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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 09:01

Le début ne laisse pas présager de la fin, disait souvent en exorde Hérodote en historien marcheur avisé. Et parce qu'il faut une datation à l'événementiel pour figer la traçabilité.

L'immolation par le feu de Tarek, dit Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid en Tunisie le 17 décembre 2010, estampilla le début et le parcours, à priori à jamais inachevé, du printemps arabe. L'acte de ce marquage est en lui-même très violent, fort, intense et prégnant, car extrême. Le message codé qu'il véhicule, sans besoin d'autres explications, est sacrificiel. Les clés de lecture et le déchiffrage de cet acte printanier marqueur, ont pour références les rituels du message Abrahamique, mais pas seulement, puisque les grecs anciens, les hindouistes et les brahmanistes pour ne citer que ceux là, avaient intégré le sacrifice, dans la symbolique de leurs croyances. Néanmoins et même si la bête avait depuis des temps bibliques, remplacé dans ce rite sacrificiel, entre les mains du sacrifiant, l'être humain, il demeurait toujours une possibilité à ce dernier d'en être lui même le sacrifié. D'où la force de ce message, de cet appel aux secours, pour dénoncer un ordre établi liberticide, avec ce qui reste à l'homme, quand il a tout perdu, et qu'il estime ne plus avoir droit à rien. Son corps.

Pour s'affranchir une fois pour toutes, de la vie, de toutes ses contraintes, de ses oppressions et de tous ses asservissements. Ainsi le corps devient un outil de revendication, et même une matière de sommation finale, contre les régimes attentatoires aux libertés, dans tous leurs spectres. Cela va de la réclamation d'un poste de travail, à l'exigence de l'interruption des cycles de précarité et de marginalisation, en passant par la reconquête de libertés politiques, syndicales, artistiques et d'association. Et ici, nous ne jugeons nullement, ni des sacrifiés, ni de leurs actes. Chemin faisant,et à travers troubles et confusions, le printemps arabe,nous exhiba le corps de Maamar Kadhafi,lynché,écorché et criblé de balles,puis exposé sur un matelas en éponge et photographié des milliers de fois,par des curieux. Dans l'Arabie heureuse, nous vîmes le corps et le visage du président Ali Abdallah Salah calcinés, par le souffle d'une bombe, tombée sur lui et sur ses fidèles, pendant la prière du vendredi, dans la mosquée de son palais présidentiel. De même qu'en passant par l'Egypte, le printemps arabe nous fit découvrir Hosni Moubarak, lui le pilote de chasse, jadis altier, sur une civière allongé, répondant à ses juges derrière des barreaux et masqué par ses lunette noires.

Cette image me rappela, ce que me disait un jour, Hama El Fahem. Ecoute, me dit-il, vois-tu la majesté de cet aigle, qui tournoie au dessus de nos têtes et qui nous émerveille. Fais attention, car dès qu'il va se poser, il ressemblera lui aussi, à un vulgaire poulet. Bien sur, les corps de ces trois autocrates, n'évoquaient pas les mêmes souffrances dénoncées par Bouazizi. L'image de l'aigle majestueux redevenu poulet, décrit par Hama El Fahem, leur allait comme s'ils avaient été pondus, couvés et nés avec. Sauf que l'aigle lui n'a jamais essayé, de changer de nature, ni de troquer sa classe. Mais en réalité, les convulsions, prélude au printemps émanaient du corps du social et du corps politique arabes qui avaient finit par chasser des despotes, et mit les premiers jalons causatifs d'une reconfiguration des espaces publics, où les nouveaux corps, social et politique, anciennement tenu sous joug, entravés et enchaînés, se repositionneraient. Cependant, après les spasmes des premières périodes des règnes des ordres rebelles nouveaux, le risque de la reproduction des anciens réflexes qui furent aux origines du printemps arabe, menace toujours. Surpris par la brutalité des chutes des dictateurs, les corps, social et politique des aires du printemps arabe s'agitent toujours, mais continuent à être crispés. L'émergence d'après révolte reste poussive, et éprouve un mal fou à s'installer et à occuper ces espaces. En Tunisie, le gouvernement En-Nahdha, malgré la forte pression exercée contre lui, par toutes les autres parties du paysage social et politique tunisiens, soutenus par la puissante Union Général Tunisienne du Travail , mais aussi par l'organisation patronale, l'Union Tunisienne de l'Industrie , du Commerce et de l'Artisanat, dont la patronne Wided Bouchamaoui, avait reçu dans le cadre des efforts de concertation et de dialogue, le 9 septembre 2013, différents responsables politiques, dont, M. Béji Caïd Essebsi, président du parti Nidaa Tounes, M. Samir Ettaieb, porte parole du parti El Massar, M. Hamma Hammami, porte parole du Front Populaire, ainsi qu'une délégation des députés qui se sont retirés de l'Assemblée Nationale Constituante, fait indéfiniment de la résistance. Toujours au sujet de ce difficile accouchement, vers la transition démocratique, deux poids lourds de la politique tunisienne, ont quasi simultanément, le 10 et 11 septembre 2013, rendu visite au président Boutéflika. Ce qui a Tunis, avait donné l'occasion à des spéculations, sur cette coïncidence programmée. Interrogé sur ces visites à la veille de grands changements attendus en Tunisie, telle la démission du gouvernement En-Nahdha, la désignation d'une personnalité indépendante, qui sera chargée par le président de la république par intérim, de former un cabinet dont la mission principale sera de préparer les futures élections.

Le chef du parti républicain, Ahmed Najd Ech-Chabbi, et non moins vieux routier de la politique en son pays, disait au cours d'une émission télé, diffusée par une chaîne privée tunisienne très suivie en Algérie, le 12 septembre 2013, ceci :'' je n'irais pas jusqu'à comparer la Tunisie au Liban, dont les dirigeants politiques, quand ils sont en désaccord, vont en consultations et recevoir des ordres à Damas en Syrie, mais je dis que les affaires internes tunisiennes doivent être traitées en Tunisie. Tout est dit, pour ce qui concerne l'indépendance de la décision politique interne tunisienne. En Libye et au Yémen, ce sont, le flou, la confusion et les incertitudes, qui occupent le terrain. En Égypte, tous les évènements qui s'y passent, conduisent à se poser cette question : qui est ce qui arrêtera le général Abdelfatah As-Sissi, qui semble avoir démarré dans son projet, qui manque encore de lisibilité, à fond la caisse, et qu'il accélère à chaque étape ? Néanmoins en face, la détermination des frères musulmans demeure inébranlable. Enfin ce duel n'a pas encore dévoilé tous ses impondérables, et risque de reproduire l'ordre ancien, c'est-à-dire une copie revue et corrigée, mais de la même composition matricielle. Oui, car la matrice du corps social et politique, génitrice du printemps arabe, n'a pas encore choisi ni le sexe, ni le prénom de son projet de société. Quant à lui apprendre à marcher, faudrait-il que les géniteurs, acteurs de ce printemps, arrivent déjà eux-mêmes à tenir debout. Une position parfaite du corps humain, entamée par l'homo erectus, désormais bipède. Oui l'autre expression qu'a permis le printemps arabe, et même par endroit demeurée Underground, c'est celle du corps individuel, matériel, physique, intime, et personnel. La contestation à titre individuel par le corps humain, classée par certains observateurs, comme un épiphénomène, se manifesta pratiquement pour les mêmes revendications de liberté, lors du printemps arabe.

Cette déclinaison révolutionnaire, s'il en est, fut de l'œuvre de femmes résolues, dans l'espace du printemps arabe, qualifié par Hama El- Fahem, de club masculin cadenassé. Cette fois-ci, l'ennemi, bien sûr intrinsèquement lié aux libertés, ce sont les tabous généralisés et entendus comme contrainte générale. La contestation visait à les casser, pour s'en affranchir. La méthode quant à elle ; elle utilisera justement ces tabous pour les mettre à nu, sans jeu de mots. Puisque par trois manifestations, qu'ici je relaterai, des femmes se sont servies de leurs corps comme moyens de protestation. La Tunisie a eu sa Femen, Amina Sboui, cette jeune fille de 19 ans qui diffusait le premier mars 2013, sur les réseaux sociaux qu'offre Internet, sa photographie seins nus, avec cette inscription en arabe :'' mon corps m'appartient et n'est source d'honneur pour personne''. Elle se manifestera plusieurs autres fois, comme le 19 mai 2013, à Kairouan, où devait se tenir le congrès des salafistes d'Ansar Al-Charia'a. Elle sera emprisonnée, pour avoir tagué le muret d'un cimetière. Suite à cela, trois jeunes filles européennes de l'organisation Femen, montreront, le 29 mai 2013, dans une action d'éclat et de soutien à Amina, leurs seins en plein cœur de Tunis, tétanisant des centaines de tunisiens en pleine rue. Elle sera libérée le premier Août 2013.

Depuis Amina déclarera avoir quitté, le mouvement Femen, qu'elle juge islamophobe. En Egypte, c'est la bloqueuse et étudiante à l'université américaine du Caire, Alyaa Magda Al Mahdi, qui avait le 23 octobre 2011, posté sur son compte Twiter, une photo d'elle, nue. Elle dira :'' protester contre une société de violence, de racisme, de sexisme, de harcèlement sexuel et d'hypocrisie''. Pour cette action, elle sera critiquée et même menacée de mort. Elle aura également le soutien de l'organisation Femen. Le troisième exemple nous vient du Maroc, où la troupe théâtrale de l'Aquarium de Rabat, a eu l'audace mais surtout l'énorme cran, d'adapter en marocain et de faire jouer par trois actrices talentueuses, la fameuse pièce féministe :'' les monologues du vagin'', de l'américaine Eve Ensler. Selon un journal marocain, cette pièce rebaptisée pour l'occasion :'' Dialy'', fait que la femme se réapproprie son intimité et parle ouvertement de son organe sexuel. Et que la pièce traite de la sexualité des femmes marocaines, de leurs complexes, mais aussi de leur maltraitance physique, psychique et morale.

Le texte adapté parle aussi du manque d'éducation sexuelle et du manque du respect du à la femme. A ce niveau, on peut être d'accord avec ces trois exemples, comme on peut également être contre, et même rester sans opinion. Cependant, le fait, l'évènement, cette mise en avant du corps féminin est là, avec tout son poids de détresse, mais aussi toute la charge et la densité des problèmes qui sont posées, à travers le corps de la femme, conjointement avec les autres revendications du printemps arabes. C'est la révolte féminine pour dénoncer, et faire que cessent, les viols, le mariage forcé des mineurs, les harcèlements divers et variés, l'inceste et autres excisions. Enfin c'est un fort et puissant crie d'alarme et d'angoisse de la moitié des êtres humains des sociétés arabes, à l'autre moitié du printemps éponyme. Aussi, ces révoltes printanières peuvent-elles réussir, quand elles sont unijambistes et volontairement autistes face aux revendications des femmes? Si le printemps arabe ambitionne de modifier l'organisation sociale, en fonction des aspirations des hommes et des femmes, qui l'ont provoqué, en leur restituant leurs droits, par l'abolition des inégalités, il aura fait révolution. Car comme dit le slogan :''un homme sur deux est une femme''. Sinon reprenons pour l'occasion, Carl Gustave Jung, qui dit dans un des textes qui constituent son livre : l'Ame et le Vie, dans le chapitre intitulé l'Homme et la Femme :''là où l'amour règne, il n'y a pas de volonté de puissance, et là où domine la puissance, manque l'amour. L'un est l'ombre de l'autre''. Et refaisons ensemble, hommes et femmes, notre printemps sans l'ombre d'une disparité entre les genres.

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