cadence de production. N'importe qui à sa place le ferait. Rappelons à l'occasion que l'unité Renault de Oued Tlélat devait connaitre plusieurs arrêts suite à, une rupture d'approvisionnement en kits de montage de Roumanie causée par la vague de froid. En tout cas, l'intéressé a paniqué en ouvrant son usine à la presse mais qu'est ce qu'on y voit comparé à l'unité marocaine ou mexicaine supposées de même gabarit : un immense garage artisanal de mécanicien juxtaposé à un autre de tôlerie. La partie numérique est jalousement contrôlée par des coopérants techniques sud coréens par le biais de boites noirs. 

Ce projet est passé par le Conseil National des Investissements(CNI) 

Si l'on se réfère au décret exécutif N° 06-355 du 9 octobre 2006 relatif aux attributions, à la composition, à l'organisation et au fonctionnement du Conseil national de l'investissement, c'est le premier ministre qui le préside avec un secrétariat réservé à l'industrie et les mines. Les collectivités locales, les finances, l'industrie, la promotion des investissements, le commerce, l'énergie, le tourisme, la petite et moyenne entreprise et artisanat, l'aménagement du territoire,l' environnement et tourisme en sont membres. L'action de ce conseil s'exerce désormais en matière de décisions stratégiques relatives à l'investissement et en matière d'examen des dossiers d'investissements présentant un intérêt pour l'économie nationale. Comment cet ensemble de structures d'élite, ce beau monde a laissé passer un kit contenant un châssis peint, portant même les phares, les garnitures, les sièges, le tableau de bord, et même le logo Hyundai. Comment a-t-il permis au Sud Coréen de faire travailler ses usines en Corée et les transférer presque montées en Algérie et qui reviennent aux mêmes que pour un concessionnaire. 

Pourquoi n'a-t-il pas obligé le partenaire de s'impliquer dans le projet ? Donc l'arnaque ne se situe pas au niveau de Tahkout mais tout lui a été permis par les pouvoirs publics eux-mêmes dont le premier responsable du gouvernement qui a la charge de trancher sur les projets de cette envergure. Alors, qu'il s'étonne en dépêchant une inspection pourrait être compris par le commun des mortels comme de la poudre aux yeux. 

Tahkout et le dispositif CKD /SKD 

Lorsqu'un projet selon son envergure a eu l'aval de l'ANDI ou de la CNI, il est mis en œuvre en respectant scrupuleusement le cahier des charges. Pour les assembleurs tous secteurs confondus, ils restent soumis annuellement au respect d'un dispositif dit CKD/SKD régit par le décret N°74-2000 du 02 Avril 2000 qui fixe les conditions d'identification des activités de production à partir de collection destinée aux industrie de montage et aux collections CKD/SKD. La mise en œuvre de cette procédure a été complétée et précisée le 24 Février 2014 par un autre décret exécutif N°14-88. Les assembleurs doivent donc chaque année adresser une demande à Madame la secrétaire générale du ministère de l'industrie et des mines qui fait ressortir les produits pour lesquels l'assembleur sollicite un avis technique pour les produits qu'il compte importer avec leur position tarifaire correspondante. Pour cela il devra, s'il est ancien comme le cas de TMC présenter un dossier administratif et un autre technique qu'une commission étudiera minutieusement envoie des enquêteurs sur le terrain pour constater de visu la chaine de production et la véracité des information fournies. Si tout est en ordre, on lui délivre un agrément valable une année. Dans le canevas d'avis technique, l'assembleur doit donner tous les détails : les kits à importer, les décisions antérieures pour comparer l'évolution, l'évolution des investissements consentis par l'assembleur dans le matériel de production pour vérifier le transfert annuel de la technologie, la liste détaillée des équipements de la chaine, l'évolution des emplois par rapport aux engagements de l'assembleur, la décomposition détaillée de la collection, les éléments qui peuvent permettre à la commission d'apprécier l'évolution du taux d'intégration qui devra évoluer de 15 à 40% au bout de la cinquième année sous condition que le partenaire qui a autorisé l'assembleur à exploiter son brevet s'implique dans le capital social de la société en question. Et ceci, sans compter bien entendu les détails sur l'évolution du chiffre d'affaire et un aperçu sur les perspectives de l'assembleur. Au vu donc de cette procédure, l'observateur se pose la question pour le cas de Tahkout pourquoi le premier ministre a décidé de dépêcher une commission alors qu'il aurait pu exiger immédiatement le rapport de l'industrie et des mines de la région de Tiaret et qui a autorisé TMC à importer les Kits en 2017. Comment se fait-il que l'activité de TMC n'a pas été arrêtée ou mise en demeure pour non-conformité à la souscription au capital social du partenaire Sud Coréen et une surestimation des engagements de la capacité de production et des emplois à créer. Pour rappel, ce projet évalué à plus de 250 millions de dollars devra débuter avec une cadence de 60 000 voitures par an et employer plus de 400 agents. Or à raison de 80 à 85 voitures par jour et en supposant que l'unité travaille 365 jours par année ce qui est peu probable pour ne pas dire impossible, elle en donne à peine la moitié pour une centaine d'emplois. Cela voudra dire que l'assembleur n'est pas soumis à ces contrôles annuels pour des raisons qui laissent le commun des mortels à deviner. 

Conclusion 

Il faut peut être reconnaitre que cet homme d'affaires n'est pas le seul dans ce cas, s'il a été visé en premier c'est qu'il n'a rien derrière lui et qu'il commence à gêner les lobbies en présence dans son domaine d'activité. Il n'y a pas de fumée sans feu. La leçon qu'il conviendrait de tirer c'est la confirmation incontestable de l'échec de la politique industrielle en Algérie. Il y a trop de lois qui ont tué la loi. Cet arsenal juridique a alourdi la bureaucratie, crée des niches pour la corruption et les passes droits qui polluent le climat des affaires et donc attirent les spéculateurs et les adeptes du gain facile. Les investisseurs véritables ne viendront pas en Algérie tant que ce rouage n'est pas assaini. La décision que vient de prendre les pouvoirs publics pour contingenter les kits de la collection CKD/SKD pour les soumettre elles aussi à une licence d'importation est un pas dans ce sens. 

R. Rabah

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2 février 2017 4 02 /02 /février /2017 15:50
Le niveau de vie des Algériens est en dégradation constante.

Le niveau de vie des Algériens est en dégradation constante.

   Il est difficile de définir ce qu'est une bonne idée. On peut avancer que c'est celle qui apporte une solution ou qui ouvre de nouvelles  perspectives. En étant plus terre à terre, voire cynique, on peut avancer qu'une bonne idée est celle que l'on peut réaliser. Quoi qu'il en soit, s'il y a bien une chose que l'humanité est capable de produire en masse, pour le bien comme pour le pire, ce sont les idées. La semaine dernière, avec l'organisation de La Nuit des idées, il m'est apparu que ce sujet était peu souvent abordé.

 

    Nous connaissons tous dans notre entourage des gens qui sont des producteurs incessants d'idées. Certains sont totalement désintéressés. Ils ne revendiquent aucune exclusivité et se contentent d'œuvrer à la diffusion de leur pensée. D'autres sont bien moins généreux. Pour eux, les idées sont une marchandise de l'esprit et elles sont soumises, comme le reste, à des droits de propriété. Dans le monde des sciences politiques il y a, par exemple, de véritables haines entre de doctes et très connus spécialistes en raison d'une revendication commune sur une idée ou un concept le tout étant accompagné par des accusations réciproques de plagiat.

 

   Une idée ne naît jamais seule et de son propre fait. Le mécanisme demeure mystérieux et on ne saurait le décrire de manière uniformisée. Les uns ont besoin de beaucoup lire pour être capables de faire des propositions. Les autres préfèrent marcher ou échanger. Et ne parlons pas de cette idée qui surgit au beau milieu du sommeil, conséquence du travail permanent du cerveau, et qu'il faut le plus souvent noter dans la foulée si l'on ne veut pas la perdre pour toujours. Dans tous les cas, et pour reprendre une expression que j'aime beaucoup, on ne fait que se dresser sur les épaules des géants qui nous ont précédés. Idées, discours, techniques de réflexion, l'immense arsenal qui existe aujourd'hui était déjà disponible à l'Antiquité et il faut donc prendre certaines idées pour ce qu'elles sont, autrement dit des recyclages intelligents ou des adaptations.

Venons-en maintenant à une idée simple dont il a été beaucoup question durant la campagne des primaires d'une partie de la gauche française. Il s'agit du Revenu universel (RU). Avant d'aller plus loin, relevons que Benoit Hamon, qui s'est fait le champion de ce thème, n'a fait que reprendre un sujet en discussion depuis des années dans de nombreux pays européens (les Suisses ont voté contre l'adoption d'un RU lors d'un référendum au printemps 2016). Les économistes sont divisés quant aux bienfaits de cette disposition et les politiques commencent à peine à le découvrir.

Le Revenu universel est une idée qui aurait dû faire débat en Algérie depuis longtemps. Au lieu de s'égarer sur les questions identitaires, la « classe » politique - faisons semblant de considérer qu'il en existe une - aurait dû s'emparer de ce thème. De façon générale, j'avoue être souvent surpris de voir que les idées alternatives sont si peu discutées ou si peu relayées dans notre pays.

Un revenu pour tous, jeunes ou vieux, femmes ou hommes, voilà pourtant une proposition qui ferait sens dans un pays où l'un des griefs majeurs adressé au pouvoir est la mauvaise redistribution, pour ne pas écrire la confiscation, de la rente pétrolière.

Bien entendu, il est nécessaire de mener des études, notamment économétriques, pour déterminer la faisabilité d'un tel projet ou, tout du moins, la manière dont il sera appliqué. Faut-il un salaire mensuel ? Et de combien ? Au vu de l'importance démographique, faut-il juste une gratification annuelle voire semestrielle ? On en revient là à la définition même de la bonne idée. C'est celle qui, une fois formulée, est soumise au feu roulant des critiques et des discours sceptiques. Ce n'est qu'ainsi qu'elle finit par s'imposer (ou pas) et qu'elle ne se discute plus.

Certains vont estimer qu'un revenu universel en Algérie sera synonyme de gaspillage. Que les quatre ou cinq milliards de dollars qu'une telle mesure coûterait seront plus utiles ailleurs. C'est bien là le problème. Cela fait des années que la rente pétrolière est synonyme de gabegie et de dépenses totalement improductives. Si l'on parle de gaspillage, alors donner de l'argent aux Algériens serait un « gaspillage intelligent », moins grave que d'importer des milliards de tonnes de marchandises inutiles ou de lancer des projets qui ne serviront à rien. Et un revenu universel aurait pour vertu de relancer la consommation.

Surtout, cela atténuerait les tensions sociales en amoindrissant la rancœur de la population à l'égard d'un pouvoir qui ne se préoccupe guère du bien-être général.

D'autres vont avancer que le revenu universel est une mesure immorale car elle consiste à donner de l'argent aux gens sans qu'ils travaillent. Certes, mais, de toutes les façons, une bonne partie des Algériens ne travaille pas. Et plus important encore, cette rente pétrolière leur appartient et il serait normal qu'ils en bénéficient de manière directe. Dans ce genre de problématique, les arguments moraux ne comptent pas. Et relevons qu'il y a des similitudes dans le discours de ceux qui critiquent le revenu universel et ceux qui expliquaient au début du vingtième siècle que les congés payés encourageraient le vice et l'oisiveté chez les salariés notamment les ouvriers.

Qu'elle soit ou non réalisable, l'idée du revenu universel mérite de devenir une revendication chez les Algériens. Reste donc à trouver ses relayeurs et ses défenseurs.

Akram Belkaïd

 

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5 janvier 2017 4 05 /01 /janvier /2017 10:53
La bureaucratie est la maladie n°2 après la corruption en Algérie.

La bureaucratie est la maladie n°2 après la corruption en Algérie.

Pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie indépendante un premier responsable de l’exécutif commente une loi de finances juste après sa signature en utilisant les medias lourds et une préparation minutieuses par un choix d’une tranche d’horaire pour toucher un large auditoire. Cela dénote sans doute l’inquiétude des pouvoirs publics autour d’un agenda pour l’année 2017 très controversé.

Pourtant un peu plus d’un mois avant, ces mêmes médias ont préparé l’opinion publique à une année sans embauche grâce à l’accord "historique" arraché par l’Algérie pour redresser le baril du pétrole. Par cette offensive médiatique, le citoyen lambda pensait que tous ses déboires étaient finis à partir de l’entrée en vigueur du système de quota fixé et contrôlé par le comité technique laissé aux bons soins à l’Algérie.

Après cette euphorie, le Premier ministre se veut pragmatique en déclarant maintenant que ces efforts déployés par l’Algérie auprès des producteurs OPEP et non-OPEP étaient certes, nécessaires mais pas suffisants pour ne compter que sur le redressement incertain du baril du brut. Il n’a pas tord car de nombreux experts ont déjà averti que la progression du prix du baril autour de quelques cents de dollar au-dessus des 50 est la conjugaison de plusieurs facteurs dont la rudesse de l’hiver en Occident, la diminution des stocks américains et vient après la rumeur autour de cette entente des pays producteurs de pétrole qui entre en vigueur qu’à partir du premier mois de cette année. Quand bien même chacun des acteurs respecte ses engagements, ce qui est fort probable, les producteurs se doivent d'éponger près 1800 000 barils par jour des quelques 2 millions de barils par jour représentant le surplus de l’offre actuellement sur le marché.

En supposant que tout se passe comme prévu, ce qui est cette fois-ci le vœux de tout le monde, on aboutirait à une correspondance entre l’offre et la demande. Dans ce cas de figure, aucun acteur n’aura une influence quelconque sur les prix car la demande du pétrole ne pourra être tirée vers le haut que par une croissance forte des pays émergents et ceux développés. Or, les chiffres perspectifs montrent que cette dernière restera molle du moins durant l’année 2017. Donc ne pas trop miser uniquement sur la hausse du prix du baril est la sagesse même du premier ministre pour l’avoir dit d’emblée dans son intervention le soir du 30 décembre 2016. Par contre, les indicateurs, que certainement les différents ministères lui ont préparés pour les annoncer à l’opinion publique n’ont, comme chacun le sait pas convaincus grand monde. Les commentaires et les déchainements qui en découlent dans les réseaux sociaux sont édifiants. Pourquoi ? Les chiffres sur la croissance et l’encouragement des investissements hors hydrocarbures et surtout le niveau d’endettement sont des génériques que les citoyens entendent depuis les années 80. Il a raté l’occasion pour ramener son intervention à la dimension d’équité dans la gestion des affaires et donner plus de détails pratiques sur le "ciblage" des couches défavorisées qui devraient bénéficier des différentes subventions de l’Etat. Il aurait dans ce cas répondu aux différentes grognes qui menacent la stabilité du pays en 2017. Les jeunes étudiants qui appellent sans arrêt aux recrutements équitables dans les entreprises publiques et notamment Sonatrach dont il n’a trouvé mieux que de remercier ses travailleurs pour leur effort de production et quelle production ? Il n’a pas répondu non plus à l’unification des caisses de retraites que les fonctionnaires réclament par des grèves. Enfin, il a totalement ignoré le conflit des commerçants qui a commencé à Tizi Ouzou mais pourrait se généraliser à toutes les wilayas car la bureaucratisation et la lourdeur des systèmes fiscaux et parafiscaux sont devenus étouffants et découragent l’acte de commercer, seul moyen pour renflouer les caisses de l’Etat.

En dépit d’un arsenal juridique considérable, l’acte de commercer continue à relever d’un parcours du combattant. Depuis la dénomination d’une affaire en passant par le registre du commerce jusqu’à l’acquittement des impôts.

 

1- Le rouage du commerce dans son ensemble incite à la fraude fiscale

Pour donner un nom à votre entité, on vous remet un ordre de virement qu’on arrondi à 500 dinars, ensuite il faudrait passer une demi-journée à la banque pour le formaliser. Parfois beaucoup plus si vous tombez avec la fin du mois ou avec l’arrivée d’un commerçant qui ramène un montant important à verser dans son compte et qu’il mobilise tous les caissiers de cette banque. Le registre du commerce demande parfois plusieurs allers et retours pour finaliser le dossier demandé d’une lourdeur insupportable allant du casier judiciaire jusqu’aux imprimés avec des rubriques à renseigner incompréhensibles. Plus grave, celui qui construit une maison qui y réserve une aile commerciale et dispose d’un acte de propriété en toute légalité, on lui refuse le registre si sa façade ne correspond pas aux normes qu’ils ont arrêtées et ne présente pas un certificat de conformité. Il suffit qu’il loue sa maison à quelqu’un d’autres pour que tout soit possible dans les mêmes conditions initiales. Près de 80% du secteur informel fuient le fisc parce qu’ils n’arrivent pas à obtenir un registre du commerce exigé pour s’acquitter en toute légalité de ses impôts. Pourquoi ? Ils font partie du million de constructions illicites que l’Etat vient de différer sine die l’application de la loi qui les oblige à leur conformité.

La règlementation qu’applique la Chambre nationale du registre du commerce ne suit pas les décisions prises par le sommet de l’Etat pour justement inciter le secteur informel à intégrer le rouage économique normal. Les recettes des impôts et les inspections correspondantes sont beaucoup plus plongées dans la paperasse de leurs contribuables que l’argent qu’ils doivent verser dans les caisses de l’Etat. Les dossiers sont lourds et non numérisés et font l’objet le plus souvent à des pertes qui impliquent des réclamations inextricables. Vous déclarez une activité pour vous acquitter de vos impôts, on vous les refuse sans présentation d’un dossier décourageant à constituer donc vous vous versez dans l’illégalité. Le comble, si le fisc vous attrape, il vous régularise d’office sans cassement de tête de ce dossier. N’est-ce pas une incitation à la fraude et aux fautes pour obtenir des droits que vous n’avez pas réussi à obtenir en toute légalité. La Caisse nationale de l’assurance sociale refuse de délivrer des attestations d’affiliation qui continuent à être exigés dans toutes les administrations et notamment pour les aides aux logements des salaires bas. Il faut parfois une journée complète pour payer sa cotisation à la CASNOS.

C'est pour toutes ces incohérences dans l’application et la coordination des différentes institutions de l’Etat que les citoyens évitent les circuits légaux pour la voie informelle. Les pouvoirs publics, au lieu de redresser ces incohérences, choisissent les solutions soit contraignantes comme celles préconisées par le directeur général d’une caisse sociale de confisquer les biens des contrevenants ou d’autres de facilités comme l’augmentation de deux points de la TVA qui va faire flamber les prix en 2017. Comment peut-on s’étonner que Zaibet Toufik, ce fameux inventeur du RHB ne soit pas docteur lorsque le médecin, l’avocat l’épicier, le consultant et le plombier se trouvent dans le même casier fiscal. D’ailleurs certains cabinets médicaux n’appellent plus leurs malades des "patients" mais carrément des "clients".

2- Les promoteurs d’investissement ne sont pas non plus épargnés par la bureaucratie

Lors de l’installation du nouveau PDG de Sonatrach, dans son intervention le premier ministre a profité de l’occasion pour interpeller les membres de son gouvernement de ne plus exposer les investisseurs aux fonctionnaires des CALPIREF (01) relevant des wilayas qui ont tendance à s’accrocher plus à la forme qu’au contenu des projets que les différents promoteurs présentent. Deux mois après une circulaire interministérielle regroupant le ministre de l’Industrie, celui des Finances et le dernier de l’Intérieur limite le rôle de ces commissions de wilayas à de simple secrétariat et transfert le pouvoir de décision directement aux walis. Elle fixe avec précision les délais de dépôt et de réponse pour ne pas laisser les investisseurs dans l’expectative. Voilà prés d’une année que les choses sont pires de ce qu’elles étaient. Dans certaines wilayas, les promoteurs sont reçus par des secrétaires qui passent leur temps à leur corriger des fautes d’orthographe négligeant carrément le fond que l’idée du projet apporte. Des investisseurs dépensent une somme faramineuse pour présenter une étude économique complète pour ne recevoir aucune réponse aussi bien positive que négative.

Conséquence, ces promoteurs tentent leur chance dans d’autres cieux. Ainsi, durant l’été 2016, l’équipe de l’ambassade de Tunisie a organisé une rencontre à l’hôtel Aurassi pour inviter les porteurs de projets à visiter leur payer qui semble offrir de nombreuses opportunités à saisir. On apprend dernièrement par un journal Tunisien repris par les réseaux sociaux qu’un projet de production et de séchage du lait ainsi que celle de viandes rouges et blanches d’un coût de près de 230 millions d’euros (596 MD) pouvant employer dans une première étape 2000 employés spécialisés et 3000 autres non spécialisés est en voie d’être créé par un investisseur algérien qui vient de présenter une étude complète au gouvernorat de Jendouba en Tunisie selon une étude que ce dernier a présenté au gouvernement tunisien. Le projet comporte la création d’une plantation pour l’élevage de 32 000 vaches dont 12 000 seront distribuées aux éleveurs à condition que leur production soit vendue à l’usine de séchage du lait qui sera réalisée à Sakiet Sidi Youssef, outre la mise en place d’une unité de réfrigération d’une capacité de 100 mille litres cube de lait et d’une autre destinée à la transformation de la bouse de vache. Ce type de projet que des centaines d’Algériens n’arrêtent de proposer pour contribuer à l’allégement de la facture que les pouvoirs publics payent pour cette denrée de première nécessité sans compter sa dépendance depuis plusieurs décennies à la France et aux Pays Bas, ne semble pas trouver écho au niveau national. Ces recherches d’opportunité selon des rumeurs ne vont pas s’arrêter à la Tunisie mais vont même se concrétiser dans certains pays émergents comme le Mexique, le Brésil, l’Argentine etc.

3- Conclusion

A travers toutes ses interventions depuis sa nomination en tant que Premier ministre, Monsieur Sellal développe des discours qui montrent un sens de responsabilité élevé. En management, on attribue à cette dimension la conscience, l’esprit de patriotisme et surtout l’émulation d’entreprendre dans l’intérêt général. Une telle qualité est certainement nécessaire mais pas suffisante pour compléter l’équation du leadership. Il faut donc un pouvoir ferme et surtout une autorité non seulement incontestée mais aussi incontestable pour conduire une économie de crise. La crédibilité quant à elle constitue un caillou dans le pied de celui qui veut exercer un pouvoir.

 

Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier.

 

Notes

01- Comité d’Assistance à la Localisation et à la Promotion des Investissements et de la Régulation du Foncier

 

 

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