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18 octobre 2016 2 18 /10 /octobre /2016 07:09
Nadia Zaoui

Nadia Zaoui

 

C'était une de ces après-midi d'été où même les cigales trouvaient le temps long. D'ailleurs leur symphonie prenait un rythme plus proche d'une lamentation que d'un chant de cigales.

Jeunes filles enfermées pendant les trois mois de vacances scolaires, nous nous réfugions dans le sommeil. Rêver nous aidait à échapper à notre condition et à cette claustrophobie de l'enfermement. Ma pauvre mère passait son temps à essayer de nous réveiller. Désespérée, elle usait de tous les subterfuges et même des mots les plus blessants: "Qui voudrait épouser des fainéantes de votre espèce!", Nous criait-elle. Rien à faire, nos corps trop lourds à soulever restaient inertes sous ses commentaires. C'était seulement quand elle arrivait avec un seau d'eau que je me décidais de jouer mes dernières cartes. Je prétendais aller me laver dans la salle de bain et j'étalais ma serviette par terre pour me rendormir dans l'espoir de rêver un peu plus.

C'est que je détestais l'enfermement qu'on nous imposait. Je refusais la société où j'étais née. Je refusais que les hommes s'accaparèrent la rue et que nous, femmes, sommes devenues des meubles intérieurs...

J'avais envie de disposer de mon corps et de mes gestes en liberté, de regarder le ciel infini que les hauts murs de notre cour ne viennent pas découper. Je me souviens qu'un jour ou mon père qui en avait marre de mon discours de révoltée m'avait ouvert grand la porte de la maison et m'avait défié d'aller faire mon footing. J'avais sorti ma tête de la porte et une rafale de regards d'hommes assoiffés de présence féminine m'avait immédiatement dissuadé dans mon entreprise ... Ce jour la, j'avais compris que même si mon père me donnait la liberté, je devais me battre contre toute ma société pour l'arracher.

Et pourtant on ne demandait pas grand-chose. Juste marcher dans la rue, sentir le soleil sur nos corps blanchi par les ombres des maisons. Il y a des femmes de mon enfance que je n’ai jamais vues marcher dans la rue. Je n arrivais même pas à les imaginer marcher seules ... Justement, récemment j'ai rencontré une femme de mon village qui a atterri au Québec. Elle me disait que même quand elle marche dans les rues de Montréal, elle sent encore cette pression et cette peur atavique de toute une société qui la juge et la scrute. Son mari lui a ouvert une garderie chez elle pour s'assurer qu'elle travaille à la maison et qu'elle ne soit pas en contact avec des hommes. Les valises des immigrants ramènent souvent des coutumes qui devraient êtres interdites aux douanes canadiennes tout comme les tripes et les boyaux.

Ah oui! J'oubliais, vous vous demandez tous c'est quoi ce titre, ces fameuses petites couilles de Malik! Je vous explique. On avait reçu de la visite de cousines de la ville qui sont passées par chez pour nous inviter à aller visiter de la famille. C'était pour aller de l'autre côté de la rive. Nous aimions cette marche car elle nous permettait de nous éloigner du centre du village et des regards indiscrets des hommes. On se permettait même de courir dans la nature même si de telles gamineries ne devaient pas êtres "un comportement" de filles de bonnes familles!

Enfin, traverser "assif" (la rivière sèche) pour des jeunes filles de mon époque, prenait une réunion de famille et un conseil des sages pour étudier les probabilités d'éventuels "qu'en dira-t-on" de toutes les tribus qui forment notre petite ville. Je me dis que ces mentalités ont initié le lucratif marché de la presse "people" en Occident. ....enfin, vous vous en doutez alors que nous faire accompagner par un garçon de la famille était plus que primordial pour un tel projet.

Nous, jeunes filles écervelées et assoiffées de liberté, nous nous sommes alors accaparé la main de Malik, un petit de moins de 4 ans qui traînait chez nous. 
Arrivées à destination, les femmes de la famille ont été outrées: Comment des jeunes filles ont osé traverser la rivière sans être accompagnées d'un homme? Notre réponse était unanime. Mais il y a Malik avec nous, c est un garçon non?

Voilà donc comment les petites couilles de Malik nous servaient de paravent pour affronter cette société d'hommes faite pour les hommes et par les hommes ...mais transmise par les femmes.

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27 septembre 2016 2 27 /09 /septembre /2016 09:39
Farah-Louisa Chergui (épouse Berchiche)

Farah-Louisa Chergui (épouse Berchiche)

Nous reproduisons ci-après le témoignage d'un homme Karim Berchiche, anéanti par le décès de sa femme et son bébé à la clinique du Parc à Bouzareah, Alger. Farah-Louisa Chergui (épouse Berchiche) serait décédée dans le bloc opératoire de cette clinique. Son époux veut savoir ce qui s'est passé pourquoi et dans quelles conditions sa femme et son enfant son morts dans cet établissement.


Nous sommes le vendredi 02 septembre 2016, mon épouse et moi-même avons décidé de sortir marcher un peu pour se détendre les jambes et faire quelques petites courses.

Vers minuit, nous sommes ensuite rentrés à la maison. Détendus, nous avons regardé un film à la télévision. Vers 2h du matin, ma femme a commencé à avoir mal, très mal. Des maux espacés. Vers 3h30, les douleurs s’accentuent et là nous avons décidé de nous rendre à la clinique privée du Parc à Bouzaréah. Cette clinique nous a été conseillée par sa gynécologue qui outre son cabinet privée à Ain Bénian, procède à des accouchements dans celle-ci. Contactée, elle ne nous a répondu qu’à 5h du matin, nous rassurant que mon épouse ne risquait pas d’accoucher de suite puisque le travail venait à peine de commencer!

Nous sommes arrivés à la clinique entre 4h30 – 5h du matin. Nous avons été reçus et ils m’ont demandé de les laisser faire leur travail. Je suis donc descendu à la salle d’attente. Vers 7h du matin je suis monté voir ma femme, ils m’ont laissé avec elle jusqu’à ce qu’elle perde la poche des eaux et ce jusqu’à environ 8h45. Ils l’ont emmenée ensuite au bloc opératoire en me disant ça va aller, nous allons nous occuper d’elle.

Ils se sont bien occupés puisque je ne l’ai plus jamais revue en vie.

Entre 9h30 et 10h, j’ai été appelé par un médecin. Celui-ci me demanda si mon épouse avait des problèmes de santé, si elle était cardiaque ?

J’ai répondu par la négative et qu’elle était suivie depuis 9 mois par sa gynécologue et que celle-ci aurait pu le détecter et que de surcroît ils détenaient son carnet et qu’il n’était pas de mon ressort de leur répondre.

Depuis, je suis monté chaque 10 mn pour m’enquérir de l’état de mon épouse. Les réponses étaient vagues: «elle se repose, elle se repose, ensuite elle est en réanimation ?!? C’était des interrogations et des exclamations en même temps, car à ce moment-là je n’arrivais pas à réaliser. Je me suis dit qu’elle avait accouché par césarienne et qu’ils l’avaient réanimée!

Depuis des va-et-vient continus incessants et toujours le même discours: "en réanimation". Vers 10h30 je vois la gynécologue arriver.

J’ai ensuite paniqué et ai questionné tout le monde, en vain. Mis à part une sage-femme qui m’a annoncé à la fin que le bébé n’avait pas survécu. Et ma femme ? Telle fut ma question.

La sage-femme me répondit: ne vous inquiétez pas, le docteur va venir tout vous expliquer. J’avais un indescriptible étranglement à la gorge et ce jusqu’à l’arrivée de la gynécologue qui est venue me voir à 11h environ. Elle avait une expression du visage inquiétante, avec un tablier couvert de sang et m’a annoncé que ma femme était dans un sale état et que tout le monde œuvrait pour la réanimer et qu’elle pourrait ne pas survivre.

Ce n’est que vers environ midi que j’ai appris par le biais d’une sage-femme que ma femme était morte.

Effondré, abattu, apeuré, terrorisé, je suis tombé par terre en sanglotant à chaudes larmes.

Loin de moi l’idée de vouloir généraliser puisque j’ai moi-même des amis et bon nombre de ma famille sont médecins, mais voilà la médecine de certains monstres déguisés en blanc qui ont fait le serment d’hypocrite et ont oublié Hippocrate. Voici le genre de cliniques agréées par l’Etat, détruisant des vies, des couples, des parents, des amis, des familles. Tout cela ayant comme unique et seul but: "les sous et encore les sous et toujours les sous." Peu leur importe l’histoire que j’ai eue avec ma femme, les moments, les souvenirs, les vies humaines…

J’emmène ma femme mettre notre enfant au monde dans un endroit prétendument propre, rassuré par sa gynécologue ayant espoir et confiance en elle et ils me la retournent dans un cercueil. Telle est mon histoire, tel est mon drame!

À la fin, je demande à tout le monde d’œuvrer pour que tout cela cesse, pour arrêter ces criminels qui font honte à la médecine, à cette nation, qui détruisent des jeunes couples pleins de vie, d’espoir, de rêves et d’objectifs.

Inchaa Allah oua Amin ya Rabi!

Karim Berchich
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22 septembre 2016 4 22 /09 /septembre /2016 08:52
Le deal entre Poutine et Al-Assad

Le deal entre Poutine et Al-Assad

De prime abord, il est à remarquer que dans ce dossier brûlant de la Syrie, le protagoniste principal n'est autre que le président russe Vladimir Poutine.

Mais pourquoi ? A vrai dire, la conjoncture internationale récente où l'on a assisté au choc subit de plusieurs facteurs politiques, à savoir la crise économique mondiale, les troubles du Printemps arabe, le conflit israélo-palestinien et l’approchement des élections présidentielles américaines a fait en sorte que cet "homme à la poigne de fer" ait imposé facilement ses règles du jeu aux occidentaux. Ainsi s'est-il montré avec son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov d'une grande dextérité tactique, en relançant implicitement le vieux projet "expansionniste" de l'ex-U.R.S.S (dossier de l’Ukraine, l'annexion de l’île de Crimée, guerre civile en Syrie, etc). Bien entendu, ce n'est, au demeurant, un secret pour personne, cet inséparable couple "Poutine-Lavrov" aurait évité de justesse un cataclysme supplémentaire à la Syrie pour deux raisons essentielles. Premièrement, parce qu'il a refusé le bombardement par les puissances alliées, la France en tête, du régime bâassiste de Damas suite à son usage présumé en août 2013 d'armes chimiques contre des populations civiles.

Si, par exemple, cette intervention-là avait eu lieu, le monde aurait, sans doute, déploré l'émergence d'un autre Etat terroriste d'une taille et d'une ampleur autrement plus considérables que le Daesh actuel. Lequel menacera, à son tour, et probablement encore davantage les libertés religieuses, officialisant ainsi le massacre massif des Alaouites (le clan de Al-Assad) et l'exil des chrétiens d'orient vers les pays voisins, en particulier le Liban. La conclusion d'un accord entre Russes et Américains sur le démantèlement de l'arsenal chimique syrien au moment où les alliés étaient résolus pour passer à l'action aurait été, dans ce cas de figure, salutaire. Deuxièmement, parce que les Russes sont intervenus au moment opportun en septembre 2015 pour endiguer l’inévitable avancée des islamistes de Daesh. Ce qui a permis le recul graduel de l'organisation Etat islamique (E.I) et la reprise de l'armée d'Al-Assad, jusqu'alors battue sur le terrain, de ses positions militaires initiales.

Sur ce point-là, on peut affirmer que Poutine a respecté son engagement du départ de réduire le pouvoir de nuisance de l'E.I, tout en envoyant un message politique fort, aisément décryptable, aussi bien aux occidentaux qu'à son allié stratégique de Damas. Il a rappelé aux premiers qu'ils étaient en train de jouer dans son «espace vital» duquel ils devraient être expulsés manu militari. Et, au moment de se retirer de la Syrie, il a implicitement mis en garde le second (Al-Assad) contre tout entêtement à rejeter le dialogue avec les rebelles, le seul moyen, paraît-il, pour espérer une sortie rapide de la crise. Comme s'il lui susurre à l'oreille ceci : «Je suis là à te soutenir mais fais en sorte que tu règles ton problème toi-même sans moi!». Ancien agent du K.G.B (services secrets russes), rompu aux intrigues, aux suspens et aux coups de force, Poutine apparaît là on l'attend le moins et disparaît là où tout le monde pense qu'il allait agir! Tacticien, il tape fort quand il le faut au point de fasciner même ses propres ennemis, comme d'ailleurs ce républicain fantasque «Donald Trump» qui ne tarit jamais d'éloges pour lui! Quoique, encore faudrait-il le souligner ici, certains analystes minimisent ses qualités, estimant que l'homme fort de Moscou ne fait que poursuivre la politique russe initiée par les tsars depuis le XVIII siècle. Laquelle consiste à conquérir coûte que coûte des ouvertures navales un peu partout dans le monde (la quête des eaux chaudes). C'est pourquoi, la base militaire maritime de Tartous, l'unique que possède, du reste, le Kremlin en Méditerranée, est perçue comme le facteur déterminant de son engagement pérenne en Syrie. Mais au-delà de toutes ces données, quel est le destin réservé à ce joyau de l'Orient qu'est la Syrie? Incontestablement, mort, gâchis, misère, chaos, exil! Et pourtant, cette nation-là aurait, pour rappel, enregistré entre 2000 et 2008, une embellie financière des plus extraordinaires ayant été favorisée par l'ouverture du pays aux technologies de l'information et de la communication, le tourisme et la libéralisation partielle de son économie. Il se trouve, malheureusement, que les inégalités et la mauvaise répartition des richesses ont engendré de la frustration et du ressentiment chez les classes moyennes (en particulier les couches populaires sunnites). Une prospérité qui a été également stoppée par une période sévère de sécheresse ayant commencé en 2006. Ce qui a accéléré l'exode rural vers les villes, la montée de la colère et le retour en force de l'islamisme. La suite, on la connaît tous, hiver arabe oblige.

Bref, le recentrage russe au Moyen-Orient n'est pas fortuit. Il se confronte, en plus de cette faiblesse chronique de la Syrie et son dépeçage éhonté, aux contradictions françaises et à la passivité relative des Américains. Très impopulaire à l'intérieur de son pays, François Hollande s'est, semble-t-il, fourvoyé dans une cécité diplomatique incompréhensible à l'extérieur. En octobre 2012 à titre d'exemple, les forces françaises ont violé l'embargo international sur les armes, en livrant de la munition et du matériel militaire pour les rebelles syriens. Erreur très grave! D'autant que cet arsenal-là a fini aux mains de Daesh, lequel aurait financé, plus tard, les attentats djihadistes en métropole. De même, l’Hexagone a dû fermer, en avril 2013, le siège de son ambassade à Damas, croyant naïvement à la chute imminente du régime bâassiste. Encore un faux pronostic et une grosse bourde de la part de l’Élysée. Conséquence: toutes les portes à même de mener à une médiation française dans le conflit syrien ont été bloquées. Et le comble, en cette même année 2013, François Hollande a subi, en chef de guerre, un double revers diplomatique. N’ayant pas, vraisemblablement, vu le coup fatal venir de son propre camp lorsqu'il s'est mis à battre le rappel des troupes pour une intervention musclée anti-Assad, il aurait mal digéré le désistement d'Obama à la dernière minute. Celui-ci, davantage tourné à la région de l'Asie-pacifique, aurait négligé le Moyen-Orient depuis son fameux discours du Caire de 2009, du moins sur le plan militaire. En effet, le retrait américain de l'Irak en 2010 a déjà été vu par de nombreux connaisseurs comme trop précipité et, peut-être même, à l'origine de la montée en force de cette nébuleuse de l'Etat Islamique. De toute façon, la volte-face de la maison blanche a sérieusement terni l'image de F. Hollande à l'intérieur et l'a relativement rabaissé à l'international, notamment aux yeux des autres nations européennes. En optant pour des choix précipités et unilatéraux, la France s'est, de toute évidence, laissée effacer graduellement de la scène, perdant aussi bien son poids historique que géostratégique au Moyen-Orient en général et, plus particulièrement, en Syrie. Pour preuve, en 2015, une première dans les annales, elle n'était pas invitée à «la Conférence de Genève sur la Syrie» alors qu'elle fut de par le passé la puissance mandataire sur ce pays-là jusqu'en 1946! Pourquoi la France a-t-elle reculé? La réponse est, sans aucun doute, dans l'autre versant du miroir, c'est-à-dire, le charisme, la sagacité et l'interventionnisme raisonné de V. Poutine qui se pose en interlocuteur incontournable face aux Américains.

Par ailleurs, on peut bien constater rétrospectivement, comme dans le cas de la Syrie actuelle qui recourt souvent aux Russes, que le Arabes n'ont jamais été autonomes, c'est-à-dire qu'ils n'ont jamais pu se débarrasser des puissances colonisatrices ou mandataires que par le recours à d'autres puissances. En voulant sortir du giron ottoman pendant la première guerre mondiale (1914-1918), ils ont fait appel aux Anglais et aux Français. En 1941, ils ont sollicité l'aide des Italiens et des Allemands pour se sauver de ces mêmes Anglais et Français, terrible! Et puis, enfin, au lendemain de la seconde guerre mondiale (1939-1945), la majorité d'entre eux se sont alliés soit avec les Russes, soit avec les Américains, échouant dans leur tentative désespérée de constituer un bloc à part. Mais pourquoi ces Arabes-là comptent-ils toujours sur les autres? Est-ce un caractère historique, anthropologique, héréditaire ou simplement dû à la défaite de leurs élites et de leurs politiques? On n'en sait rien à vrai dire. Reste, pour en revenir au sujet, ce mystérieux Erdogan qui n'y est pas allé de main-morte. Son chantage à l'Union Européenne sur la question des migrants dévoile une partie de ses cartes dans ce jeu de Poker moyen-oriental. En difficulté économique, la Turquie se recycle à son avantage dans cette crise syrienne. Et voyant que son pouvoir s'érode face à la contestation populaire grandissante, Erdogan, très calculateur, essaie d'asseoir son autoritarisme à la faveur du coup d'Etat manqué du mois de juillet dernier et aussi par ses tentatives répétées de changer la constitution pour consacrer la présidentialisation du régime. Du coup, deux pistes ou «avantages» s'ouvrent à lui. Premièrement, il lui sera facile de venir à bout, tant que la société turque s'islamise de plus en plus, de son opposition kurde et alevi afin de pousser, dans un premier temps, ces minorités résistantes à l'exil, puis, repeupler les zones qu'elles ont abandonnées par les masses de réfugiés syriens.

Le second avantage étant que, politiquement éliminée, l'armée turque, du reste mal vue de la part des chancelleries occidentales à cause de son penchant immodéré pour les pronunciamientos et les coups de force, ne peut jamais ressurgir de nouveau en tant qu'interlocutrice ou représentante officielle de la volonté populaire. En plus, affaiblis par le soutien actif des Américains à Erdogan, les militaires turcs ne trouvent guère grâce aux yeux de la société civile, les masses populaires, les médias, etc. Ces derniers voient en eux, la fausse incarnation du Kémalisme ou de la laïcité, sinon, le vrai visage de la corruption et des magouilles.

Encore un coup gagnant pour Erdogan. Ce dernier, après avoir marginalisé Abdullah Gül, son rival du parti de la justice et du développement et réduit au silence la confrérie de Fethullah Gülen, s'apprête maintenant à la dernière étape : "le forcing syrien". Mais là, il s'est rétracté par rapport à ses premières positions radicalement anti-Assad ! Récemment encore, soit le 10 juillet dernier, son Premier ministre aurait souhaité une normalisation de l'axe Ankara-Damas-Moscou. Le gouvernement turc s'est même fendu d'une lettre d'excuses au Kremlin pour l'avion russe abattu le 24 novembre 2015 par les forces turques à la frontière turco-syrienne. Va-t-on vers une alliance du type : Damas-Ankara-Téhéran-Moscou ? Ou ce n'est que de l'union conjoncturelle rien que pour déranger les Occidentaux, très critiques envers les mesures que Erdogan aurait prises contre ses comploteurs ? Et la Syrie dans tout ça ?

Sortira-t-elle du piège tendu par les grandes puissances ou en restera-t-elle, pour longtemps l'enjeu, sinon la proie ? Wait and see.

Kamal Guerroua

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13 septembre 2016 2 13 /09 /septembre /2016 09:49
L'Algérie ne va pas si mal

C'est la rentrée. Il faut être positif, il faut avoir la pêche et arrêter de se plaindre. Après tout, l'Algérie ne va pas si mal.

Positiver. Il faut positiver. Regarder le verre à moi tié plein, plutôt que le verre à moitié vide. Parler des médailles de Toufik Makhloufi, plutôt que de la polémique qu'il a provoquée.

Evoquer, à longueur d'année, ces plaies de l'Algérie que sont la corruption, la mauvaise gestion et les gaspillages, n'est pas très productif. Ça peut même participer à une sorte d'œuvre de démoralisation collective. Ressasser, chaque semaine, ces défaillances qui s'apparentent à des crimes, rappeler ces échecs répétés dont personne ne veut tirer les leçons, insister, dans chaque écrit, ces solutions qui font consensus mais qu'aucune institution, ni aucun responsable, n'ose engager, revenir chaque semaines sur ces situations absurdes, comme celle d'un chef d'Etat totalement absent : tout cela ne mène nulle part. Ça démoralise, ça relève d'un nihilisme destructeur, et ça ne règle rien, dit-on.

D'autant plus que de belles choses se font dans le pays. Pourquoi ne pas les voir ? Pourquoi ne pas évoquer cet immense effort dans le domaine du logement, qui serait sur le point de débarrasser l'Algérie de ses bidonvilles ?

Pourquoi évoquer la baisse alarmante de la production de céréales, et oublier que le pays produit tellement de pomme de terre qu'il ne sait plus quoi en faire?

Pourquoi insister sur un conseil des ministres qui ne se réunit pas et oublier que le pays est doté d'un parlement parmi les plus marqués par la présence de femmes, même si leur présence demeure symbolique ?

Stabilité

Et puis, dit-on, même à michemin de ce pénible quatrième mandat, l'Algérie reste relativement stable, avec une sécurité largement assurée, dit-on. Parmi les pays qui, entre les années 1960 et la fin de la guerre froide, ont refusé de se mettre sous la bannière des Etats-Unis, l'Algérie est le seul pays à ne pas avoir sombré. Libye, Irak, Syrie, Yémen et Palestine sont à genoux, sur le point d'être démembrés. Mais l'Algérie résiste. Elle a tenu le coup, elle a passé le cap le plus difficile, elle aurait simplement besoin de temps pour se reconstruire. Elle fait des choses immenses dans de nombreux domaines. Tiens, prenez le secteur automobile : l'Algérie est déjà en train de lancer la base d'une industrie locale, elle a divisé par quatre ses importations de véhicules. Elle s'apprête même à lancer un nouveau modèle économique, selon M. Sellal.

En admettant qu'il s'agisse là de prouesses -les économistes vont sourire en évoquant le nouveau modèle économique-, il faudrait rappeler deux évidences : d'abord, un dirigeant qui accomplit une œuvre positive n'a pas à être félicité. Il aura simplement « fait le job », ou, au mieux, il accomplit une promesse électorale. Il en sera remercié lors de l'élection suivante, si élection il y a.

Ensuite, l'expérience récente du pays a montré qu'un pays n'est pas riche seulement de son industrie et de ses usines, encore moins de son pétrole; il est riche par le savoir, par ses institutions, et par les règles en vigueur dans le pays, des règles auxquelles tout le monde est soumis, du chef de l'Etat au chômeur. Et en Algérie, c'est précisément l'échec institutionnel et moral qui devient la principale source d'inquiétude.

Paralysie des institutions

Sur ce terrain, l'affaire Dounia Parc a encore montré le gouffre dans lequel était plongé le pays. Un ministre de la république révèle une grave affaire de détournement dans la gestion d'un bien public. Quelles que soient les raisons qui l'ont poussé à faire ces révélations, il a cité des faits, énuméré des actes commis dans des lieux précis, donné des chiffres.

Dans n'importe quel pays au monde, les déclarations de M. Abdelwahab Nouri auraient déclenché des procédures connues : dépôt de plainte, enquête judiciaire, une multitude d'enquêtes journalistiques pour savoir qui a accordé quelle faveur à qui, enfreignant quelle loi, provoquant quel préjudice à la collectivité. Quelles ont été les réactions en Algérie? Le ministre de la justice Tayeb Louh a suggéré à M. Nouri de s'adresser à la justice! Le premier ministre Abdelmalek Sellal est allé plus loin, minimisant l'affaire et la réduisant à une simple erreur rapidement réparée. « L'erreur est réparée. On n'en parle plus », affirme M. Sellal, dont les propos ont été rapportés par la presse. Cette affaire « n'en est pas une», dit-il.

Non sens

Résumons-nous : dans un pays où le président est absent, l'exécutif s'est exprimé en ordre dispersé, provoquant une véritable cacophonie. Le législatif a gardé le silence, comme toujours. La justice n'a pas bougé. La presse, incapable d'enquêter, se rend compte de son impuissance et de la vanité de sa liberté. Circulez, il n'y a rien à voir. Le dossier est clos.

Ni les trois pouvoirs conventionnels, ni le prétentieux quatrième pouvoir, n'ont influé sur le cours des évènements, alors qu'il s'agit d'un « scandale », d'un « crime », selon les termes d'un ministre en exercice. Résultat : la défiance des citoyens envers le pouvoir, qu'on croyait arrivée à son paroxysme, a encore de la marge. Non seulement le citoyen n'a plus confiance, mais il constate que ceux qui sont chargés de gérer les affaires du pays ne font rien. Face à l'adversité, il encaisse, il contient sa colère, jusqu'au moment où il a l'opportunité d'exploser. Cela débouche sur l'absurde : à Annaba, des habitants en colère ont brûlé un train, après qu'un passant ait été happé par la locomotive, selon des informations de presse.

Comment positiver quand le non sens atteint cette ampleur?

par Abed Charef

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2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 11:43
Portrait de la petite Nihal

Portrait de la petite Nihal

Dans les Etats modérés, l'amour de la patrie, la honte, la crainte du blâme sont des motifs réprimants qui peuvent arrêter bien des crimes. La plus grande peine d'une mauvaise action sera d'en être convaincu.

Les lois civiles y corrigeront donc plus aisément et n'auront pas besoin de tant de force.

Dans ces Etats, un bon législateur s'attachera moins à punir les crimes, qu'à les prévenir.

Il s'appliquera plus à donner des mœurs qu'à infliger des supplices.»

Montesquieu «De l'Esprit des Lois»

Je considère que discourir sur la légitimité de la peine de mort appréhendée uniquement sous le prisme de la Peine/Rétribution selon une vision Kantienne irréductible (1) ne fera qu'alimenter un faux débat si nos efforts se réduisent à mettre uniquement en place des opérations de lynchage ponctuel et de show juridico-médiatique sans prospecter les autres moyens qui consistent à disséquer le phénomène criminel dans toute sa complexité. De toutes les manières il y aura toujours sur une rive les fervents zélateurs de l'éradication, prompts à abattre le criminel, ce microbe social à l'égard duquel l'unique traitement demeure une exérèse salutaire qui servira l'ensemble du corps social et sur l'autre rive les abolitionnistes, détracteurs d'une méthode jugée aussi barbare que le forfait lui-même.

Car, en fin de compte, quelle que soit la nature du châtiment, aussi impitoyable soit-il, ou aussi charitable et humain, rien ne pourra ressusciter ou se substituer à ces êtres chers que ce destin funeste fauche et dérobe de la manière la plus insoutenable.

Je suis plus intransigeant que ceux qui prônent la peine de mort, j'aurais voulu que le temps s'arrête, que je fasse un saut dans le passé, que je remonte le temps afin de scruter les cieux et anticiper ces coups meurtriers, lâches et invisibles qui dévalent de l'obscurité et de l'inconnu ; j'aurais fait en sorte que le crime ne survienne jamais, me balader dans le temps, utiliser cette préscience d'Al-Khidr (mentor de Moïse), et ainsi me délecter à zigouiller tous ces meurtriers avant qu'ils ne passent à l'acte. J'aurai voulu jouer au remake du film «Minority Report» et neutraliser le criminel avant que lui-même ne songe à commettre son crime.

Vaine utopie et vœux absurdes ! Des sociétés pareilles ne peuvent exister. Notre cher sociologue Durkheim chômera dans un monde aussi prévisible et formaté à volonté. Une société sans crime est tout simplement inconcevable et anormale.

Le véritable enjeu c'est de s'ingénier à rendre la sanction et la peine profitables et utiles pour l'ensemble de la société, en tout temps et en tout lieu, une sanction qui à la fois punira le délinquant, réparera le tort porté à notre conscience collective outragée, vengera le mal causé aux victimes, apaisera le chagrin des familles, empêchera ces mêmes monstruosités d'endeuiller d'autres familles, et par la même occasion amendera le délinquant pour en faire un citoyen vertueux sinon peu enclin à récidiver.

Puisque désormais le crime est unanimement considéré comme un phénomène normal et constitutif de toute société saine. Dans la mesure où sa définition même demeure étroitement liée à son pouvoir d'«offenser les états forts et définis de la conscience collective» (2) laquelle se hâtera à son tour de réclamer impérieusement des réparations immédiates par le biais d'un châtiment, on ne peut dès lors empêcher que cette même «conscience collective offensée» ne vienne revendiquer à tout moment le droit de mettre en œuvre les mesures qu'elle juge appropriées afin de juguler ce mal ontologiquement inévitable. Ainsi, la peine de mort fait donc partie de ces ripostes, de ces postulats, de ces alternatives, de ces échappatoires ultimes et fort regrettables, et notamment lorsque le crime déborde de sa «normalité» tolérable et gérable pour devenir malsain et «pathologique» selon les critères d'une société algérienne qui dans sa mue chaotique se réveille chaque jour malmenée par des faits inédits et étrangers à ses pseudos-traditions qui se trouvent menacées par un mode de subsistance de type nouveau, universel, pour lequel nous avons opté sans discernement et qui implique forcément en retour une anomie manifeste, certainement inattendue mais totalement prévisible et inéluctable. (Criminalité, Divorce, Toxicomanie, suicide, avortement, violences en milieu scolaire, prostitution, rackets, kidnapping, harcèlements sexuels, Harragas, Hécatombes dus aux accidents de la route…)

La société algérienne a insidieusement subi des bouleversements assez significatifs qui ne manqueront pas de charrier immanquablement toutes sortes de phénomènes qui nous paraissent aujourd'hui insolites, pathologiques, voire «sacrilèges» selon les codes sacrés d'une société traditionnelle qui découvre impuissante et éberluée ses valeurs ancestrales brutalement bafouées.

Alors que d'un point de vue sociologique, nous ne faisons que vivre allégrement des expériences tout à fait ordinaires car communes à d'autres sociétés, et subir les mêmes scénarios auxquels, à un certain moment de leur histoire, toutes les autres sociétés ont été confrontées

Les choix que nous jugeons légitimes dictés implacablement par l'émotion instantanée sont-ils toujours et absolument efficaces ou faut-il sereinement envisager d'autres mesures mieux conçues, globales et pérennes ?

Toutes les études tendent à démontrer que la peine de mort ne possède aucun effet dissuasif probant pour qu'elle puisse constituer la panacée juridique.

La peine de mort a été abolie au Canada depuis 1976, et aussi bizarre et inattendu, le nombre d'assassinats a diminué avec un taux d'homicide qui demeure plus d'un tiers inférieur à ce qu'il était en 1976. Aux États-Unis, en revanche, le taux d'homicide est plus élevé dans les États qui pratiquent l'exécution capitale que dans ceux qui y ont renoncé. Suite à des études comparatives sur les taux d'homicides à Hong Kong, où la peine de mort est abolie, et à Singapour, qui compte à peu près le même nombre d'habitants et où la peine de mort est toujours en vigueur, Il en ressort que la peine de mort n'a guère eu d'impact sur le taux de criminalité.

Bien évidemment, rien n'est irréversible, et c'est toujours cette même «conscience collective outragée» qui détermine la nature de la peine.

Une dizaine d'années après que le Canada paraissait avoir définitivement tourné le dos à la peine capitale, en 1987, la question de rétablir la peine de mort sera votée dans la Chambre des communes, les résultats( 148 voix contre 127 de ne pas relégaliser la peine capitale ) démontrent que le débat entourant la peine de mort au Canada est loin d'être clos et dénote une certaine ambivalence du gouvernement dans ce dossier qui divise encore l'opinion publique dont une partie assez importante n'a jamais cessé de croire aux vertus de ce châtiment suprême. (63 % des Canadiens -58 % des Québécois- se disent en faveur de la peine de mort)

Dans l'état actuel des choses, en Algérie, Il serait toutefois totalement malhonnête et irresponsable de répondre aux sollicitations pressantes d'un affect exacerbé sans prendre le soin d'étudier les mécanismes étiologiques complexes qui déterminent le phénomène criminel dans toute sa complexité Cette colère et vindicte populaire surchauffées par une hypermédiatisation des réseaux sociaux et autres mass-médias en mal de scoop, risque de se limiter à un simple désir de lynchage qui fera dans l'immédiat office d'un neuroleptique, succédané à effet symptomatique éphémère qui réparera sans doute ponctuellement cette «offense ignoble porté à notre conscience collective». Mais dans ces conditions nous ne pourrons jamais tirer les enseignements nécessaires, à commencer par prendre conscience que nous récoltons toujours les criminels que nous méritons. Se venger de manière sommaire et expéditive, c'est se refuser cette opportunité à une introspection fondatrice d'un ordre nouveau.

Une introspection qui commencera par pointer du doigt nos responsabilités respectives ainsi que nos défaillances.

Il serait aussi contre-productif, dans la lutte contre le crime et de toutes les autres formes de déviance, de prôner une politique pénale exclusivement «rétributive» et dont l'effet dissuasif restera à démontrer lorsqu'il n'est pas souvent quasi nul.

Le système pénal a été depuis plus de trois siècles fécondé par une pensée pénologique profuse, controversée mais surtout assez enrichissante car ouverte à tous les compromis et négociations possibles afin de répondre à toutes les sollicitations. C'est au moyen de cette synthèse élaborée et tirée des enseignements des écoles pénales diverses que la justice pénale moderne essaye de traiter et circonscrire le phénomène criminel.

Le crime est multiple, imprévisible, multiforme, volubile, dynamique ; une entité vivante et qui se régénère à l'infini. En appliquant la peine de mort, vous exécuterez certainement le criminel, toujours un seul criminel à la fois et ponctuellement mais sans pour autant mettre fin au crime en tant que fait social, humain et immémorial.

Nous devons en permanence combiner, échafauder des stratagèmes, antédelictum et à la mesure de nos aberrations sociales.

Tout le monde a pu se souvenir de la quiétude et la situation sécuritaire qui prévalait à l'époque du président Boumediene. Cette quiétude n'était pas forcément due au caractère répressif de l'Etat mais à la crainte que suscitait dans notre conscience collective le pouvoir répressif de l'Etat, une force coercitive et dissuasive omniprésente qui monopolise les espaces et les consciences. Le célèbre philosophe et criminaliste Cesare Beccaria avait évoqué cette notion de l'utilité et de l'efficacité de la promptitude du châtiment nous dévoilant par là que c'est dans l'esprit humain qu'il faut injecter des injonctions subliminales : «moins il s'écoule de temps entre l' action et le supplice qu'elle a mérité, plus s'unissent dans l'esprit, d'une manière ineffaçable, ces deux idées : crime et châtiment, de sorte qu' il considère insensiblement la punition comme un effet certain et inséparable de sa cause. Il est démontré que l'union des idées est le ciment qui lie tout l'édifice de l'entendement humain.»(3)

Nous devons utiliser notre colère et notre intelligence non pas pour réagir et punir de manière théâtrale le crime une fois perpétré mais davantage pour empêcher sa reproduction et sa propagation de manière exponentielle.

Si toute la panoplie de nos châtiments ne servira en fin de compte qu'à rendre pour un moment les corps dociles, l'échec est déjà au seuil de nos institutions et le crime sera toujours prospère.

La société, dans toutes ses composantes (Familiale, religieuse, juridique, politique, répressive) doit en permanence jauger minutieusement les effets de sa politique pénale afin de parer au moment opportun à tout dysfonctionnement néfaste pour le corps social ; chose qui nous incite d'ailleurs, à l'instar de tous les autres pays, à revisiter cette problématique séculaire qui est à la source de toutes nos lois : Quel sens et quelle forme donner à la peine ?

Même si notre égo ou notre abyssale et complaisante ignorance nous fait penser le contraire, la réalité nous indique hélas que nous sommes très loin de nous acquitter convenablement et de la manière la plus rationnelle et objective de toutes les taches qui nous incombent : La prise en charge de notre jeunesse. L'éducation de nos enfants. L'exercice intégral de notre citoyenneté. La préservation de notre concitoyenneté. La consolidation et l'affranchissement du système judiciaire. L'édification d'un système scolaire mis à l'abri de ces pratiques moyenâgeuses qu'il nous a été donné de voir, spectacle affligeant où comme toujours ni le progrès, ni la science, ni le futur ne semblent préoccuper nos apprentis sorciers en lice. La mise en pratique de notre religiosité dans un monde multiple qui impose une coexistence d'idées et de valeurs diverses sous les auspices d'une intelligence commune, pacifique et fédératrice, juste et éclairée. L'urgence d'une économie libérée, sensée et intelligente tributaire d'une intelligence économique gérée par des génies créateurs et non pas par de mauvais génies.

«L'exigence de la justice a sa racine dans l'affirmation radicale que l'autre vaut en face de moi, que ses besoins valent comme les miens.» (4)

Cette exigence de la justice, implique inconditionnellement que nous concevions notre vivre ensemble selon la fameuse formule Kantienne : «Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen».

Références :

1- Emmanuel. Kant, Métaphysique des mœurs, Doctrine du droit (1796)

Pour Kant, La peine est tournée vers le passé, vers l'acte commis. Elle a une fonction d'expiation et beaucoup moins de dissuasion. Se justifiant par elle-même sans aucun autre but que celui de punir et préserver une certaine notion d'une justice implacable et étonnante «La loi pénale est un impératif catégorique, et malheur à celui qui se glisse dans les sentiers tortueux de la doctrine du bonheur pour y trouver quelque avantage dont l'espérance dissipe à ses yeux l'idée de la punition, ou seulement l'atténue… car, quand la justice disparaît, il n'y a plus rien qui puisse donner une valeur à la vie des hommes sur la terre»

Il y a probablement des vertus cachées dans la rigueur de ce dogme. On retrouve cette même intransigeance dans le texte coranique «La loi du talion constitue pour vous une garantie de vie, ô gens doués d'intelligence. Peut-être finirez-vous ainsi par craindre Dieu.» (Al-Baqara-180)

On peut remarquer cette similitude dans les textes qui met en lumière cette indissociable et essentielle relation entre l'exigence d'exécuter la loi et la préservation de la vie (société – ordre – harmonie – paix - sécurité…)

2- É. Durkheim «Définitions du crime et fonction du châtiment» (1893)

3- C. Beccaria, «Des délits et des peines» (1765)

4- P. Ricoeur, Philosophie de la volonté

par Mohamed Mazouzi, universitaire

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2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 11:38
Nabil Farès vient de décéder à la fin du mois d'août.

Nabil Farès vient de décéder à la fin du mois d'août.

Dans cet entretien, Nabile Farès parle des réalités "ogressales" de l'Algérie contemporaine. Avec "Il était une fois l'Algérie" (Ed. Achab, 2010), le héros, journaliste, comme dans La mort de Salah Bey ou la vie obscure d'un maghrébin (L'Harmattan, 1980) est en quête de vérité. La disparition de Selma enlevée par les terroristes est aussi celle d'une Algérie "oubliée".

Il était une fois, l’Algérie comprend deux écritures : celle du conte (merveilleux) et celle d’une chronique politique (fantastique). Comment s’emboîtent-elles ?

Je vous avoue que cela été très difficile, aussi difficile de vivre ce que les Algériennes et les Algériens ont vécu. Dans ce récit, j’ai essayé de concilier un monde qui peut être merveilleux pour les enfants, ce dont ils rêvent, et, une histoire qui remet en cause ce rêve merveilleux et les projette dans une tragédie que l’on peut dire historique et politique en même temps. Politique : pour autant que cela fait un certain nombre d’années, qui comptent beaucoup pour les générations actuelles et antérieures, que ce conte d’indépendance qui aurait pu être merveilleux s’échoue comme une tragédie qui touche absolument toutes les générations. Nous tenons au conte merveilleux dans la façon dont on raconte aux enfants les premières histoires pour les amener à penser, à réfléchir, même si ces contes merveilleux ont des parcours et des tragédies comme celles des ogres et des ogresses par exemple. Mais, quand, dans le monde que l’on vit, des personnes que l’on côtoie qui sont des humains se comportent comme des ogres, il y a quelque chose qui bascule. Alors, le monde, au lieu d’être un monde merveilleux, devient fantastique, c'est-à-dire, imprégné par la mort, la délectation de la mort, la jouissance dans la mort donnée. C’est cela le fantastique, l’horreur descendue dans le monde, de la même façon que l’horreur nazie, les tueries nazies, les camps, les tueries coloniales sont des productions, des mises en scènes que l’on peut aisément mettre au compte du fantastique : la délectation de l’horreur. Slimane Driif, le personnage journaliste et Linda, sa compagne interrogent l’exil, leur exil actuel. Ce sont deux personnages du merveilleux tandis que les personnages qui tuent sont des personnes du fantastique. C’est-à-dire qu’ils sont devenus des ogres. Ils se sont mis la tête en l’air. De plus, ils croient bien faire… Ce qui est un comble.

Les ogres des contes et ceux de la tragédie de l’Algérie contemporaine habitent les mêmes lieux. N’y a-t-il plus de barrières entre les deux ?

Oui, dans les mêmes lieux puisqu’il n’y a pas un lieu en Algérie qui n’ait pas connu les tragédies de la guerre, de la souffrance, des viols, des tortures dans lesquelles, on peut dire, les générations se sont faites. Slimane Driif, mon personnage journaliste, qui doit faire des chroniques du réel, de l’Histoire qui l’a tellement percuté, n’arrive plus à avoir des façons de dire. Il est travaillé par le comment pouvoir écrire, le comment pouvoir dire puisque ce qui l’a touché a mis en cause toutes ses facultés. Comment raconter au jour le jour ce qui a pu se passer pour lui et pour les autres personnages.

Pourquoi Slimane Driif hésite de voir dans les ogres un visage humain ?

Il avait pensé que ces personnages n’existaient que dans les contes mais, tout d’un coup, c’était comme si la barrière des contes avait été franchie et que ces personnages étaient tombés dans la réalité, dans la " ghaba ", la forêt des hommes qui tuent. Ceux-là sont des êtres très avides. L’Algérie est un lieu où il y a de très grands prédateurs, c’est en quoi elle participe, elle aussi, de cette mondialisation financière qui construit de la pauvreté, le mépris et abrase le monde.

Vous dites que "c’est une réalité ogressale"…

Ça dévore. C’est tamacahut à l’envers. Même les enfants ne peuvent plus dormir, on ne peut plus les endormir. C’est ce qui se passe actuellement parce que ces nouvelles générations qui ont vécu cela tout petit disons à partir de 1992, ou nés à ce moment là, qu’est-ce qui leur a été permis dans la rencontre avec la réalité de leur pays dont l’ idéologie, disons gouvernementale, ne cesse de leur dire qu’ il ne faut pas partir de ce pays parce que c’est le meilleur pays du monde. S’il n’y avait pas cette idéologie, et qu’on pouvait dire le pire dans lequel ces jeunes d’aujourd’hui sont nés, à ce moment-là, tout le monde serait d’accord !

Tous les personnages du récit, Slimane Driif, le journaliste, Selma, l’enseignante de français, qui a échappé à une tuerie dans son école, Tania, sa fille, qui a vu… livrent comme dans un délire leurs traumatismes à une psychothérapeute…

C’est ce qui s’est passé un certain moment. On essayait pour les enfants qui avaient vécu ces histoires-là de les prendre en thérapie pour tenter de comprendre ce qui s’était passé. Mais cela s’est révélé difficile : les enfants ont vu mais ne veulent pas raconter. Ils ne veulent pas non plus être doublement victimes par rapport à ce qu’ils raconteraient car ils permettraient d’identifier les personnes qui ont fait cela. C’est pourquoi le mutisme de cette petite Tania qui précisément a vu et dépassée par ce qu’elle a vécu, vu, entendu, et, ne veut plus rien dire. C’est un récit qui se passe quelques années plus tard, après les faits ; d’où cette rencontre avec une psychothérapeute qui essaie de comprendre, à travers les métaphores, ce que raconte cette petite Tania, de temps en temps. Or, même si elle ne parle pas, le pays parle pour elle, en elle. C’est pourquoi, il y a plusieurs narrateurs. C’est le pays qui parle à travers Tania.

Il y a plusieurs "je" dans le texte. Plusieurs paroles ou plusieurs témoins de la tragédie ?

Ils ne sont que des médiateurs d’un pays qui est tombé dans la clandestinité et qui, à chaque fois, est à la recherche de ses paroles pour pouvoir être écouté, se faire entendre, faire entendre les différents lieux de la violence qu’a connue et connaît le pays. Car, il y a quand même des événements que le lecteur peut repérer historiquement et qui ponctue ce récit. Mais, à quel moment le récit narratif, on pourrait dire du pays, s’est fourvoyé ? Eh bien, on pourrait dire, à partir du moment où l’origine de la narration a été faussée. L’Algérie est un pays qui à travers ses romans, ses histoires, je ne parle pas simplement de mes romans, de mes poèmes, est un pays qui, à travers ses médiateurs, personnages, écrivains, romanciers, poètes, est en quête de la vérité, parti à la recherche de la condition de sa vérité. D’une vérité qui a été faussée par le discours politique né après, si l’on veut, l’indépendance ; un discours politique qui masque les sources de sa volonté prédatrice. Si l’on avait voulu construire un pays où les personnes qui le composent, le composaient , devaient vivre ensemble selon des modalités moins inégalitaires et plus solidaires, je pense qu’on se serait pris autrement. Non, le modèle, motif était de prendre, et, de prendre de plus en plus, jusqu’à faire de plus de la moitié des algériennes et des algériens des êtres à la recherche de leurs conditions et possibilités de vivre.

Comment lire cette opposition entre "le pays" vs le "là-bas" ?

Beaucoup de personnes ont vécu cette violence qui a fait exploser la possibilité de dire dans le lieu même où on est quelque chose. Le «Là - bas», c’est l’ailleurs qui permet d’exister ; c’est le lieu à partir duquel on peut interroger tous les disparus en quelque sorte. C’est ce lieu qui demeure malgré la violence, la tentative d’effacement des disparitions ; ce qui a été remarquable pendant toute cette période des années 1990, eh bien, c’est que les personnes meurtries ont réinventé de la sépulture pour les leurs, victimes de la barbarie, même lorsque les corps étaient découpés en morceaux– c’est pas de la folie meurtrière cela ! ; ces actes n’ont rien à voir avec quelque religion que ce soit, idéologie que ce soit, islam que ce soit, c’est du pur désir meurtrier devenu fou. Alors, des actes comme ceux-ci peuvent exploser, pendant un temps, dans la tête de quelqu’un, comme dans celle de Slimane Driif …

Vous allez à la racine du mal. Par ce mot terrible "hogra" comment garder sa vérité psychique, ne pas être déboussolé ?

On peut commencer par cette question : qu’est ce qui s’est passé dans la pensée pour que de tels actes aient pu être commis, aient pu passer pour autre chose que des meurtres ? Qu’est-ce qui de la pensée a été touché ? Et, plus amplement qu’est-ce qui du rapport à soi et à l’autre, autrui, enfant, femme, adulte, a été touché ? Il s’agit d’un défaut de pensée, c’est à dire du rapport à la vérité. Et quand cela se produit, tous les maléfices peuvent survenir …
Si, dans le politique, il y a une usurpation de la vérité, à ce moment-là, le pays qui vit cette fausseté peut aller très mal, exploser, puisqu’ il est construit, non sur une erreur ou un mensonge, mais sur une fausseté. Il déforme et les personnes marchent sur la tête. C’est comme dans les carnavals d’antan où on mettait la panse sur la tête. Au lieu de vraiment penser, on a l’estomac à la place. Slimane Driif tente de préserver en lui une vérité de penser qui correspond pour lui à sa capacité de se maintenir en vie…

"Evénements", "groupes armés", "prédicateurs" : vous réfutez ces termes et vous n’employez pas du tout le mot "terroriste". Pour quels motifs ?

Je ne réfute pas ces termes, je montre que, justement dans ce rapport à la vérité, ce sont les mots qui sont touchés et viennent masquer les délires et désirs de meurtres et de prédations. Ce qui m’a beaucoup touché dans cette histoire était que ces mots étaient des mots anciens qu’on entendait pendant la guerre d’indépendance, anti-coloniale, en Algérie. Ce sont ces mêmes mots qui ont réapparu pour dire ce qui se passait en ces années 1990. Donc, il n’ y avait même pas un nouveau langage auquel on pouvait se raccrocher. Et le travail de Slimane Driif, le journaliste, - c’est pour cela qu’il est très perturbé - consiste à pouvoir raconter cela tout à fait autrement. Il ne le peut pas, d’ailleurs. Il faut que ce soit les gens, les autres qui racontent.

Ce sont les djinns, les spectres qui le font !

C’est-à-dire ceux auxquels on n’a jamais pensé. C’est comme dans le conte repris par Idir. Tamachahut ; "on va faire entendre le conte". Tout d’un coup, la créature tape à la porte et dit "la vérité, elle est où ?" Ténèbres, gris, noir, il y a tous les mots pour la dire. C’est une histoire encore sans vérité.

Et ce mot "terroriste" ?

C’est tellement un terme galvaudé. C’est plus que des terroristes. Ce sont des personnes qui ont une application de la terreur. Ce n’est pas une personne qui s’engage et qui met une bombe. C’est vraiment des gens qui ont décidé de…construire dans la terreur. On a entendu un ministre dire " la terreur a changé de camp" comme si ce pays devait être gouverné toujours par la terreur.

Dans ce récit, y a-t-il un télescopage de générations au sens psychanalytique de l’expression?

Oui, ces générations actuelles sont en quête de vérité ; une vérité qui leur a été cachée, surtout à partir de cet assassinat dont je parle qui est celui de Mohamed Khemisti, je parle d’un assassinat commis moins d’ une année après la date de l’indépendance de l’Algérie, à qui a profité ce crime ? C’est comme si l’Algérie avait été bâtie sur ce meurtre, sur un acte impossible à dire, un manque de vérité qui l’empêche de vivre autrement que dans la fausseté. Or, pour vivre, il faut de la vérité, du futur et quand on a entendu des slogans tels que celui-ci "Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts", quand il y a un pays qui est traversé par des personnes qui partent, qu’on appelle des haragas, qui partent parce qu’ ils n’ont plus d’espoir même dans la tête, alors il est facile de constater ce que ce pouvoir a fait de 1962 à aujourd’hui. Personne d’autres n’a été au pouvoir, toutes les générations sont à l’intérieur même du pouvoir, Celles qui n’y ont pas été ont été labourées au fur et à mesure dans leur famille, leur ville, village, travail, et surtout dans leurs espoirs.

Vous écrivez : "Pourquoi avoir mis tous ces enfants au monde si c’est pour les tuer par la suite ?". Qui se pose cette question?

C’est une interrogation qu’on peut avoir. Pas du côté des gens du peuple. Que pourrait avoir le pouvoir. C’est comme si, tout d’un coup, ce pouvoir n’avait pas pensé que les Algériens allaient s’exprimer à travers ses générations et les enfants qu’ils feraient. C’est à peu prés la même question pour les enfants d’émigrés en Europe. Les pays qui les ont exploités n’ont jamais pensé que ces générations d’expatriés s’aimeraient, se marieraient un jour, feraient des enfants, demanderaient à vivre. Du côté des pays européens, ce n’est peut-être pas du mépris, c’est de l’oubli radical. De la violence radicale. Mais, du côté de chez nous, il y a quelque chose qui demeure d’une structure féodale de pensée, un héritage de la féodalité qui fait que les personnes qui sont sans pouvoir sont à la merci, à l’allégeance du pouvoir. On travaille pour "lui", pour "eux", et "qui êtes-vous, d’abord ?". Rompre cette servitude est pensé comme un acte de lèse majesté. Et, d’abord, pourrait-on dire, "qui t’a fait roi ? "Dans cette situation de violence, le pouvoir n’a que ces mots : "Donnez-leur du travail, créez des chantiers, faites des boites de sardines…". Or, la vraie question, c’est la possibilité d’exister dans son être non pas dans son avoir. Les gens ne demandent pas d’avoir ; ils veulent être et être respectés, pas bafoués, humiliés, assiégés, trompés.

Le style du récit est saisissant. Il est composé pour l’essentiel d’énoncés énumératifs que l’on retrouve dans vos précédents romans. Est-ce une esthétique proprement farésienne ?

C’est un déferlement de mots qui ne tiennent plus, qui se baladent, envahissent la tête, auxquels il faut tout d’un coup pouvoir s’accrocher. C’est un peu tout cela le drame de Simane Driif. C’est ce qu’il vit. L’amour qu’il peut avoir pour son pays a été bafoué, empêché. On l’a transformé, non pas en haine, mais en quelque chose qu’il n’arrive plus à comprendre. Comment un tel retournement a-t-il été possible ? Voilà sa question, tellurique. C’est comme le rapport avec la mer qui, tout d’un coup, se retire à Boumerdès, lors du séisme de 2003 et la déflagration que plus personne ne comprend.

C’est la fin du second chapitre "Les grands départs" qui est la plus lisible du récit. Pourquoi ?

Oui, parce qu’il y a là une sorte de re-rencontre avec le pays qui apaise Slimane Driif, après avoir été obligé de partir pour se protéger pas comme un harraga. A ce moment il n’est plus dans les idées qui se bousculent dans sa tête. Préserver quelqu’un de sa vérité psychique est primordial. Le préserver de la haine, justement. C’est pourquoi, Slimane peut enquêter, entendre, répondre, se déplacer…Après voir été si profondément bousculé, il est pris dans un immense chagrin, d’autres appellent ça, d’un mot tellurique d’ailleurs, météorologique, une "dépression". Oui, la "tête", certaines fois, son "dedans", son "vide nécessaire" est un relief. Le texte essaie de déployer ce qui est pris dans et par cette tristesse de voir un pays parti à la dérive. C’est une géographie mentale qui aurait pu disparaître dans un puits sans fond…

Peut-on établir un lien entre "le puits" de Slimane Slimane Driif et l’outre, métaphore de Abdenouar personnage de Mémoire de l’absent ?

Le puits, c’est un mot pour dire, métaphoriquement, bien sûr, l’espace mental, qui est le puits de la vérité, mais il faut que la vérité puisse passer, tel ce personnage d’une histoire connue, qui est toujours assis devant un puits et qui regarde toujours dedans. Les caravanes qui passent en sont intriguées. A un moment, le chef de la caravane se rapproche de ce personnage toujours penché vers le puits – on sait qu’il est très important dans la traversée du désert – et lui demande pourquoi il reste ainsi, ne regardant rien alentour, ou le rien alentour, toujours penché. Le personnage répond : "J'attends que passe au-dessus le rayon de lune". Il attend le passage de la vérité. Simple allégorie : il risque d’attendre longtemps. Pour l’outre, c’est d’abord un événement très personnel. Dans la maison qu’on habitait, il y a très longtemps en Kabylie, il y avait, dans la cour, une outre de peau de chèvre noire qui m’impressionnait ; j’ai su après, bien des années plus tard, que cette outre avait du sens, qu’elle appartenait non pas seulement à la chèvre, mais aussi au langage, la thailouth, à une ample symbolique : celle qui renferme l’eau, la langue, les usages, les espoirs, les vicissitudes, les malheurs, les désirs, les volontés… c’est-à-dire les principes de la vie et de la mort ; espoir et pauvreté, tout à la fois. Tandis que, dans le puits, il y a une bagarre entre les ténèbres et la surface, surtout que, Slimane Driif, regardant dans le puits, ne trouve pas son image. Il n’y trouve que les violences qui parcourent le pays. Il n’est pas comme Narcisse. Il ne peut pas se délecter de son image. Il est obligé d’approfondir. Si on peut aller de puits en puits, l’outre, en revanche, on l’a avec soi, on peut la transporter. Ce sont deux images différentes du rapport à l’exil, à la vérité et aux marcheurs. Nous sommes de grands marcheurs. Pour aller plus loin.Les personnages qui sont dans mes livres touchent à l’enfance. Pour dire, essayer d’attirer l’attention sur ce qui arrive aux petits bonhommes ou aux petites filles qui sont chamboulés par l’histoire présente, essayer de leur donner Voix. C’est le même travail dans ce présent récit parce qu’on ne peut pas non plus faire en sorte que ces personnes qui ont vécu des disparitions n’ont pas de pensées pour leurs propres disparus. C’est ça le plus grave, faire comme si ces personnes n’avaient pas vécu ce qu’elles ont vécu.

Il était une fois, l’Algérie peut-il avoir sa place dans votre trilogie A la recherche du Nouveau Monde ?

Il peut avoir sa place parce que, à un certain moment, étant entré dans cette écriture, me méfiant de tout ce qui s’apparente à de la violence, surtout ces violences contemporaines – sachant que beaucoup et chacun peuvent trouver son compte dans la guerre, dans le massacre- je me suis mis, pour dire quelque chose qui s’écrivait, alors, en marge des pays en guerre. Une écriture de la marge qui enregistre, qui est à côté de la déflagration, tout en étant à l’intérieur de cette déflagration. Une marge pleine de remous, de solitudes, d’espoirs, d’indignations.

Il était une fois, l’Algérie dit plusieurs fois l’Algérie…

On peut le dire aussi. C’est comme dans Faulkner Il y avait une fois, deux forçats (Les Palmiers sauvages (The Wild Palms, Gallimard, 1952, qui commence par cette phrase : Il y avait une fois, deux forçats, NDLR). C’est vrai qu’il y a plusieurs fois l’Algérie mais c’était aussi comme s’il fallait garder cette pensée de «il était une fois» pour une Algérie qui a existé une fois et pour toujours. Et toutes les Algérie qui viendront seront toujours par rapport à ce conte magnifique du début qui fait a existé cette entité diverse, plurielle, à la recherche d’un nouveau sens, l’Algérie.

Votre premier roman "Yahia pas de chance" vient d’être réédité en Algérie (Ed. Achab, 2009) avec un ajout au titre initial "Un jeune homme de Kabylie". Une manière de s’identifier ?

J’ai toujours pensé à ce titre là parce que l’histoire de «Yahia pas de chance», c’est celle d’un jeune kabyle. Et puis, avec tout ce qu’on racontait sur les Kabyles, c’était une façon de dire qu’un jeune Kabyle, ça existe et a son itinéraire, son imaginaire, ses rêveries et ses façons de faire. Et comme on me pose souvent la question " Vous êtes vraiment kabyle ?", c’est donc un peu ma réponse personnelle. Je suis un Algérien et je suis kabyle, comme beaucoup de mes semblables, algériens et kabyles d’aujourd’hui.

Lecture du roman Il était une fois, l’Algérie, (conte roman fantastique) de Nabile Farès (Ed. Achab, Alger, 2010)

Au pays des Ogres

Nabile Farès vient de publier, pour la première fois en Algérie, un texte où le conte et la chronique politique se côtoient. Le pays magique des histoires pour enfants se transforme en une réalité politique «ogressale» d’une Algérie disparue...

Il était une fois, l’Algérie pénètre ou sonde les profondeurs dévastées du substrat mental de tout Algérien ( de tout citoyen du monde) tant ce qui y est dit, raconté, confié, écrit, exorcisé, révélé dans sa démesure psychique, énuméré aussi dans ses incalculables tragédies - crimes, assassinats, massacres, viols en tous genres, amoncelés, télescopés, sédimentés et sans cesse recommencés, palimpseste de l’Histoire contemporaine de l’Algérie, d’un pays, d’une terre sans pays, exsangue - se donne à lire tel un volcan de mots, de paroles en éruption. Le "Il était une fois" est le prélude à rebours des Milles et une nuit, sauvages, dans lesquelles Shéhérazade, la mythique conteuse, n’a pu sauver sa tête, coupée, tranchée, par le Roi qui ne peut se suffire de ses distractions de palais. Dans Il était une fois, l’Algérie, le conteur-narrateur est un aide-soignant dans un service d’aide psychologique, familier des récits des rescapés de l’horreur des massacres du terrorisme islamiste.

La syntaxe est abondamment énumérative, cascades d’un pays-bazar, d’un "pays qui tue" qui aligne, sur une phrase, hachée de virgules, l’assassinat du premier ministre des affaires étrangères, dans l’hémicycle de la toute jeune république de l’Algérie indépendante, Mohamed Khemisti, le massacre colonial du 8 mai 45, la tuerie du 15 mars 62, celles d’Octobre noir, du Printemps noir, de la décennie noire. Noirceurs d’une saison florale, d’années d’anéantissement, d’incendies de villages, de forêts, mépris d’hier et d’aujourd’hui : "à cause de la Hogra. Le mépris, qui mettait en danger la vie même ; mépris à l’origine, non d’une simple injustice, d’un arbitraire, mais de l’incendie des écoles, du massacre de journalistes, de femmes, d’hommes, qui faisaient d’elles, d’eux, des encore-vivantes», des «encore-vivants», des étrangères, des étrangers, dans le pays même où elles, ils, moi-même, nous-mêmes, étions nés" (p.28).

Slimane Driif, un des principaux personnages (tendre et respectueux), journaliste, revient dans son pays et rencontre Selma Bent Chaïd, enseignante de français avant qu’elle n’ait échappé à un massacre terroriste dans son école, sous le préau où deux enseignants ont été égorgés, à Blida : "La salle de classe était encore allumée, lorsqu’ILS surgirent dans la cour ; elle se souvient des phares qui éclairaient les ténèbres de cette nuit…Elle ne pouvait parler qu’à grand-peine de ce qu’elle avait vu, entendu, lors de la mise à mort qui avait eu lieu ce soir-là dans la cour et de l’enlèvement survenu le lendemain matin. J’ai vu le couple assassiné devant moi. J’ai voulu crier. Aucun son n’était sorti de ma bouche." (p.29). Elle a fui avec sa fille Tania, adolescente de quatorze ans, frappée, depuis, de mutité. Selma revient le lendemain de la tuerie à l’école d’où elle est enlevée puis emmenée dans la forêt des Ogres. Violée. Les Ogres l’ont abandonnée. Enceinte d’eux. Elle avorte d’eux aussi. Elle est recueillie dans un hôpital qu’elle quitte, où Slimane Driif, enquêtant sur les disparus, retrouve sa trace. A-t-elle disparu dans le tremblement de terre de Boumerdès où Slimane Driif est menacé de saisie de son carnet de note par un ministre en visite sur les lieux. Tant de disparus et la question des "disparus" est ici posée dans son énigme politique avant de réapparaître, dans une dimension ironique, à la fin du récit, dans les propos railleurs du gendarme, à l’adresse du journaliste qui lui montre une photo "de vie" de Selma,

Des ogres …à visage humain ?

Ils ? Qui sont-ils ? Pourquoi font- ILS peur, tuent-ILS ? Plus que de simples terroristes, ce sont des Ogres qui vénèrent un dieu de sang, «dieu mêlé à tout ce sang» (p.32), des ogres qui croient en Dieu ? Ceux qui habitent les contes ne l’évoquent pas. Ils font peur aux enfants, abaghezniw – el ghoul. Les Ogres qui vinrent, dans les ténèbres, dans cette école, assassiner un couple d’enseignants, tiennent, éveillés, les nuits d’Horreur, vraies, celles-là, les enfants à tuer, à dépecer. Alors, ils dérogent à la pédagogie du conte : ils ont peur de dormir bien que «… Des bouches d’enfants partaient à la recherche de corps, de seins qui les auraient accueillis, d’Ogresses et d’Ogres qui contrairement à leurs coutumes, les auraient nourris " (p.70) . Ici, le conte ne fait pas dormir. Il tient en éveil ; en alerte.

Dans la tête de Slimane Driif, les Ogres des contes qui soi-disant dévorent les enfants et Ceux qui ont déferlé sur l’école de Selma, qui les égorgent pour de vrai se confondent à des nuances près: "Il pensa (alors) à ces histoires d’enfances qui se répétaient, qui, aujourd’hui, le surprenaient : les mêmes morts, à peu de chair près ; dans les mêmes lieux : le village des enfants tués ! Qui est l’Ogre qui se délecte ? Non, ce ne sont ni des princes ! Ni des émirs ! Ni des… ! Ni des prédicateurs ! S’insurgeait Slimane. Ce sont des ogres. Oui, des Ogres, dit le djinn" (p.71). Nabile Farès qui a consacré des travaux de recherches universitaires sur la figure de Tériel ( l’ogresse) dans la littérature orale kabyle, joue habilement sur ce parallèle métaphorique. D’où la récurrence du mot «Ogre» sorti de son contexte d’oralité pour être accolé, intimement, aux événements, aux faits meurtriers du terrorisme islamiste comme dans cette phrase : "Le village ne s’appelle plus Tbhirin, mais le village des Ogres qui tuent." (p.47)

L’image fantastique de Ces Ogres interroge le concept de la «la banalité du mal» de Annah Arendt : "Tous les Ogres ne sont pas si sanguinaires ?" (p.76 ) "…Certes des Ogres. Il hésitait sur le mot… Humain" (p.76) pour terminer sur cette sentence : "L’Homme est devenu un Ogre pour les siens". Les hommes, tous les hommes sont-ils des bourreaux, des Ogres en puissance ? Nabile Farès, en psychanalyste averti, à aucun moment, ne construit une image " humaine " du bourreau, ni n’emploie le mot "terroriste".

Les séances de psychothérapie se multiplient car "Dans la tête de Slimane un pays a explosé" (p. 51), "La tête de Slimane ressemblait à un tas de chaume que l’on aurait incendié " (78). Tout se passe dans sa tête, au fond de son puits "lbir" autre lieu symbole des contes, qui engloutit, antre de l’hydre ( lafaâ) à sept têtes. Des hallucinations. Mais, Nabile Farès use de l’ironie dans le référentiel politique du mot " Ogre " désignant, cette fois, ces "régimes bizarres", engeance de l’indépendance : "…dans ce pays, cette région où des Ogres fomentaient des orgies sur le dos des populations " (p.76) ; " L’indépendance n’a pas donné naissance à un pays, puisque celui-ci existait déjà, mais, plutôt à des régimes bizarres, riches, encore empruntés, clandestins, avides, mordants, insensés,, farouches et, sans doute, inutiles. Des régimes d’Ogres puisqu’ils finiront par se faire peur. Non pas se manger, mais se dévorer " (p.119)

Slimane Driif, dans le troisième et dernier récit, est reçu par son directeur de journal auquel il demande l’autorisation de quitter le pays pour une enquête plus approfondie sur les disparus. Il est assailli par un djinn et un spectre qui pénètrent dans le bureau sous des formes humaines ; moments forts du texte, visions hallucinatoires, magiques, surréalistes, auxquels Nabile Farès a habitué ses lecteurs dans sa trilogie A la recherche du Nouveau monde.
Le djinn met en confiance Slimane Driif : " Voyez-vous, je vous rassure, nous ne faisons pas partie du monde des Ogres " ( p.119)

Mais, Slimane Driif est tombé au fond d’un puits, non pas ce puits des haltes des caravaniers du désert qui désaltère bêtes et hommes, mais le sien, son gouffre, ses béances. Cette image du puits n’est pas sans rappeler l’outre noire, métaphore d’identité de Mémoire de l’Absent, viatique nourricier lors des grands voyages, devenue pleine de sang, elle-même ensanglantée. Selma Bent Chaïd, fille généreuse du Titteri, meurtrie, d’une Algérie dévorée par les Ogres, condamnée pour enseigner la langue des " Kouffars " ( Infidèles) ; Linda obsédée par l’oiseau mort, éventré, dans la tête de son amant, Slimane Driif ; Tania, fille de Selma, adolescente, traumatisée à vie par les Ogres qui ont envahi son école, assoiffés de sang…sont les voix du pays en quête de ses paroles.

Une esthétique de la "désorigine"

L’événement sur lequel est bâti le récit n’est pas narré dans sa chronologie ; il est éclaté en des réminiscences mnémoniques de l’Horreur qui remontent, rejaillissent dans la tête de Selma, Tania, Slimane Driif, le directeur du journal, l’homme de l’hôpital qui les écoute, s’écoute, aussi les djinns, le spectre…Tout cela dans une circularité à donner le vertige. Des lambeaux de mémoire verbale et sémantique, entrecoupés de longues phrases énumératives, de brefs passages, des blancs signifiants. L’onirisme dibien dans Si Diable veut, est ici saillant. Le même événement est raconté, tour à tour, par les différents «je» des suppliciés bouleversant les titres les titres de chapitres : 1. Jeudi, 15 avril, 16 heures ( chrono); 2. Les grands départs (énoncé, constat) ; 3- Mercredi 21 mai : 19h 45, heure locale (chrono) ; 4 Invisibles, parfois, sont les pluies (énoncé poétique) . Lettre, rapport, discussion, récit pur de l’événement proche du journalisme, mythologie, passages isolés poétisés, analyse lexicale, nombreux épitaphes…, une hétérogénéité de discours qui tourne, sous différentes formes autour du même fait tragique, traumatisant, comme pour le saisir sous ses différentes facettes, au ralenti, par bribes. Ce texte sur l’Algérie contemporaine «conte roman fantastique» met comme sur une scène d’un théâtre tragique une Algérie en quête de sa vérité, de ses paroles, de son Histoire…
Le "Ils" une troisième personne au pluriel anonyme par laquelle le langage populaire désigne un pouvoir qui lui est étranger et qu’il tient à distance, se retrouve dans La mort de Salah Bey ou la vie obscure d’un maghrébin (L’Harmattan, 1980), un roman dans lequel Nabile Farès décrit la violence des cries et des mouvements intérieurs qui traversent la vie et la mort d’un journaliste.

Bio express de Nabile Farès

Ecrivain universitaire, psychanalyste, Nabile Farès est né à Collo, en Algérie, en 1940. Fils de Abderrahmane Farès, Président de l’Exécutif provisoire algérien de 1962, il participe aux grèves lycéennes de 1956, puis rejoint le Front de libération nationale (FLN), mouvement indépendantiste, puis sa branche armée, l'ALN.
Nabile Farès est l’auteur d’une œuvre romanesque dense (dont Le Champ des oliviers, Le Seuil, 1972, Mémoire de l'absent, Le Seuil, 1974, L'Exil et le désarroi, François Maspero, 1976, formant la trilogie A la recherche du Nouveau Monde), étudiée en post graduation dans les universités du Maghreb et de l’Occident. Son premier roman Yahia, pas de chance ( Seuil, 1970) vient d’être réédité en Algérie aux éditions Achab sous un autre titre «Yahia, pas de chance – Un jeune homme de Kabylie.

Note et entretien réalisés par Rachid Mokhtari

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2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 11:29
Le retard des politiques

Le retard des politiques

S'il y a un rôle à assigner à la chronique, c'est surtout celui de conférer du sens même à ce qui nous paraît le moins digne d’intérêt au sein de nos familles, notre entourage, nos rues, le pays, etc. Cela dit, le billet journalistique nous laisse entrevoir et découvrir, par le biais de sa description du vécu social de nos citoyens, ce que les entrailles de la société charrient de plus profond, de plus insaisissable et de plus enfoui, et aussi toutes ses anomalies sous l'apparente banalité de la routine des jours. C'est pourquoi, en cette ère très critique de la vie de cette Algérie en déréliction où il est presque impossible de tracer les contours d'un horizon meilleur que celui, gris du temps présent, l'attention qu'on porte à ces petites choses, aux détails et aux phénomènes anodins et aux gens de basse extraction peut nous être salutaire dans la compréhension de notre malaise. Cela est d'autant plus vrai que se consoler de l'actuel fiasco à tous les niveaux, lequel ne fait d'ailleurs que déprimer cette jeunesse sans repères, est une invite indirecte et maladroite au suicide collectif. Suicide! Un mot qui m’exècre et me donne de la nausée, décidément. Car, personnellement, malgré le degré du pourrissement de notre situation politique et n'en déplaise à certains des miens, je crois au progrès futur de l'Algérie, à l'esprit de solidarité populaire, à la résurrection des nos valeurs traditionnelles authentiques qui feront, sans aucun doute, le lit de la communauté démocratique de demain, à la transparence dans la gestion des deniers publics, à la modernité, aux institutions électives qui fonctionnent dans les normes, à la société plurielle et fraternelle qui avance..etc.

Or, tout un chacun de nous se heurte aujourd'hui à une telle incompréhension de la part de nos officiels qu'un épouvantable doute l'étreint et l'enserre entre ses griffes. Il paraît que, si les «zéros ne tournent pas en rond» comme l'aurait bien affirmé l'écrivain Malek Haddad (1927-1978), c'est bien nous, les Algériens, qui tournons malheureusement en rond à leur place! Horrible et caricatural sera alors notre sort si nous continuons à errer aveuglément dans cette voie sans issue. Où est la lucidité et la clairvoyance? Où est l'éclaircie dans ce labyrinthe politique qui s'allonge en autant d'épisodes dans cette série fantasque du «game of thrones»?Pourquoi on est comme ça en Algérie? Contre la logique, contre nous-mêmes, contre les nôtres, contre le sens du monde...les autres? Pourquoi par exemple la seule idée qui insinue que nos jeunes «souffrent» est-elle si complètement indigérable, voire insupportable à évoquer devant cette nomenklatura usée, décrépite et dépassée? Et puis, y-aura-t-il autre chose à léguer aux générations montantes à part ces virus mortels de «l'antipathie patriotique», la haine de soi, le fléau de la corruption et surtout ce mauvais pli du report sine die des solutions quand il y a problème à régler? Loin d'y penser ou, du moins, s'en inquiéter, nos élites sont en train de voguer, insouciantes, dans leurs interminables dilemmes et cela durera, peut-être, jusqu'au jour où le miroir de la réalité leur aura renvoyé les premiers signes avant-coureurs de l'ampleur de cette gangrène qui avance à grandes enjambées dans le corps de ce «grand malade» qu'est l'Algérie. Trêve de digressions oiseuses, trêve de prolongations et d'esquive, «stop» la manipulation! Il est temps de mettre le holà aux tours de passe-passe, encourager la bonne gouvernance, enrayer ce douloureux problème de l'incommunicabilité entre les générations, etc. D'ailleurs, je dirais au risque d'écrire des vérités premières, sachant au passage que tout est confondu chez nous, les Algériens (officiels et plèbe) devraient réviser en urgence leur logiciel d'interprétation du monde.

Autrement dit, il leur serait nécessaire, voire vital de laisser de côté cet esprit réservé, un tantinet conservateur et s'ouvrir sur eux-mêmes d'abord, entre eux et aux autres ensuite : s'accepter et accepter ces autres-là tels qu'ils sont et tolérer leurs différences et leur philosophie d'existence (je pense, en particulier, ici aux masses de migrants du sahel africain, aux Syriens qui affluent vers notre territoire dans l'espoir d'y vivre, loin des guerres, du dénuement et de la famine). Le vivre-ensemble n'est-il pas, après tout, une vertu cardinale dans la vie des nations modernes? Bien entendu, cela ne sera possible au départ que lorsque mes compatriotes commencent déjà à comprendre l'origine de leur problème et à combler ce «generation gap» c'est-à-dire, ce vide atroce entre la jeunesse actuelle et l'ancienne école révolutionnaire. Effectivement, il s'est produit plusieurs cassures générationnelles dans notre pays mais celle du début des années 1980 fut des plus abruptes. Quelque chose de désolant qui a fait brutalement régresser le gros des vagues générationnelles ultérieures dans un certain «fanatisme religieux» et basculer cette bonhomie typique de la paysannerie traditionnelle dans le faux luxe de la citadinité. Notre société qui n'a jamais tranché ses amarres avec cet «héritage de la Boundoukiya» -le fusil- comme dirait avec justesse le Pr Rachid Tlemçani s'est mise, avant toute chose, dans la tête l'idée de la reconquête de la patriarcalité, des tabous de tout genre, la phallocratie, le conservatisme, etc. Autant dire, tout le carcan négatif de la famille traditionnelle. Et, sans le moindre garde-fou, elle s'est sauvagement libéré dans une hypocrisie propre à la ville ou à la cité urbaine. En conséquence, tous ces gens des bas-fonds de la ruralité qui se sont déplacés vers les villes se retrouvent, malgré eux, mal intégrés dans le tissu urbain. Et comme par hasard, parmi les premières retombées calamiteuses de cette «déruralisation sauvage des campagnes», on cite d'abord le phénomène de «l'islamisme social» avant qu'il ne prenne vers les années 1990 le nom de «l'islamisme politique». L'ère économique de l'Infitah du président Chadli (1929-2012) aurait, encore faudrait l'avouer ici, ouvert de grandes portes à un marchandage inédit de type nouveau entre campagnes et villes, Islam et Islamisme, civils et militaires, politique et business, etc., dans un contexte international bouillonnant (la révolution islamique en Iran, la guerre d'Afghanistan, le crash pétrolier, la crise mondiale...). Ainsi la ville est-elle devenue, en seulement quelques années, le point de convergence entre «le paysan déruralisé» et «le citadin ruralisé» dans un décor général caractérisé par une dépression économique et morale d'envergure!

Assurément, la genèse de la violence chez nous trouve là sa parfaite explication. Une «violence-défouloir» de toutes ces inégalités ressenties sur le terrain par la population après presque trois décennies d'indépendance (avant Octobre 1988). Et aussi de l'incommensurable décalage entre les couches sociales, que ce soit dans leur rapport à la foi, à l'économique, au social, à la politique, etc. Élites et masses en Algérie, c'est, somme toute, comme l'histoire de ces amours qui finissent toujours tragiquement. Bref, on aura du mal à assimiler le fond de notre tragédie s'il l'on ne tient pas compte de ces données fondamentales. Si l'Algérien d'aujourd'hui s'est «clochardisé» mentalement avant de l'être d'ailleurs matériellement, c'est qu'il subit dans sa chair et sa conscience le retour de manivelle des politiques contradictoires de ses gouvernants. L'image de ces pères de famille algériens au seuil de la vieillesse qui quittent récemment en masse leur pays et leurs foyers pour s'installer sous d'autres cieux, parfois même «sans-papiers», laissant derrière eux et femmes et enfants n'est pas né d'une pure coïncidence. Bien au contraire, elle exprime le divorce forcé entre les générations, dans les familles, la société, au sommet de l'Etat … et, bien sûr, une métamorphose radicale inquiétante des valeurs locales du citoyen (honneur, virilité, sens de la famille, dignité...). Un phénomène très complexe et très grave auquel psychologues et sociologues de tous bords devraient orienter leurs efforts d'étude. D'autres compatriotes, fatalistes et défaitistes, n'ont trouvé, eux, face aux questions par trop insolubles et controversées que soulèvent leur vécu ordinaire (le niveau de vie en baisse, les contradictions sociales, la bureaucratie, la hogra, etc), que le refuge de «la religiosité d'apparat». L'islamisme n'est, au fait, qu'une verrue ayant résulté de la contamination des esprits et tenant place, ironie du sort, d'unique viatique à leur souffrance et à leurs incertitudes intérieures. Peut-être ne s'y sont-ils résolus que poussés au bout de la colère par l'impasse, la malvie, l'ignorance, la médiocrité ambiante? Dans ce contexte, le penseur Syrien Al-Kawakibi (1855-1902) affirme dans son livre «Tabaîa Al-Istibdad» (Du despotisme) que l'ignorance du peuple ajoutée à la force militaire organisée dont font usage les gouvernants jettent souvent les bases du despotisme. Plus loin dans ce même ouvrage, il précise que cela crée un despotisme d'un groupe qui se révèle parfois plus néfaste que celui d'un seul individu. D'autant que dans ce dernier-là, les forces de frappes et de nuisances sont multipliées en autant de points concentriques. La situation s'aggrave sérieusement davantage lorsque la notion d'éthique déserte les consciences. Enfin, c'est un crève-cœur que de ne pas avoir tenté de redresser, je vise ici notre intelligentsia, ce cheminement cahoteux du mouvement sociétal de la nation dès la fin des années 1970. Or, est-il rien de plus désespérant, de plus odieux et de plus scandaleux, en notre époque, que de ne pas œuvrer à l’assainissement immédiat de telles pratiques qui jurent avec l'être profond de la société?

Kamal Guerroua

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2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 11:26
La douleur de l'histoire.

La douleur de l'histoire.

Des amis espagnols, fils des Républicains chassés par Franco lors de la guerre civile de 36, m'ont invité à visiter Dénia, à mi-chemin entre Valence et Alicante.

C'est l'une des cités médiévales qui, à l'instar de Grenade, garde de puissants vestiges des médinas musulmanes. La visite avait pour objet d'assister, du 15 au 17 août, å des cérémonies riches en couleur, commémorant l'expulsion des Morisques, suite au décret promulgué par Philippe III le 22 septembre1606.

Le premier jour était consacré aux processions dominées par les parades musulmanes, celles des hauts dignitaires, paradant avec leur harnachement d'époque, du haut de leurs chars tractés par des chevaux, suivis de belles infantes légèrement vêtues et avançant avec grâce dans une chorégraphie rappelant le regard colonial de la « danse du ventre « qui colle à la femme orientale. Le tout encadré par des sons de fanfares exécutés par des musiciens recrutés dans le milieu associatif local.

Le jour suivant nous révèle le temps de la revanche : combats ardents donnant la primauté aux «gladiateurs « de la chrétienté, investissant le territoire et poussant au loin les Morisques. Mis en scène sur le mode du carnaval accompagné d'un embrasement de pétarades assourdissantes et autres feux d'artifices embrasant le ciel nocturne, cette cérémonie se termina jusqu'â l'aube! Mes amis m'avaient assuré au départ que ces cérémonies populaires n'avaient rien de méchant et qu'il s'agissait d'une fête commémorative sans arrière-pensée conflictuelle.

Il se trouve que mon regard sur ces prestations, notamment celle du pugilat entre les deux communautés, m'a profondément attristé. J'ai pris soin, les jours suivants de me documenter quelque peu sur un épisode de l'histoire des Morisques, dont j'avais déjà un aperçu grâce å des lectures antérieures : il s'agit d'un gros pavé écrit en français sur le mode du roman historique par Rodrigo de Zayas , un fils de Mexicain exilé å Séville â l'époque de José Marti, intitulé» Les Morisques et le racisme d'Etat» ( Éditions La Différence, 1992). En octobre 1992, ce livre qui avait faut grand bruit, a fait l'objet d'un article élogieux dans Le Monde Diplomatique d'octobre 1992, signé par Laurence Villaume. On y apprend par ailleurs que le père de Rodrigo de Zayas avait pour ascendants des arabes morisques, convertis au christianisme sous l'injonction de la Reine de Castille. Courant 95, je l'avais invité dans mon labo å Amiens pour donner une conférence sur le sujet. L'autre livre, édité chez l'Harmattan, intitulé ‘La vie quotidienne a Grenade après 1492(Catherine Guignard, L'Harmattan) la valse hésitation entre le rejet ou le maintien à la carte des musulmans, suivant leurs compétences. Dans le domaine de l'entretien des palais comme l'Alhambra par exemple, le concours des artisans arabes était incontournable, ce qui n'empêchait pas les brimades å l'avenant. Enfin, une autobiographie familiale rédigée par une Colombienne, descendant des Morisques grenadins, racontant les péripéties migratoires de ses ancêtres qui, au terme de maintes pérégrinations forcées en Espagne, gagnent pour quelque temps les Pyrénées orientales, finissent par embarquer â Port-Vendres, pour être ensuite refoulés d'Afrique du Nord contre toute attente, revenus au sud de la France, puis, de guerre lasse, partis en Amérique latine ( 1 ) . Mes investigations récentes complètent quelque peu mes informations sur la tragédie morisque, notamment les Actes d'un colloque international organisé par des universitaires tunisiens en 2009 sur le sort de la diaspora morisque (2) . N'étant pas historien, et sachant de surcroît que ce dossier n'est pas méconnu de nos spécialistes de l'histoire médiévale, je voudrais simplement rappeler â grands traits les aspects saillants de cette épopée migratoire. Le décret royal d'expulsion des Morisques, intervenu en 1609, à été précédé par des mesures similaires, notamment å la suite d'une rébellion des Alpujaras( dénomination locale des Morisques ) contre les rois de Grenade, qui ont duré trois ans(1568-1571).Il faut rappeler que le décret d'expulsion des Juifs de Grenade intervint au lendemain de la chute de Grenade ,å l'instigation d'Isabelle de Castille. A l'époque les Musulmans et Juifs n'ont pas encore été contraints de se convertir au catholicisme. Le gros des migrations vers le Maghreb et vers la Turquie avait lieu au cours des premières années qui ont suivi chute de Grenade. Les mesures de christianisation, ordonnées par le Saint-Siège, et exécutés avec ardeur et détermination par Ximenes (prononcé Jimenez, un nom de triste mémoire que tout Tlemcenien a connu puisqu'une rue du centre-ville portait son nom jusqu'å l'indépendance), et surtout par Torquemada (un homme d'ascendance juive converti dés la première heure et qui a causé le plus grand tort â ses coreligionnaires), remontent au 14 février 1502.

On sait que ces conversions étaient la seule condition du maintien des deux communautés religieuses. Dès lors on appelait Morisques les Musulmans convertis, et Marranes les Juifs convertis. Il va de soi que chacune des deux communautés pratiquait clandestinement sa religion d'origine et simulait celle d'adoption pour préserver sa vie (car les assassinats au bûcher étaient légion) et, dans le meilleur des cas, éviter l'expulsion. Ce qu'on appelle Inquisition est un mouvement émanant des rois catholiques d'Espagne , mais aussi de France et d'Italie, au moment où des schismes apparaissent un peu partout en Europe, notamment le protestantisme ,qui élit domicile en Hollande, puis en pays germanique et en Angleterre. La guerre des religions menée par l'église romaine et par les rois catholiques se durcit en Espagne â l'endroit des Morisques et des Marranes. C'est dans ce contexte que l'inquisition organise des pogromes contre les «faux convertis». Le soupçon et la délation deviennent fréquents, pour culminer dans les mesures d'expulsion irrémédiables. De tous les royaumes d'Espagne, c'est le royaume de Valence qui fut å l'avant-garde des vagues d'expulsion. Le décret royal de 1609 inaugure une série de mesures similaires, mais avec une radicalisation variable suivant les régions. Valence en avait la primauté. On cite 300.000 expulsions.

Les auteurs ne s'accordent pas sur les chiffres : elles peuvent aller de 250.000 â 400.000. Bref, peu importe la statistique. Ce qu'il faut retenir, C'est que toutes les régions n'avaient pas la même fougue face å l'expulsion. la région de Valence, où les terres sont relativement prospères (aujourd'hui encore, elle détient la plus grande orangeraie du monde en termes de surface et quantité produite), la défection des Morisques a donné il â une récession drastique, aggravée par la baisse des royalties en provenance du Nouveau Monde: Les Morisques constituent la principale force de travail, notamment dans l'agriculture et l'artisanat. Les notables et grands propriétaires fonciers étaient mécontents de la désaffection de la main-d'œuvre servile dévolue aux Morisques.

Ce n'est donc pas par sollicitude ou humanisme que ces notables ont fait savoir leur mécontentement. L'ordre inquisitorial a prévalu sur les considérations économiques. C'est ainsi que l'exode vers l'Afrique devenait inéluctable, sauf pour une minorités de transfuges qui ont réussi , dans la clandestinité ou grâce à la bienveillance de quelques familles chrétiennes notamment en Andalousie, â se maintenir discrètement dans leurs lieux d'origine.

Exilés d'hier, transfuges d'aujourd'hui

L'exode des Morisques vers le Maghreb n'était pas une sinécure. Des armateurs ottomans ou venant des régences algero-tunisiennes se sont fait fort d'embarquer ces autres hères vers Oran, Alger, Bougie, ou Tunis. D'autres ont pu rejoindre le Maroc, plus poche par le détroit de Gibraltar. L'historiographie retient l'extrême souffrance de ces migrants. Vrais armateurs ou faux passeurs, corsaires désireux de monnayer leurs prestations, les conditions de transfert étaient des plus aléatoires. On relate des noyades collectives, provoquées par ces passeurs, des assassinats en série. Les rares migrants qui parviennent â fouler le sol africain, sont le plus souvent rejetés, assassinés ou tout simplement refoulés, considérés comme des faux musulmans au motif que leurs ancêtres s'étaient convertis au christianisme. Faux chrétiens pour les Espagnols , faux musulmans pour les Maghrébins, les Morisques ont connu une souffrance génocidaire, å l'exception d'une portion congrue de rescapés,, qui ont trouvé refuge en Turquie, en Tunisie (Testour,, Nabeul), au Maroc ( Têtouan, Salé-Bouregreg), beaucoup moins en Algérie (Alger, Bougie, Tlemcen, Nedromah). Une rubrique généalogique donne le nom des descendants contemporains des Morisques. (.Sans remettre en cause la fiabilité de ces généalogies, je ne crois pas utile de les mentionner).

Jaime Bleda , un prêtre dominicain ( né en 1550 et mort å Valence en 1622) était le témoin vivant de cette lugubre épopée (cité par Youcef Al-Idrissidans, dans «Les racines de l'exclusion», Maroc-Hebdomadaire International, Nô 521,26 juillet 2002, p.30-31): «... Ainsi, il est certain que des millions de Morisques qui quittaient le Royaume de Valence, même pas le quart survécut. Nombreux périrent en mer noyés, jetés par-dessus bord par les patrons des bateaux qui les volaient. D'autres naufragèrent sans pouvoir atteindre les plages de la Berbérie. Les Arabes en tuèrent un nombre infini. La plupart moururent de faim, de soif, de froid et d'affliction. Apres leur arrivée en Afrique, où ils se voyaient exilés d'un paradis terrestre dans les sables, la sécheresse et la chaleur ardente de ces contrées, et aux mains de cette gent si féroce, inhumaine et barbare. C'eût été encore mieux pour l'Espagne si tous avaient péri ».

Il n'est inopportun, au terme de ce récit, de le mettre en perspective avec la saga des migrants fuyant l'Afrique sub-saharienne pour les uns, le Proche et le Moyen-Orient pour d'autres qui se trouvent, hommes valides, vieux, femmes et enfants face â l'infranchissable muraille de barbelés, incapables de se mouvoir. Et quand bien même ils arrivent â passer entre les mailles Helléno -balkaniques, ils sont stockés dans des abris-conteneurs du Limès européen, entassés, confinés, n'ayant d'autre alternative qu'entre la mort ou la faim qu'ils ont laissée derrière eux et l'humiliation entretenue par un Occident repu et nombriliste. Le sens de l'humanité en l'homme a peut-être changé dans le langage manifeste, mais l'histoire se répète, å quatre siècles de distance, å quelques nuances près, et quelles que soient les latitudes.

Notes

1-.C'est une monographie historique familiale rédigée par par l'auteure, dans une maison d'édition algéroise. Cette dame est mariée â un diplomate algérien. Ayant prêté ce document â un étudiant préparant un doctorat en histoire, ce dernier a disparu de la circulation, au point où j'ai perdu , bêlas, et la mémoire de l'impétrant et celle de l'auteure et de la référence éditoriale)

2-.Date commémorative du 4ème centenaire de l'expulsion des Morisques Valenciens. Des voix se sont élevées å l'issue de ce colloque pour que le caractère génocidaire de la tragédie morisque soit officiellement reconnue par le Roi Juan Carlos. Des personnalités politiques et intellectuelles ont, â la même époque adressé une requête au roi d'Espagne de faire la même déclaration solennelle qu'il fit en 1992 à propos du génocide des Juifs Marranes, en commémoration du 4ème centenaire du décret royal d'expulsion du Royaume de Grenade(1492). quelques unes de ces personnalités n'ont pas manqué de rappeler que des voix s'étaient déjà élevées , au 18e siècle par Voltaire se félicitant de la présence de Morisques ayant élu domicile au Sud de son pays, et, plus près de nous , la contribution du grand historien de la Méditerranée, Fernand Braudel, Aucune plaidoirie n'est parvenue â décider Juan Carlos å faire le même geste symbolique en 2009, quatre siècles après le décret d'expulsion de 1609.

On peut allègrement reprocher å l'Etat turc de ne pas reconnaître officiellement le génocide arménien, mais l'Occident chrétien doit aussi balayer devant sa porte.

Nadir Marouf

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13 juillet 2016 3 13 /07 /juillet /2016 08:33
Que reste-t-il de Jefferson ?

Que c'est dur de survivre à ses propres mensonges ! Avec l'incarcération du blogueur et journaliste Mohamed Tamalt, Abdelaziz Bouteflika s'est donné une nouvelle occasion de découvrir à quel point les grands hommes sont inimitables.

Rappelons-nous cette tartarinade, en 1999, devant des journalistes étrangers admiratifs : «Je ne le répéterai jamais assez, je suis un fervent admirateur du président Jefferson, qui aurait préféré un pays où la presse est libre à un pays qui aurait eu un bon gouvernement.» Jefferson ? Le Président américain qui avait défendu la liberté de la presse dès le XVIIIe siècle par un authentique idéalisme humanitaire, au moment même où il rédigeait la Déclaration d’indépendance ? Jefferson qui a laissé la liberté de la presse comme le plus précieux héritage à la démocratie de son pays ? Oui, rien que ça ! Bouteflika aime à se comparer superficiellement aux grands hommes à condition que lui soit épargnées les servitudes de leur gloire. L'esbroufe est une façon de faire de la politique a bon marché.La piètre mémoire des hommes s'occupera du reste.

Jefferson a bâti la presse américaine, la plus libre de la planète, puissant contre-pouvoir qui, deux siècles plus tard, révélait le Watergate et faisait chuter Nixon. Chez nous, deux siècles après Jefferson, Bouteflika en est encore à incarcérer des blogueurs et des dessinateurs et fomenter des lois scélérates pour étouffer l’embryon de liberté d’expression dans un pays qui n’a jamais eu droit à la parole. Mohamed Tamalt subit ce qu'a subi, avant lui,Abdelghani Aloui, autre jeune blogueur de 24 ans, originaire de Tlemcen, jeté en prison en septembre 2013 pour avoir publié sur Internet de caricatures du président Bouteflika et de son Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Comme chacun le sait, ces deux augustes personnages ne sont pas encore prophètes ou alors, dans leur pays seulement, ce qui n’empêcha pas.

Abdelghani Aloui d’être accusé d’"outrage à corps constitués", d’"atteinte à la personnalité du président de la République" ainsi que d’"apologie du terrorisme", parce que la police aurait trouvé chez lui une écharpe portant l’inscription "La ilah illa Allah" (il n'y a de dieu que Dieu, ndlr).

Il encourait jusqu'à dix ans de prison.

Il en a fait presque deux.

Et que dire de De Gaulle, l’autre fascination de notre président et dont il aime à dire et à répéter qu’il est l’un de ses autres modèles en politique.De tous les chefs d’Etat français de la Ve République, de Gaulle a été celui que les caricaturistes ont le plus malmené, pastiché tantôt en Louis XVI par le dessinateur Moisan, tantôt en amant de la Marianne par Faizant ou en CRS bastonnant les manifes-tants de mai 68 par Le Canard enchaîné. Le général, du haut de sa stature, ne s’est jamais offusqué. En vrai républicain, il avait compris le rôle immense du dessin de presse qui incite au rire exorciste, qui libère des angoisses et des peurs. Et c’est ainsi que se sont épanouis Cabu, Wiaz, Gébé, Plantu, Wolinsky («je ne m’intéresse pas au con qui gouverne mais aux millions de cons qui ont voté pour lui») et tous les talentueux dessinateurs qui ont fait le délice de la presse française. Bouteflika n’est ni Jefferson, ni de Gaulle, ni Mitterrand. Quelle artillerie juridique aurait sorti le Président algérien pour écraser la presse de son pays, représenté en Kermitt, la grenouille arrogante du Bebête Show ? Que serait-il advenu de la démocratie française si elle s’était amputée de ses Guignols ?

Le régime de Bouteflika a un retard de plusieurs siècles sur le monde actuel. En 1791 déjà, le roi Louis XVI, déconsidéré après la fuite à Varennes, était dessiné en cochon par les caricaturistes de l’époque alors que Napoléon III, dès 1865, était maltraité par la presse, comme ce cruel dessin du journal La Charge qui le montrait, au début de 1870, cirant les bottes du roi de Prusse Guillaume Ier, après la proclamation de la République, ou cette caricature restée célèbre, symbolisant l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, par une grue, synonyme de prostituée, la même impératrice ayant par ailleurs été représentée dans les bras du principal ministre de Napoléon III, Emile Ollivier.

Oui, que c'est dur de vouloir imiter les grands hommes et de rester dans l'histoire comme grenouille, pas la Kermitt du Bebête Show, mais l'autre, celle qui voulant égaler le boeuf en grosseur, enfla si bien qu'elle creva, inspirant à Jean de La Fontaine cette morale que nos dirigeants gagneraient à méditer :

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :

Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,

Tout petit prince a des ambassadeurs,

Tout marquis veut avoir des pages.

Mohammed Benchikou

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7 juillet 2016 4 07 /07 /juillet /2016 09:24
Chinafrique : la fin de l’eldorado algérien ?

Première destination des investissements - et des ressortissants - chinois au Maghreb, « l'empire » sino-algérien n'est plus tout à fait ce qu'il était. Voyage exclusif au cœur d'une citadelle menacée par la chute des cours du pétrole et par la crise financière.


Mahelma, 30 km à l’ouest d’Alger, est à deux pas de la résidence d’État du président, à un jet de pierre de l’autoroute et à deux battements d’ailes de mouette de la mer. C’est ici que la China State Construction Engineering Corporation (CSCEC) construit la nouvelle ville de Sidi Abdellah, sur 7 000 hectares. Bien sûr, le projet est loin d’être fini. Mais une fois livrée, cette cité disposera de 55 000 logements, d’équipements administratifs et hospitaliers, de commerces, de pôles industriels, d’un parc de sports et de loisirs et devrait accueillir quelque 300 000 habitants, soit 10 % de la population d’Alger.Une cinquantaine de grues tournoient dans le ciel comme dans un ballet aérien, les carcasses d’immeubles s’alignent à perte de vue, des travailleurs par centaines bétonnent, soudent, coffrent et décoffrent, montent et démontent des échafaudages sous un soleil écrasant et des dizaines de camions chargés de sable, de terre, de gravats ou de gravier slaloment entre les bâtiments en soulevant des nuages de poussière.

La géante chinoise aux commandes de l’immobilier algérien

À elle seule, la CSCEC a obtenu plus de 5 milliards de dollars (environ 4,5 milliards d’euros) de contrats en Algérie au cours des deux dernières décennies. Hormisl’italien Saipem, qui a raflé 8 milliards d’euros avec Sonatrach, et le canadien SNC-Lavalin, qui a remporté des marchés pour 6 milliards de dollars (eau, énergie…) – les deux font l’objet d’enquêtes internationales pour corruption présumée -, aucune entreprise étrangère n’a autant prospéré que la CSCEC.

Son plus gros coup ? La Grande Mosquée d’Alger, troisième plus grand édifice religieux au monde, ironiquement rebaptisée mosquée Bouteflika. Un projet de 1,5 milliard de dollars décroché en 2011 alors que la CSCEC était blacklistée depuis 2009 par la Banque mondiale (elle le restera jusqu’en 2015) pour des faits de fraude et de corruption aux Philippines et au Vietnam.

Mais voilà, les autorités algériennes ne refusent rien – ou presque – aux Chinois, au grand dam des autres partenaires étrangers. Pékin a bâti un véritable empire en Algérie. Quelques chiffres permettent de mesurer son ampleur. Sur les 500 milliards de dollars d’investissements publics dépensés depuis l’arrivée au pouvoir du président Bouteflika, en 1999, les sociétés de l’empire du Milieu en auraient capté au moins 80 milliards*.

On dénombre aujourd’hui en Algérie 793 entreprises et quelque 40 000 ressortissants chinois, dont 2 000 naturalisés, vivant et travaillant dans ce qui est devenu leur eldorado africain. Rien que pour l’année 2014, 24 000 visas ont été délivrés à des travailleurs et à des hommes d’affaires.

Entre la Chine et l’Algérie, c’est une histoire qui remonte à bientôt six décennies. Pékin est l’un des premiers pays à reconnaître le gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), cette nouvelle autorité créée en septembre 1958 qui finira par négocier quatre ans plus tard les accords d’Évian avec le général de Gaulle, mettant ainsi fin à cent trente-deux ans de colonisation française.

Pendant ces quatre années de lutte, la Chine fournit des armes à la guérilla algérienne et entraîne ses combattants dans des camps militaires. En août 1962, quelques semaines après la proclamation officielle de l’indépendance, la Chine est le premier pays au monde à ouvrir son ambassade à Alger libéré. Un an plus tard, les deux pays signent un accord de coopération militaire, avec à la clé un prêt de 50 millions de dollars.

Pour faire face à la crise du logement que nous traversions, nous avons fait appel aux Chinois, déclare un ex-ministre de l’Industrie

Mais pendant des décennies, sous les présidences de Boumédiène, Chadli et Zéroual, l’intervention de la Chine dans l’économie locale reste anecdotique. Le tournant survient au début des années 2000, quand les pétrodollars algériens, dopés par la hausse vertigineuse des prix du pétrole, croisent l’intérêt nouveau de la Chine pour un continent qui peut lui permettre de sécuriser ses approvisionnements énergétiques.

« Nous étions alors confrontés à une grave crise du logement, raconte un ex-ministre de l’Industrie. Pour la résorber, il fallait construire des habitations à la chaîne. Nous avons donc fait appel aux Chinois. » Des bataillons de travailleurs débarquent alors et s’installent dans des bases de vie, d’où ils sortent peu. Ils travaillent jour et nuit. Incrédules, les Algériens assistent au spectacle de ces employés qui ne dorment jamais et s’affairent sous la pluie, sous le cagnard ou à la lumière des projecteurs.

Une rude concurrence pour les européens

Faible coût de réalisation et rapidité d’exécution : les Européens se font damer le pion. « Les autorités ont fixé à 365 dollars le coût du mètre carré, décrypte cet ancien ministre. Les Européens n’étaient pas en mesure de s’aligner sur ces prix et ils nous l’ont d’ailleurs reproché ! Sur le marché du bâtiment, les Chinois n’avaient pas de concurrents. » La CSCEC obtiendra d’ailleurs un quota de 30 000 logements répartis à travers 35 wilayas.

Et le bâtiment n’est qu’une petite mise en bouche. Routes, hôtels, barrages hydrauliques, hôpitaux civils ou militaires, transports ferroviaires, écoles, terminaux aéroportuaires, pétrochimie, villes nouvelles, bâtiments de grandes administrations… aucun secteur n’est épargné. Leur projet le plus emblématique ?

L’autoroute Est-Ouest, longue de 1 216 km, présentée comme la réalisation « du siècle » en Algérie. Officiellement estimé à 11,4 milliards de dollars, le projet est confié en 2006 au groupement japonais Cojaal pour le tronçon est, et au consortium chinois Citic-CRCC pour les tronçons ouest (359 km) et centre (169 km). Là encore, les Chinois coiffent sur le poteau de grandes entreprises occidentales, comme l’américain Bechtel, le groupement franco-allemand Vinci-Razel-Bilfinger ou encore Italia.

Les deux firmes chinoises auraient-elles été favorisées ? Mohamed Bedjaoui, ancien ministre algérien des Affaires étrangères, a publiquement admis avoir introduit le sulfureux homme d’affaires et marchand d’armes Pierre Falcone auprès des autorités de son pays comme « facilitateur » pour le compte des Chinois. Falcone a-t-il versé des pots-de-vin à des intermédiaires ?

L’intéressé a démenti tout soupçon de concussion. Toutefois, un des prévenus, Sid Ahmed Tajeddine Addou, qui a été condamné dans le cadre du procès de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest au tribunal d’Alger en mai 2015, a reconnu devant un juge d’instruction que des commissions qui se chiffrent en dizaines de millions de dollars ont été versées à Pierre Falcone ainsi qu’à des responsables algériens, dont l’ex-ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, chargé du pilotage du projet.

Si les Chinois paient, c’est aussi parce que l’environnement est favorable à la corruption, confie un consultant

Au cours du même procès, des prévenus ont également confié que 4,41 millions de dollars ont été distribués sous forme d’avantages (appartements, voitures, téléphones, voyages et soins à l’étranger) par des dirigeants chinois et japonais à des cadres de l’administration algérienne.

Si ce scandale n’a pas empêché les entreprises de l’empire du Milieu de prospérer en Algérie, il n’en a pas moins mis en lumière des pratiques peu orthodoxes dans le business sino-algérien. Pour un consultant algérois d’une entreprise pétrolière chinoise, « si les Chinois paient, c’est aussi parce que l’environnement est favorable à la corruption. Pour eux, faire des présents permet de mettre de l’huile dans le business. C’est normal ».

Leur succès est aussi lié à leurs facultés d’adaptation à l’environnement local. « Ils sont incomparables, confessait Lansana Conté, président guinéen décédé en 2008, dans le livre La Chinafrique, de Serge Michel et Michel Beuret. Au moins, ils travaillent. Ils vivent avec nous dans la boue. Il y en a qui cultivent, comme moi. Je leur ai confié une terre fatiguée, vous devriez voir ce qu’ils en ont fait. » Ce qui vaut pour la Guinée vaut sans doute pour l’Algérie.

« Ils ont commencé par étudier le marché informel, analyse Azzedine Guettouche, universitaire et expert immobilier. Une fois qu’ils ont décrypté ce système, ils ont tout compris du fonctionnement de l’économie algérienne. » Un agent intermédiaire auprès de plusieurs entreprises chinoises poursuit : « Ils apprennent l’arabe, adoptent des prénoms français et utilisent des facilitateurs algériens comme courroies de transmission avec l’Administration, explique-t-il. Les Européens veulent que les Algériens adoptent leurs méthodes de travail, les Chinois font l’inverse. »

Leur organisation et leur discipline, quasi militaire, sont aussi mises en avant. L’Algérie apprécie par ailleurs le virage pris à la fin des années 1990 par l’ancien allié communiste : depuis, Pékin reste éloigné des affaires politiques. Business, only business.

Les milliards de dollars en commandes publiques ne sont qu’une facette de leur empire. Le commerce constitue l’autre levier sur lequel la Chine s’appuie pour dominer le marché algérien. Alors qu’ils représentaient 200 millions de dollars à la fin des années 1990, les échanges commerciaux entre les deux pays culminent désormais à 8,2 milliards de dollars, selon les douanes algériennes.

Longtemps le partenaire privilégié, la France est aujourd’hui reléguée en deuxième position. Au cours des quinze dernières années, la République populaire de Chine a exporté pour près de 55 milliards de dollars de produits et de marchandises vers l’Algérie, devenue un grand bazar où se déverse le made in China.

Un juteux partenariat

Et nombre d’Algériens reconvertis en importateurs ont su tirer profit de cette manne, comme cet Algérois de seulement 32 ans que nous avons rencontré mais qui préfère garder l’anonymat. Il y a cinq ans, il se rend dans le canton de Shenzhen avec une chemise achetée 160 euros auprès d’une grande marque française. Il commande le même modèle auprès d’un fabricant local pour moins de 1 euro.

Arrivés au port d’Alger, les trois conteneurs de chemises s’arrachent en quarante-huit heures avec une marge bénéficiaire défiant toute concurrence. Ce businessman assure aujourd’hui réaliser un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros, et détenir une villa dans la capitale ainsi qu’un appartement en France. « J’achète et je vends par téléphone, assis sur une terrasse parisienne », crâne le jeune homme.

Cette quasi-dépendance à l’égard des produits chinois n’est pas sans conséquences. « En matière de commerce extérieur, nous avons plus de problèmes avec les Chinois, les Turcs et les Émiratis qu’avec nos partenaires européens, avoue un ministre qui a quitté récemment le gouvernement. La surfacturation et la qualité des produits sont les deux principaux fléaux. »

Les surfacturations et la mauvaise qualité des marchandises constituent de vrais soucis pour les pouvoirs publics, mais elles ne sont pas de nature à compromettre le commerce entre les deux pays

Des importateurs véreux gonflent les factures avec la complicité de leurs clients chinois avant de virer les bénéfices dans des comptes en Asie ou au Moyen-Orient. Dans un proche avenir, la Chine et l’Algérie devraient signer un accord pour lutter contre le transfert illicite des devises.

Mais en ce qui concerne la mauvaise qualité des produits, l’ampleur du phénomène rend les contrôles difficiles. Contrairement à l’Europe, qui importe également en grande quantité de la marchandise chinoise, l’Algérie n’a aucun bureau d’expertise de renommée internationale pour contrôler les centaines de milliers de conteneurs qui débarquent dans ses ports.

Entre 2012 et 2015, selon des statistiques officielles, plus de 900 personnes ont trouvé la mort à cause d’appareils de chauffage défectueux. Des médecins sont aussi très inquiets des effets sur la santé des cosmétiques importés.

Certes, les surfacturations ou la mauvaise qualité des marchandises constituent de vrais soucis pour les pouvoirs publics, mais elles ne sont pas de nature à compromettre le commerce entre les deux pays. En revanche, la rareté des investissements chinois ainsi que la crise financière qui frappe durement l’Algérie en raison de la baisse des prix du pétrole pourraient faire vaciller cet empire bâti sous le règne de Bouteflika.

« Les projets publics sur lesquels ils ont prospéré sont gelés ou annulés, prévient cet autre ex-ministre. Le gouvernement veut diviser par trois la facture des importations. On importera donc de moins en moins et on ne construira plus au même rythme que les années précédentes. Faute d’une vraie politique d’investissements durables susceptibles de créer de l’emploi et de la richesse, leur présence dans notre pays sera forcément remise en question. »

Mais dans l’esprit des travailleurs de la CSCEC qui s’activent sur le chantier de la Grande Mosquée d’Alger, pas de place pour le doute. Eux n’ont qu’une idée en tête : terminer au plus vite ce monument qui ne pourra pas être inauguré comme prévu en 2016.

* Décompte non exhaustif réalisé par Jeune Afrique.

LU TCHANG, SELF-MADE-MAN

La trajectoire des Chinois en Algérie n’est pas faite que de travail précaire et de cantonnement dans des bases de vie coupées du reste du pays. Certains ont su bâtir des fortunes. Lu Tchang – qui se fait appeler Stéphane -, 38 ans, vit son rêve algérien. Lorsqu’il débarque sans le sou en 2008 avec un visa de touriste, il ne parle par un mot d’arabe ni de français.

Il démarche les entrepreneurs locaux, frappe à toutes les portes et finit par décrocher un petit marché pour réaliser deux édifices. Huit ans plus tard, Lu Tchang est devenu le roi du bâtiment avec 10 000 logements réalisés ou en cours de réalisation et une armée de 1 000 ouvriers aux quatre coins du pays. Il voyage en business class et multiplie les réunions avec les promoteurs algériens, comme s’il avait passé toute sa vie à les côtoyer… Aujourd’hui, de sa villa avec piscine sur les hauteurs d’Alger, le Sichuan, sa province natale du centre-ouest de la Chine, lui paraît bien loin…

Farid Alilat in Jeune Afrique

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