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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 15:00
MOHAND-AREZKI FERRAD, EX-PARLEMENTAIRE DU FFS, À L'EXPRESSION

"Le meilleur hommage est d'instaurer la démocratie effective"
Entretien réalisé par Amar INGRACHEN

L'Expression: Hocine Ait Ahmed, le plus vieil opposant au système, vient de décéder. En tant qu'ancien membre dirigeant du FFS, quel sentiment vous inspire sa mort?
Mohand-Arezki Ferrad: J'ai une double douleur. D'abord pour lui. Il est vrai que Hocine Ait Ahmed, Allah yerahmou, était malade depuis au moins dix mois. Il est vrai aussi qu'il est âgé. Mais il est toujours difficile de voir passer de l'autre côté un homme qui passe pour être le symbole d'un peuple qui se bat pour sa liberté. La mort de Si l'Hocine reste un événement très douloureux pour moi. Si l'Hocine laisse un grand vide derrière lui d'autant plus qu'il est le dernier des neuf historiques. Ensuite, j'ai de la douleur parce que Hocine Ait Ahmed s'est engagé dans le combat pour l'indépendance de l'Algérie dès l'âge de 16 ans et que, une fois celle-ci acquise, tout a été confisqué par la force et le même Ait Ahmed n'avait même pas la possibilité d'exprimer son désaccord avec le pouvoir d'alors. Aujourd'hui, ses adversaires les plus farouches, ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui, le pleurent mais tout le monde sait que ce ne sont que des larmes de crocodile.

Vous l'avez connu personnellement. Que gardez-vous de lui de particulier?
J'ai connu Hocine Ait Ahmed en 1990 grâce à un de ses beaux-parents: Rachid Outoudert. J'étais militant dans une section FFS à Bou Ismail. Lors d'une conférence que je donnais aux militants, Rachid Outoudert, qui était là, m'a proposé de me présenter au président du parti qui venait de rentrer au pays. Notre entrevue était agréable. On a échangé sur beaucoup de questions et, depuis, étant proviseur d'un lycée et ne pouvant pas assumer des responsabilités au sein du parti, j'ai été désigné par lui pour animer des conférences pédagogiques au profit des militants et sympathisants du parti. A l'époque, le FIS était partout présent et il fallait occuper le terrain. Et le fait que je sois arabophone a joué en ma faveur. Car, à l'époque, les francophones étaient très mal vus, notamment dans certaines régions. L'enjeu était donc de retourner la situation en notre faveur et de défendre la démocratie dans un contexte hostile. Là-dessus, Hocine Ait Ahmed s'est montré très ouvert et affichait un respect très profond pour les valeurs nationales. Aujourd'hui encore, je garde de lui l'image d'un nationaliste incorrigible, d'un démocrate inconditionnel et d'un homme très ouvert.

Quel bilan faites-vous de son parcours politique?
Hocine Ait Ahmed a milité fondamentalement pour trois choses: le recouvrement de la souveraineté nationale, la construction d'un Etat démocratique moderne et la réalisation de l'unité nord-africaine. Le premier objectif, à savoir la libération du pays, a été atteint mais pas les deux autres. La confiscation du pouvoir par le groupe d'Oujda a bloqué tout, y compris la possibilité de continuer à militer pour ses convictions.
Même le projet de mise en place d'un grand parti politique n'a pas réussi vraiment, à cause, d'une part, du déficit en culture politique de la société algérienne, mais aussi des obstacles que le pouvoir dressait devant lui. Il est sans doute mort en colère, le coeur plein d'amertume.

Quel impact aura la mort de Hocine Ait Ahmed sur son parti, le FFS?
L'hémorragie n'a jamais cessé au sein du FFS, depuis sa création à ce jour. A chaque fois que le parti forme des cadres, ils quittent d'une façon ou d'une autre. Aujourd'hui, le FFS est un parti normal, comme tous les autres alors que l'Histoire le destinait à être un grand parti politique, présent sur tout le territoire national, avec des cadres et des relais de valeur, y compris au plan international. Un parti qui compte 400 martyrs et, qui plus est, est vieux de plus de 50 ans, se devait d'être profondément ancré dans la société. Dommage, ce n'est pas le cas. Ceci dit, Ait Ahmed a toujours été cohérent avec lui-même et a refusé de faire du capital symbolique qu'il incarne un fonds de commerce. Il a choisi le camp des valeurs et des convictions et c'était peut-être cela le prix à payer.

Et sur la scène politique nationale?
Hocine Ait Ahmed a représenté sa vie durant, une heureuse opportunité pour l'Algérie. Malheureusement, l'Algérie fait du ratage de ses rendez-vous avec la réussite un sport national.
Hocine Ait Ahmed n'a jamais cherché le pouvoir. Il était un historique et cela lui conférait un statut nettement plus prestigieux que celui de président de la République. Il voulait servir son pays mais on n'a pas su l'écouter. La chance sourit à ceux qui n'en connaissent pas la valeur.
Aujourd'hui, le meilleur hommage à lui rendre, c'est de consacrer la démocratie effective dans la cadre de la révision prochaine de la Constitution.

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 14:49
La première résistance à la dictature

15 mois après la proclamation de l’indépendance, Hocine Aït Ahmed crée le FFS et organise la résistance pour dire non à la dictature imposée par l’armée des frontières.

La lutte pour la prise du pouvoir qui a commencé vers la fin des années 1950 allait connaître des épisodes dramatiques au lendemain de l’indépendance de l’Algérie. L’entrée en lice de l’armée des frontières dépossède le pays de ses perspectives démocratiques et le plonge dans des combats fratricides, quinze mois après la proclamation de l’indépendance.

La Kabylie qui a offert à la Révolution neuf colonels et des dirigeants politiques, tels que Hocine Aït Ahmed et Belkacem Krim, s’oppose à la démarche de la prise du pouvoir. Aït Ahmed démissionne du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et part s’installer dans sa région natale, Aïn El Hammam, où il naquit le 20 août 1926.

En septembre 1963, il fonde le Front des forces socialistes (FFS) qui réclame le pluralisme face au verrouillage de la vie politique imposé par le système du parti unique. Il entraîne par la suite la Kabylie dans un mouvement insurrectionnel armé. En 1962, il était déjà aguerri aux insurrections. A l’âge de 22 ans, il était le plus jeune membre du comité central auquel il présente, en 1948, un rapport sur les formes et la stratégie de la lutte armée pour l’indépendance et dirigea l’Organisation spéciale (OS) chargée de la formation des cadres militaires et de la mise en place d’un dispositif clandestin pour amorcer et développer la lutte armée.

Homme charismatique, Aït Ahmed séduit la population et la création du FFS a drainé une adhésion massive dans les villages de Kabylie, comme à Aït Zmenzer, près de Tizi Ouzou. Moh Ouali Maâcha, dit Djingo, avait 20 ans en 1963. Il se rappelle : «Dans mon village, Akendjour, même les cailloux ont fait la guerre de libération. Sur la poignée d’habitants, le village a sacrifié 42 martyrs. On a gagné la guerre contre le colonialisme, on ne peut donc pas accepter une autre forme de domination.

On a rejoint le FFS avec armes et bagages et on s’est installés dans la SAS d’Alma, libérée par l’armée d’occupation. On est restés là-bas quatre mois. On attendait les instructions.» L’appel à cette mobilisation a été lancé le dimanche 29 septembre 1963 à Tizi Ouzou lors d’un meeting populaire «sécurisé» par des soldats, sous le commandement du colonel Mohand Oulhadj. Toutefois, les relations tendues entre l’Algérie et le Maroc allaient changer la donne. Le divorce entre Aït Ahmed et Mohand Oulhadj est consommé.

La guerre frontalière algéro-marocaine éclate au moment où les deux gouvernements sont confrontés à une contestation sociale et politique. Elle est instrumentalisée par les deux protagonistes pour détourner leur opinion intérieure vers un supposé danger extérieur. Pour l’Algérie, ce qui menace directement le gouvernement, c’est la dissidence de Hocine Aït Ahmed et de ses partisans à Tizi Ouzou. Premier à exploiter cette nouvelle conjoncture, le président Ahmed Ben Bella déclare que «la concentration de l’armée chérifienne à la frontière et les agissements du FFS prouvent qu’il s’agit d’une action concertée.

Tout a été tramé dans l’ombre, à l’étranger». La pression des événements a sans doute précipité et accentué les divisions au sein de la direction de la rébellion. Les troupes mobilisées sont restée fidèles au commandement. Moh Ouali poursuit son témoignage : «A la SAS, notre point de regroupent, on a reçu l’ordre du colonel Mohand Oulhadj de nous regrouper à Oued Aïssi en tenue militaire. Comme armes, on avait des Mats 49 et des Mas 36 et 51 et pas assez de munitions.

On nous a dit qu’on devait défendre le pays. On a passé 4 mois dans notre base à Fort Lotfi. Comme on tournait en rond, on s’est enfuis, marchant pendant 3 jours et 3 nuits pendant le mois de Ramadhan. On a été arrêtés puis emprisonnés à Béchar. A notre libération, on retrouve les rangs du FFS alors qu’une folle ambiance de suspicion s’est installée. A la délation s’ajoutait la trahison. Le 21 avril 1964, 5 morts et 7 blessés ont été dénombrés dans mon village.

J’ai moi-même été blessé à la jambe et après 3 mois d’hospitalisation, on a été transférés à la prison de Lambèse pour être libérés enfin le 9 juillet 1965. Aujourd’hui, je ne regrette rien, même si l’Etat refuse de reconnaître et d’indemniser les 400 morts.» Aujourd’hui, la revendication d’un statut de martyrs pour les «maquisards du FFS» attend toujours. Pour de nombreux militants du parti, la disparition de la figure emblématique du mouvement insurrectionnel risque d’entraîner la clôture définitive du dossier.

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 14:45
Aït Ahmed, pionnier de l’opposition au pouvoir

Les velléités autoritaires nées dès l’indépendance acquise ont poussé Hocine Aït Ahmed à choisir la voie de l’opposition politique
pour perpétuer l’idéal de Novembr
e.

C’est dans un contexte douloureux qu’est né le Front des forces socialistes, juste après l’indépendance du pays, le 5 Juillet 1962. Pour son leader, Hocine Aït Ahmed, et ses compagnons, ce ne fut certainement pas facile de basculer dans l’opposition, après l’usure de tant d’années de guerre contre le colonialisme.

Mais il y avait vraiment de quoi, après le putsch de l’armée des frontières contre le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et la crise de l’été 1962. Alors député de Sétif, Hocine Aït Ahmed décide de reprendre le combat. Le 10 juillet 1963, il annonce une décision historique de mener la guerre contre le pouvoir : «J’ai décidé de mener une lutte politique ouverte contre le régime socialo-mystificateur (…). C’est le seul moyen de désamorcer la situation rendue explosive (…) et par l’incapacité de l’Assemblée nationale constituante de bloquer le totalitarisme du régime.»

Hocine Aït Ahmed, qui n’était pas encore dans la logique de la lutte armée contre le pouvoir central, lance, deux mois plus tard, le 29 septembre, le FFS pour opérer, comme il est écrit dans le texte sa proclamation, «le redressement de la Révolution algérienne, d’en assurer la continuité en instaurant un socialisme fondé sur l’adhésion populaire, seule garante de justice sociale et de liberté». Celui qui a été parmi les fondateurs de l’Organisation secrète (OS) du Parti du peuple algérien (PPA) en 1947 dont il a été le chef, est accusé de «séparatiste» par Ahmed Ben Bella, qui plonge la Kabylie dans un cycle de violence inouïe. Il constituait un véritable obstacle au processus de fascisation enclenché avec l’arrivée de Ben Bella au pouvoir sur les chars de l’armée des frontières.

«L’adoption du projet de Constitution dans une salle de cinéma, Le Majestic (actuelle salle Atlas de Bab El Oued) était une volonté délibérée d’humilier l’Assemblée nationale constituante.» «Au sein de cette dernière, en plus de la violation du règlement intérieur, toute critique du gouvernement fut perçue comme une véritable défiance à l’autorité de l’Etat. Peu à peu, l’Assemblée perdit ses attributions et prérogatives pour devenir une chambre d’enregistrement», souligne-t-on dans l’aperçu historique du FFS dans une contribution de Si Larbi Hanafi. Le 14 août 1963, les événements se précipitent et donnent raison à Aït Ahmed avec l’accentuation de la crise.

Le président de l’Assemblée nationale, Ferhat Abbas démissionne de son poste pour protester contre la fascisation du pouvoir. Il n’en fallait pas plus pour que Aït Ahmed, qui avait déjà claqué la porte, convaincu que l’institution en question n’était pas capable de freiner «la totalitarisation du régime». Dans une interview accordée à la télévision française (sources Ina.fr) lors de son passage à Paris, Hocine Aït Ahmed annonce sa démission de tous les organismes directeurs de la Révolution.

«Décision irrévocable», disait-il, qui «répond au consensus populaire, au désir du peuple qui rend responsable tous les dirigeants, sans exception, et qui voudrait les voir tous s’en aller». «Ma démission n’est pas un abandon du combat, car je reste militant, c’est un acte politique, une option de confiance dans ses couches effervescentes qui ont conduit la guerre de Libération nationale», a soutenu Aït Ahmed qui, quelques semaines plus tard, a choisi la voie des armes.

De la résistance armée à l’exil

«Ou c’est la fascisation morale, la mort pour notre peuple, ou bien la résurrection de notre Révolution.» «S’il y avait la moindre chance de dialogue, nous ne l’aurions pas ratée. L’expérience a montré, dans le FLN, dans l’ANP et les institutions, que toutes les issues étaient bouchées», confiait-il au journaliste de la télévision française en reportage sur les maquis de Kabylie. Aït Ahmed parlait de «la détermination des militants à détruire le régime». C’est la phase de la résistance armée de Hocine Aït Ahmed et du FFS. Un lourd tribut sera payé par ses partisans, après la défection du colonel et responsable de la Wilaya III, Mohand Oulhadj. «La solidité de la résistance conduisit le pouvoir à pratiquer les méthodes les plus barbares : jugements expéditifs, exécutions sommaires, emploi massif de la torture.

Ainsi, plus de 3000 militants du FFS séjournèrent dans les locaux de la Sécurité militaire à Dar Nakhla, au quartier chinois, avant d’être emprisonnés à El Harrach, Berrouaghia, Constantine, Lambèse et Oran», rapporte-t-on dans les annales du parti. La résistance armée paya un lourd tribut. «Des centaines de combattants, dans leur quasi-totalité d’anciens maquisards, tombèrent héroïquement pour leur idéal démocratique.» Après la défection de ce qui est appelé «premier état-major», en novembre 1963, Hocine Aït Ahmed est arrêté en octobre 1964.

A la fin de son procès, le 9 avril 1965, devant la cour criminelle révolutionnaire d’Alger, il déclare : «Le recours au peuple doit transcender les petits calculs tactiques. Il doit exprimer un tournant décisif. Nous pensons qu’il peut s’effectuer en permettant au FFS, à l’opposition en général, d’avoir une activité légale et publique, d’avoir sa presse et ses publications et de tenir au grand jour son congrès constitutif.» Ce fut, en fait, son objectif à l’issue des négociations avec le pouvoir de Ben Bella avant, bien sûr, que le coup d’Etat du 19 juin 1965 ne remette tout en cause.

Le 26 mai 1966, Aït Ahmed s’évade de la prison d’El Harrach et quitte le pays pour l’exil. «A l’occasion du Printemps berbère (1980), il joue avec le FFS un rôle modérateur d’encadrement politique des militants afin d’empêcher l’irruption de la violence et d’inscrire la revendication linguistique et culturelle dans l’exigence du pluralisme politique, à l’intérieur de la nation algérienne», souligne Hanafi Si Larbi, ancien membre du conseil national du parti dans sa contribution reprise sur le site du FFS.

Le 16 décembre 1985, il lance avec Ahmed Ben Bella, depuis Londres, l’«Appel au peuple algérien pour l’instauration de la démocratie et le respect des droits de l’homme». Le rapprochement a été vu comme une menace par le pouvoir en place. Il coûtera la vie à son initiateur, Ali Mécili, ami et bras droit d’Aït Ahmed, avocat au barreau de Paris, farouche opposant au régime algérien, assassiné le 7 avril 1987, deux ans après la rencontre de Londres.

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 14:44
L'hommage de Ali Benflis à Aït-Ahmed

«Il a dédié sa vie à une cause à sa mesure, la cause de la liberté»

J’ai pris connaissance avec beaucoup de peine la nouvelle du rappel à Allah du dernier des géants de la grande épopée de la Libération nationale qu’a été Hocine Aït Ahmed.

Je m’incline avec émotion à sa mémoire et je présente à sa famille, à ses proches et à tous ses compagnons mes condoléances les plus sincères et les plus attristées. Je tiens aussi à assurer le Front des forces socialistes de toute ma solidarité et de toute ma sympathie en cette pénible épreuve que partage avec lui l’ensemble des Algériennes et des Algériens. Hocine Aït Ahmed aura été d’une rare constance, d’une rectitude exemplaire et d’une noblesse d’âme admirable dans la défense de ses idéaux.

L’histoire de notre pays l’a déjà distingué comme l’un des plus grands parmi les héros de la glorieuse Révolution de Novembre. L’indépendance de notre pays fut le premier grand combat de sa vie. Et dans ce combat, il s’est livré sans calcul et sans concession avec la fougue de sa jeunesse, la solidité de ses convictions et avec la certitude que dans un tel combat, la vérité et la justice étaient du côté de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui avaient fait leur une cause qui transcendait leurs destins personnels.

L’indépendance de notre pays acquise et sa souveraineté recouvrée, Hocine Aït Ahmed est monté sur un piédestal d’où il n’est jamais descendu : celui des libertés et des droits pour ses concitoyens et de la démocratie pour son peuple et pour son pays. Et de fait, les droits de l’homme et la démocratie ont représenté la seconde cause de sa vie.

Dans la défense de cette cause, sa foi n’a jamais vacillé, sa volonté n’a jamais faibli et sa détermination n’a jamais été prise en défaut malgré les épreuves tenaces et l’adversité implacable. Hocine Aït Ahmed était fait de cette matière dont sont pétris les grands hommes : il a dédié sa vie à une cause à sa mesure, la cause de la liberté plutôt qu’à la quête dérisoire des honneurs et des reconnaissances. Sa vie aura été un roman de la liberté qu’il aura écrit non seulement avec des mots qui résonneront pour toujours comme un plaidoyer éternel pour les droits de l’homme et la démocratie, mais aussi par des actes qui ont donné un sens à la bravoure, à la résistance et au sacrifice.

Hocine Aït Ahmed s’en va sans avoir été le témoin du triomphe de la seconde cause de sa vie. Les droits de l’homme et la démocratie qu’il n’a pu voir naître en Algérie forment aujourd’hui son legs et son testament pour ceux qui se reconnaissent dans la rectitude et la justesse de la cause qu’il s’est choisie. Notre génération et les générations à venir sauront saluer la marche solitaire du pionnier. Elles sauront y puiser l’inspiration pour continuer son œuvre inachevée. Et plus que tout, elles sauront y trouver l’exemple à suivre.

Hocine Aït Ahmed s’en est allé, mais son combat continue pour la gloire et le renouveau de son pays qu’il a tant aimé et qui n’a jamais déserté ses pensées et ses rêves. Paix à l’âme du grand disparu et puisse Allah Tout-Puissant l’entourer de Sa Compassion et Sa Miséricorde et l’accueillir en Son Vaste Paradis aux côtés de ceux dont il a dit : «A Allah nous appartenons et à Lui nous retournons.»

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 14:35
Décès d'Aït Ahmed : tourner la page de "la crise de l'été 1962"

L’État algérien est frappé d'illégitimité depuis 1962. Toutes les manœuvres opérées depuis ce faux départ (parti unique, dictature, coups d’État, élections répétitives systématiquement truquées, négation des repères historiques de la Nation, …), ne font qu'enfoncer le pays dans l'incivisme, la prédation, le passe-droit et le sentiment de vivre dans un "beylik", après plus de 50 ans de la fin de la domination coloniale.

C'est cette faillite qui fait souvent dire aujourd'hui aux jeunes algériens à leurs aînés : "Pourquoi avez-vous fait la guerre contre la France ?" Les faussaires du néo-FLN ont presque réussi à détruire la Nation algérienne dans ses fondements en instituant l'inégalité des citoyens devant la Loi, la manipulation de la religion et la création de l'intégrisme, la destruction de l'environnement urbain et rural, la prédation des richesses du pays, la pollution de l'engagement politique et la consécration de l'affairisme néfaste. Bel exploit ! Les Banu Hillal n'ont pas fait autant.

L'émotion soulevée par le décès de Hocine Aït Ahmed est légitime, autant pour le personnage historique que pour le symbole qu'il représente aujourd'hui pour les Algériens qui s'interrogent toujours : "existe-t-il encore des hommes et des femmes honnêtes, incorruptibles qui veulent le bien de tous les Algériens ?".

Tout peuple a besoin de mythes fondateurs pour renouer les liens d'appartenance et pouvoir se projeter dans l'avenir, et la jeunesse algérienne éprouve ce besoin immense et l'exprime parfois dans l'excès mais toujours dans le sens de l'Histoire.

Justement, faire repartir cette Histoire à partir de "l'An Un", c'est-à-dire depuis 1962-1963, pour tourner définitivement la page du hold-up de la Libération commis par l'armée de l'extérieur, rendre le symbole du FLN à tous les Algériens, mais aussi celui du FFS qui s'est soulevé contre ce hold-up.

Tourner la page des premières années de la libération, sans rien oublier, constitue la meilleure voie pour renforcer la cohésion nationale sur ses bases historiques et protéger notre pays des marchands du temple et de la vassalisation de notre nation.

Aumer U Lamara

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 12:28
Le long exil militant de Hocine Aït-Ahmed a pris fin à Lausanne

Destin Dirigeant de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, opposant intraitable au nouveau régime, le leader kabyle est mort la veille de Noël. Hommage ce mardi matin à Lausanne.

La maladie a réussi là où près d’un demi-siècle d’exil aura échoué: faire taire Hocine Aït-Ahmed. Dernier chef historique de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, cet infatigable défenseur des droits de l’homme et de la démocratie, dans son pays et dans le monde, est décédé mercredi dernier à Lausanne, où il vivait depuis 1966.

Ironie de l’histoire ou preuve du désarroi d’un pouvoir algérien qui n’a cessé de l’ostraciser, un deuil national de huit jours a été promulgué par le président Bouteflika. Selon les vœux du défunt, des funérailles populaires seront organisées vendredi 1er janvier dans son village natal d’Ath-Ahmed, en Kabylie. Par ailleurs, ce mardi à partir de 11 heures, une cérémonie de recueillement pour ses amis de Suisse aura lieu au Centre funéraire de Montoie, à Lausanne.

«Fils de la Toussaint»

Hocine Aït-Ahmed était le dernier survivant des neuf «fils de la Toussaint», les dirigeants du Front de libération nationale (FLN) qui, le 1er novembre 1954, déclenchèrent la guerre d’indépendance contre la puissance coloniale.

Très tôt entré en politique – il rejoint à 17 ans le Parti du peuple algérien de Messali Hadj –, Aït-Ahmed prône dès 1948 le recours à la lutte armée. Dès lors, sa vie va se confondre avec la guerre pour l’indépendance, terrible conflit non seulement contre les Français, mais aussi entre factions algériennes. Cette guerre sans merci connaît des épisodes dignes des meilleurs romans d’espionnage. C’est ainsi que le 22 octobre 1956, il est arrêté à la suite de l’arraisonnement par les Français de l’avion qui le conduisait au Maroc en compagnie du futur président Ahmed Ben Bella, de Mohamed Boudiaf, Mohamed Khider et Mostefa Lacheraf. Libéré après les accords d’Evian de 1962, il est élu député de la première Assemblée nationale de l’Algérie indépendante. Très vite, il s’oppose à Ben Bella et crée en 1963 le Front des forces socialistes (FFS), qui fera partie de l’Internationale socialiste (IS).

Indépendance d'esprit

Mais l’indépendance d’esprit dont il fait preuve, son opposition au «régime socialo-mystificateur» qu’il accuse ses anciens frères d’armes de vouloir instaurer, provoquent la rupture. Elle sera définitive.

Arrêté en 1964, il est condamné à mort pour «menées contre-révolutionnaires», puis gracié. Le 30 avril 1966, il s’évade et prend le chemin de l’exil, qui le conduit en Suisse. A Lausanne.

Une nouvelle vie commence. Durant près d’un demi-siècle, Hocine Aït-Ahmed va dénoncer les dérives du pouvoir algérien, suivre de très près la marche des choses dans son pays. Malgré la distance. «Il était souvent mieux informé que les Algériens eux-mêmes», témoigne son fils, Jugurtha. Mais le chef politique ne s’intéresse pas qu’à son pays. De son observatoire lausannois ou en voyage de par le monde, il dénonce les atteintes aux droits de l’homme, milite encore et toujours pour la démocratie et le pluralisme.

Retours éphémères

Après trois retours éphémères en Algérie, en 1989, 1991, et 1999, juste avant et après la décennie noire du terrorisme, il se retirera de la politique en 2013. Aux dirigeants du FFS, auxquels il cède les rênes du parti, il fait promettre qu’ils lutteront pour une politique de compromis et de tolérance, seule voie possible, selon lui, pour sortir l’Algérie de l’ornière où elle s’est enlisée. Les années suisses de Hocine Aït-Ahmed ne sont sans doute pas étrangères à ce testament.

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 11:17
Sa disparition a ravivé l’aspiration à la démocratie L’onde de choc Aït Ahmed

Les hommages rendus à Hocine Aït Ahmed n’ont pas seulement exprimé l’attachement aux valeurs qu’il a défendues toute sa vie, mais aussi une très forte volonté de capitaliser son combat pour reconstruire une adhésion nationale

à l’idéal démocratique.

Il est des moments décisifs dans l’histoire d’un pays, d’une nation. L’Algérie, qui doute d’elle-même, de son identité et de son devenir, vient de vivre une semaine des plus déchirantes. Depuis l’annonce de la disparition, le 23 décembre dernier, d’un de ses pères fondateurs, Hocine Aït Ahmed, et jusqu’à ses historiques funérailles, le pays était saisi d’une ferveur nationale rare alors que la nation était déjà très mal en point. C’est cette nation ré-unie qui s’est donné rendez-vous à Aïn El Hammam, ce haut lieu de la résistance, pour couronner un chef politique d’exception. Ils sont venus des quatre coins du pays, de Tamanrasset, Adrar, Aïn M’lila, Oran, Mascara et de la vallée du M’zab pour saluer l’homme et surtout pour hériter de son idéal.

De l’enterrement de cette figure politique aux mille combats, quelque chose, en tout cas, est née. Un fort désir d’une autre Algérie incarnée par un Etat de démocratie, des libertés, de progrès et d’émancipation. Un besoin criant d’une Algérie plurielle, ouverte, moderne et prospère, pas celle de la répression, du déni et des injustices. La disparition de l’impénitent militant a ravivé la flamme de l’espoir.

Une résurrection et, osons le dire, la renaissance d’une nation. Un désir de la nation, un désir d’Aït Ahmed car il a été l’homme de cette nation. «La peine et l’émotion des Algériens n’ont eu d’égale que leur indignation envers le gâchis immense occasionné depuis l’indépendance à la communauté nationale par l’ostracisme des pouvoirs en place à l’encontre des orientations de sauvegarde nationale que Aït Ahmed préconisait.

C’est pourquoi de larges milieux patriotiques ont exprimé le sentiment d’une grande perte», écrit le vieux militant nationaliste Sadek Hadjeres dans un bel hommage à son ami et camarade Aït Ahmed. Le vieux militant communiste, qui a subi aussi les affres de la persécution et de l’exil, conclut son hommage en assénant qu’après l’émotion et la grande ferveur «vient pour tous le moment de la réflexion et de la mobilisation». La forte présence de la jeunesse, qui pourtant n’a pas connu Hocine Aït Ahmed, «désabusée» par les errements politiques d’un pouvoir à bout de souffle, est un signe puissant et qui ne trompe pas.

Un moment révélateur qu’il serait inutile de réduire à son unique dimension de deuil ou d’émotion. Une nouvelle génération qui fait corps avec la jeunesse et la justesse des idéaux portés par Aït Ahmed et bien d’autres compagnons de lutte. Le rejet de la délégation gouvernementale n’exprime en rien la haine des hommes, mais le refus énergique des choix politiques inopérants et qui ne répondent plus aux aspirations de la société qui envoie ainsi un message ; elle interpelle les consciences et met les élites politiques devant leurs responsabilités historiques.

«C’est un message de maturité et, au-delà des clivages et des divisions, le peuple est uni autour des idéaux dont il a perçu, en la personnalité de Hocine Aït Ahmed, l’incarnation. Des valeurs d’intégrité, de rectitude et d’engagement en faveur de toute une nation. Aït Ahmed nous a laissé un dernier cadeau : la possibilité de reconstruire le tissu national, une occasion de conclure de nouveau un pacte national, bref la chance de bâtir une deuxième République fondée justement sur les valeurs qu’il a toujours incarnées», discerne la sociologue Fatma Oussedik.

Hamrouche, l’«héritier» naturel

«Il a, qu’on le veuille ou pas, éveillé les consciences : l’honnêteté, les principes et les convictions chevillés à son corps vont peut-être faire des émules parmi les jeunes qui n’ont connu, depuis leur naissance, que la corruption et l’argent sale. Il peut devenir un exemple à suivre pour toute une jeunesse qui cherche des repères», décèle pour sa part la constitutionnaliste Fatiha Benabbou. Faut-il parier sur une nouvelle dynamique politique nationale qui naîtrait de ce moment historique ? Aït Ahmed qui de tout temps a fait le pari de ce qu’il appellait «la voie algérienne» a creusé un sillon de renouveau algérien. «Certainement, la mort d’un grand homme qui a sacrifié sa vie à la nation va donner à réfléchir. Il faudrait un débat sur ce sujet car Aït Ahmed n’était pas homme à faire et à dire n’importe quoi.

Il avait une profondeur et une vision à long terme de sa patrie et il était du genre à sacrifier ses intérêts immédiats à ceux de sa patrie. C’est ce qui fait de lui un homme d’Etat et non un simple homme politique», poursuit Mme Benabbou. «Lors des obsèques d’Aït Ahmed s’est exprimée aussi une forte demande d’un personnel politique digne», estime le politologue Mohamed Hennad.

Se pose alors le vrai défi, celui de savoir comment et qui sont les bâtisseurs en mesure de capitaliser cet espoir qui s’est manifesté à Ath Ahmed. Et c’est là le rôle déterminant des élites politiques, sociales et intellectuelles. Comment réunir les conditions nécessaires à la rencontre des aspirations de la société pour une refondation nationale avec la capacité des élites à ouvrir des perspectives nouvelles et à traduire politiquement ces attentes. De nombreux acteurs politiques ont montré cette disponibilité. Des anciens cadres dirigeants du FFS, des personnalités nationales, des partis politiques semblent en tout cas prêts à forger des compromis politiques.

Un homme a réémergé dans cette circonstance. Il a été acclamé par la foule nombreuse aux obsèques d’Aït Ahmed qui l’ont propulsé une autre fois aux devants de la scène. C’est Mouloud Hamrouche, dont les liens politiques avec le défunt sont évidents. Il est désigné comme «l’héritier naturel» d’une charge politique immense. En 2004, lors d’un grand meeting animé à Aïn Benian (Alger), Aït Ahmed avait déclaré : «Je suis vieux, je vous laisse Hamrouche.»

Avant-hier, l’ancien chef de gouvernement réformateur a réaffirmé ce serment de fidélité : «Nous faisons des adieux avec douleur au grand Hocine Aït Ahmed, mais avec un grand espoir parce que fidèles à l’engagement nous demeurerons.» Le compagnon d’Aït Ahmed durant ces dernières décennies est comme investi d’une mission difficile. Lui qui sillonne le pays pour tenter de rassembler est appelé, aujourd’hui plus que jamais, à sauter le pas. Passer du stade des alertes et des messages à l’action. Il peut être le fédérateur de toutes les forces patriotiques en vue de construire un «nouveau consensus national» et «forcer» le régime à accepter de négocier une issue à la crise. C’est un autre rendez-vous avec la nation à ne pas manquer.

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 11:15
Jugurtha Aït Ahmed au Temps d'Algérie : «C'était immense de voir tout ce monde pour mon père»

Il y aura une fondation Hocine Aït Ahmed. En Suisse naturellement. Le pays qui a abrité essentiellement Dda L'Hocine et sa famille pendant leur exil. Mais il y aura bientôt un retour de l'Histoire, vraie cette fois-ci, parce que de jeunes historiens sont en train de travailler sur des archives déclassifiées récemment, notamment sur l'OS.

De cela et tant d'autres choses, Jugurtha, l'un des fils de Hocine Aït Ahmed, a bien voulu nous en parler au lendemain des funérailles de son père. Notre rencontre avec lui n’a pas été facile à Taqa, tant, lui et sa famille étaient sollicités en permanence par le peuple qui est venu accueillir leur père de retour chez lui. Jugurtha est journaliste. Il vit et exerce sa profession en Suisse. A l'image de son père, il a dans son propos la maturité du verbe. Pas de ressentis, encore moins de colère ou de rancœur en tout cas visible à l'égard de ceux qui les ont bannis par le passé de leur terre, de l'Algérie et de son Histoire. Entretien.


C'est la première fois que vous venez à Ath Ahmed, à Taqa ?

Non. Je suis venu plusieurs fois. C'est un lieu que je connais. Je n'y ai pas passé mon enfance. J'ai eu un parcours un peu particulier. Et il n'a pas commencé ici. Mon père était un militant ; enfin cadre de l'OS (Organisation spéciale). Nous n’avons pas une vie chaotique mais un peu bousculée par les événements liés à la guerre de Libération et ensuite à l'Indépendance, puis en rapport avec l'opposition de mon père, la lutte pour la démocratie…

Ces bouleversements vous ont-ils affectés ?

Pas du tout. Nous l'avons vécu naturellement parce que nous avons toujours été entourés par un environnement où l'on savait ce que c'était la lutte politique. Durant la guerre de Libération, autour de nous, on entendait parler des martyrs, des gens qui faisaient la grève de la faim dans les prisons pour accéder au statut de prisonnier politique. Donc, cela faisait partie de notre environnement, ce n'est pas quelque chose de totalement étranger à notre parcours personnel.

De ce qui se passait à ce moment-là, en parliez-vous avec votre père, votre famille ?

Nous n’avions pas besoin d'en parler. Nous vivions tous la même chose.

Vous l'avez accompagné durant les derniers jours de sa vie ? Comment était-il ?

Très bien. Il est mort très sereinement. Le cœur tranquille. Je crois qu'il a fait un parcours sans faute. Et quand on imagine les embûches auxquelles il a dû faire face, comme la guerre de Libération. C'est un miracle qu'il y ait survécu. Il a été le chef de l'OS. Il a milité ensuite sur le front politique en tant que diplomate, dit-on.

Mais je pense que c'est aux historiens de trancher, ce n'est ni l'officialité ni le gouvernement qui doit dire ce qu’il était, ou ce qu’il a fait.
Mais je pense qu'on lui rendra grâce aussi sur ce plan-là. En termes de diplomatie, il a réussi à faire un certain nombre de choses dont l'Algérie a héritées. Et sur la question des droits de l'homme, je pense qu'il a fait également un énorme travail. Pendant la guerre de Libération, il aurait pu mourir cent fois. En tant qu'opposant aussi, puisque les différents régimes n'ont pas hésité à recourir aux assassinats politiques. Je pense à Ali Mecili qui a été assassiné à Paris. Les choses sont claires. Mon père a survécu à cela. Quand je vous dis qu'il est mort sereinement, je peux vous assurer que c'est le cas !

Vous avez vécu comment l'enterrement de votre père ?

Sa volonté était d’être enterré chez lui, à côté de sa maman ; c'était son vœu. Il nous l'a dit. Et notre mission était de respecter ses vœux.

Il ne s'agissait donc pas d'un pied de nez au système ?

Non ! Je ne pense pas qu'il ait eu des intentions comme ça. C'était un homme simple. Mais vraiment simple et sans arrière-pensées, il avait envie de retrouver sa famille, son village natal. C'est un besoin, je crois que chacun porte cela en soi. De la Suisse, nous avons pris un avion de ligne, comme tout le monde. Nous avons été accueillis à l'aéroport d'Alger par la famille d'abord, les cadres du FFS et puis bon, nous avons eu les hommages de l'Etat. Ce qui était bien.

Y a-t-il eu des pressions ou interventions pour qu'il y ait des funérailles officielles ?

Aucune ! Absolument pas de pressions. Cela a peut-être fait partie du projet officiel, sans doute qu'il y a eu plusieurs projets même. Cependant, le nôtre a été accepté sans aucune intervention, sans aucune pression... Ça s'est très bien déroulé. Aussi, il y a eu des propositions d'aide de la part du parti du FFS. Mais nous avons été très clairs, nous devions surtout réaliser les vœux de notre père. Il voulait être enterré comme tout le monde. Comme Monsieur tout le monde. Sans privilèges, sans protocole. Mon père ne s'est jamais considéré comme un historique. Il a toujours dit qu'il n'était pas historique, mais que c'est le peuple qui est historique lorsqu'il bouge. A notre arrivée à Alger, nous avons transporté son cercueil au siège du FFS où nous l'avons veillé. C'était très simple aussi. Très émouvant. Puisqu'il y a eu pas mal de délégations, des représentants de partis politiques, des citoyens bien sûr et des représentants d'ambassades dont celui de l'ambassade de la Suisse. Cela, je tiens absolument à le dire. Cet officiel a tenu à dire à quel point c'était un honneur pour la Suisse d'avoir accueilli mon père pas mal de temps là-bas.

Comment l'avez-vous vécu ce retour, sachant que votre père a été banni de sa terre, qu'il n'a même pas eu le droit d'assister à l'enterrement de sa mère ?

Ça a dû être pour lui un déchirement. Mais il était habitué. Il ne m'a jamais exprimé ni de colère ni rien du tout. Ça fait partie de la vie d'un homme politique.
Il s'attendait à tout dans ce type de situation. Pour ma part, j’étais impressionné par l'attachement et l'amour que les gens ont manifestés à Alger et ici en Kabylie. C'était immense d'ailleurs de voir tout ce monde, surtout des jeunes. Parce qu'on sait que l'histoire a été falsifiée. Mais on se rend compte que malgré tout, les gens savent de quoi il s'agit. Ils savent qui il était, et ce qu’il a fait !

Vous vous attendiez à cet élan du peuple ?

Pas de cette ampleur-là ! On est fiers. Je suis heureux de voir autant de jeunes dynamiques qui veulent visiblement prendre le relais. C'est la meilleure façon de rendre hommage à mon père. Et de continuer le combat politique. Le combat pour la démocratie pacifiquement.

Que pensez-vous des slogans et du rejet par la foule du Premier ministre ?

Je ne le savais pas. Je pensais que c’étaient des rumeurs. Je suis un peu coupé de l'actualité. Vous êtes algériennes ; vous connaissez comment ça se passe. Compte tenu de la masse des gens qui était là, il y a de tout, il y a plusieurs sensibilités qui ont été représentées. Mais dans le fond, je pense que mon père a quand même réussi à réunir autour de lui autant de monde pour lui rendre hommage. C'est cela le plus important.

Y a-t-il un projet de fondation qui portera le nom de votre père ?

C'est quelque chose qui est en cours. Elle sera créée en Suisse. On vous tiendra au courant dès que cela prendra forme.

Votre père a-t-il laissé des mémoires ? Des choses qui n'ont pas été encore dites ?

Ses mémoires ont déjà été publiées. Tout a été dit. C'est vrai que très peu de moudjahidine ont écrit ce qui c'est passé. Je l'attribue au fait que nous sommes, même si nous avons tous appris à écrire et à lire, dans une tradition orale. Et lorsqu'on regarde ce qui se passe par exemple dans d'autres pays, en France par exemple, par rapport à l'occupation nazie, il y a beaucoup de témoignages d'acteurs de l'époque. Et chez nous, dans le Maghreb, nous n'avons pas ce réflexe d'écrire et de laisser une trace. Est-ce de la modestie ou autre chose ? Je n'en sais rien. Ce que je sais, c’est que mon père était quelqu'un de très simple. Qu'il avait un peu de peine à se mettre en avant. ça, c'est une donnée.

Vous êtes vous-même journaliste. L'avez-vous interrogé ; l'avez-vous interviewé sur son histoire qui fait partie de l'Histoire d'un peuple, de l'Algérie ?

Je n'ai pas du tout réfléchi à ça. Il faut que les choses mûrissent. Des vidéos de famille, oui. Des choses de famille, certainement. Mais franchement, je vous l'ai dit tout à l'heure, il y a des archives qui ont été déclassifiées. Des historiens qui travaillent dessus. Surtout sur l'OS. Sa contribution. Sur l'action diplomatique du FLN. Ce qu'il a fait à Bandung. Le travail d'historien requiert du temps. On ne pourra pas le faire comme ça en 24 heures. Et rien n'est plus dangereux que de réécrire l'Histoire, deux jours après un événement. Du recul. Et là, cela va venir, j'en suis sûr.

Comment va votre maman ?

Elle va bien. Merci de me poser cette question. C'est une femme courageuse. Parce que sans elle, je ne sais pas si mon père aura été ce qu'il était. On le dit bien : derrière chaque grand homme, il y a une femme. Une grande femme. Elle est courageuse, elle ne l'a jamais lâché. Quand il avait été enlevé, arrêté,… elle faisait toutes les prisons ici en Algérie. Elle le cherchait. Vous le savez déjà, les Algériennes sont fortes. Elles disent ce qu'elles pensent. Ma mère a sillonné le pays. Elle l'a retrouvé. Elle a toujours été à ses côtés. Elle l'a accompagné jusqu'au bout. Elle est extraordinaire, comme toutes les algériennes.

De nos envoyées spéciales à Ath Ahmed (Tizi Ouzou) Thanina Benamer et Samira Hadj Amar

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 11:11
Benjamin Stora

Benjamin Stora

Le leader algérien, Hocine Ait Ahmed, l'un des neuf dirigeants historiques qui a lancé la guerre contre la France en novembre 1954, sera enterré aujourd'hui vendredi 1er janvier 2016 en Kabylie. Voici un témoignage, en forme d'entretien, pour le journal algérien l'Expression.

- Hocine Aït Ahmed, dernier chef historique vient de décéder. Quel sera d'après vous l'héritage laissé par ce monument de notre histoire à la génération d'aujourd'hui ?

A mon avis, l’héritage premier est celui du combat anticolonial livré très jeune. Il est l’un des rares jeunes lettrés de l’époque à rejoindre le PPA. Il le fait par souci de justice, d’égalité entre tous les hommes, par refus de voir une partie de la société algérienne, « indigène », rejetée dans la sous-humanité, le mépris décrété par le système colonial. Hocine Ait Ahmed n’a jamais été un adversaire du peuple français, mais l’homme qui a combattu un système colonial qui se croyait propriétaire du pays pour longtemps.

Le second héritage est celui, bien sûr, des combats livrés pour la démocratie, pour le respect des droits de l’homme, après l’indépendance de 1962. Cherchant à tout prix à préserver l’unité de la direction politique, mais n’y parvenant pas dans le fameux été 62. L’unité ne signifiant jamais à ses yeux le refus de la pluralité politique, ou culturelle.

- Vous, qui avez connu Hocine Aït Ahmed l'homme opposant, soit en personne soit à travers vos travaux de recherches, au régime algérien, que vous aura le plus marqué chez lui?

J’ai rencontré pour la première fois Hocine Ait Ahmed au début des années 1980 à Paris. Il venait de soutenir sa thèse sur la question des droits de l’homme dans les pays du tiers-monde. A cette époque, je travaillais à la rédaction de mon Dictionnaire biographique des militants nationalistes algériens, ENA/PPA/MTLD, publié en 1985, et il m’a beaucoup aidé en me donnant des précisions sur la vie et l’activité des militants. Il travaillait alors à la rédaction de son livre autobiographique, Mémoires d’un combattant, publié en France en 1983, et qui a été une « mine » de renseignements pour le jeune historien que j’étais. J’avais été frappé par son méticuleux travail de recherches pour écrire son livre, avec un souci d’exactitude, de recoupement des sources. C’était alors, avec le livre de Ferhat Abbas, L’indépendance confisquée, l’un des très rares ouvrages de souvenirs de militants nationalistes, et qui servait de référence notamment pour la connaissance du mouvement nationaliste en Kabylie, ou pour les préparatifs d’une insurrection avortée en mai 1945. Ecrit avec justice, objectivité. Par exemple, au sujet du personnage de Messali Hadj, dont j’’avais établi la première biographie en 1978, et que Hocine Ait Ahmed avait combattu en 1954 au moment de la création du FLN, il dressait le portrait d’un homme chaleureux et attentif. A contre-reçu des idées reçues à l’époque. Il a rendu un hommage appuyé à sa compagne, Emilie Busquant, lors d’une cérémonie plusieurs années (voir texte en pièce jointe)). En d’autres termes, il savait respecter un adversaire politique, c’était un démocrate authentique.

- Quel impact Aït Ahmed aura eu sur cette Algérie actuelle?

C’est difficile à dire. Il apparaît surtout comme un homme de principes, de refus des compromissions avec l’ordre établi. Intransigeant, et ce refus de la compromission, et non d’un compromis possible, lui a été beaucoup reproché, surtout au moment des années 1990, dans la décennie sanglante que l’Algérie traversait. Mais il restait ferme sur ce principe : « Ni Etat policier, ni régime intégriste ». L’échec de cette « troisième voie » l’isolait, mais il ne renonçait pas. C’est peut être l’image de ce refus obstiné face à l’Etat, qui restera.

- Vous qui êtes l'un des spécialistes et analystes les plus respecté et sollicité de la guerre d'Algérie, ainsi que l'observateur de référence durant les événements traversés par l'Algérie indépendante, que pensez - vous du rôle politique joué par Hocine Ait Ahmed à travers son combat ?

Il a mené un combat dans des conditions difficiles d’isolement. D’abord, après son arrestation en octobre 1956, emprisonné, et hors du terrain de combat contre le colonisateur. A l’extérieur de son pays ensuite après 1966, cherchant inlassablement les voies d’un rassemblement démocratique. Au moment du « printemps berbère » en 1980, ou celui de la création de la première ligue algérienne des droits de l’homme, avec Ali Yahia Abdenour. Dans la création, avec l’historien René Gallissot du Comité pour la vérité sur l’assassinat d’Ali Melici en 1987. Je le voyais aussi dans ces terribles années 90, cherchant les voies d’un compromis pour sortir de la crise. C’était un militant, qui récusait le terme de « chef historique ».

-Hocine ait Ahmed a choisi d'être enterré dans son village natal et a souhaité des funérailles populaires refusant des obsèques nationales et officielles dans le carré des martyrs. Pour les observateurs avisés, la volonté d'Ait Ahmed s'inscrit amplement dans sa rupture avec le régime contre lequel il s'est toujours opposé. Quelle signification donnez - vous à cette volonté?

Il resté fidèle, jusque dans la mort, à ses principes. Refuser l’arbitraire, le mépris organisé par les pouvoirs en place. Cela ne m’étonne pas. Mais il est normal aussi que l’Etat-nation rende hommage à celui qui a été l’un des pionniers dans la lutte anticoloniale. Le peuple lui, dans son immense majorité, voit en lui l’homme des refus, le combattant de la liberté.

-Un dernier mot sur Aït Ahmed: un souvenir, un constant, une anecdote etc.

Au moment de la réalisation de mon documentaire, « L’indépendance aux deux visages », diffusé en 2002, il m’avait accordé un grand entretien. Et j’ai été frappé par son aspect chaleureux, son souci de rendre vivante cette histoire si compliquée. Il expliquait en restituant des anecdotes savoureuses, comme par exemple les débats tumultueux du congrès de Tripoli en juin 1962, ou l’élaboration de la première Constitution algérienne dans un ….. cinéma d’Alger en septembre 1962. C’était un homme qui avait toujours le sens du détail, de la pédagogie pour la transmission d’une mémoire aux jeunes générations.

Benjamin Stora.

Dernier ouvrage paru :

Les mémoires dangereuses. De l’Algérie coloniale à la France d’aujourd’hui.

Ed Albin Michel, 2016.

Mediapart

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9 décembre 2015 3 09 /12 /décembre /2015 10:52
Point de vue : Les cadres du DRS sous le choc Le soutien sélectif du général Toufik

La lettre du général Mohamed Mediène a provoqué une onde de choc, mais pas là où les observateurs pouvaient s’y attendre. Les cadres et personnel du DRS sont scotchés par le contenu de la lettre et par le fait que leur ancien patron n’a eu des mots que pour son protégé, le général Hassan. Beaucoup ont considéré que le général Mediène avait, sur la fin de ses 25 ans de règne sur le DRS, perdu le contrôle sur ses hommes, notamment son cercle proche d’officiers supérieurs, qui se sont affranchis de sa tutelle.

Si certains officiers supérieurs voient encore en Toufik un mythe vivant et indestructible (d’ailleurs son ancien surnom au sein des services était Le Sphinx), de nombreux cadres ont perçu cette lettre comme une confirmation que l’ancien patron du DRS a choisi de défendre, encore, ses proches au détriment de la base et des cadres dévoués qui sont demeurés en poste au service de l’institution.

En prenant la défense exclusive du général Hassan (parent à lui par alliance au demeurant), le général Toufik a lancé un message qui passe mal au sein du DRS. De «son DRS». Car nombreux considèrent déjà que la trajectoire du général Hassan ne cadre pas avec la réalité de son CV. Comme nombre de ses protégés, le général Toufik a souvent privilégié la loyauté aux compétences. Reproche d’ailleurs fait au président Bouteflika.

Il est de notoriété interne au sein du DRS que la garde rapprochée de Toufik avait ses privilèges malgré le fait que ce sont des officiers supérieurs qui n’avaient que le titre et pas la qualification. Ainsi, des généraux tels que Hassan, Djebbar ou Faouzi ont été des sous-officiers à la base qui se sont retrouvés bombardés officiers supérieurs à chaque opportunité, choyés lors des cérémonies, au détriment des «officiers intellectuels» qui étaient bardés de diplômes, formés dans les meilleures écoles et qui ont une approche scientifique du Renseignement.

Le général Hassan, au demeurant, a lui aussi bénéficié de cette «légende» comme disent les espions, puisqu’il était HDT (homme de troupe) au début de sa carrière dans la Marine nationale. Il avait alors connu le général Toufik lorsqu’ils étaient ensemble au niveau de la base navale de Mers El Kebir dans les années 80’ quand Mohamed Mediène dirigeait le secteur d’Oran. Le général Hassan a été son chauffeur durant des années avant de se retrouver intégré dans le corps du DRS.

Et pas n’importe où. A la DDSE, les renseignements extérieurs où il lui a été permis de faire plusieurs postes à l’étranger, notamment en Europe et au Sahel, toujours au détriment de cadres qui étaient destinés à ces postes. Après avoir fait la tournée des ambassades, le général Hassan a été appelé à l’antiterrorisme en 2003, soit 4 ans après la destruction totale du GIA et du GSPC : «Il est venu après la guerre. Des officiers sont morts au combat. D’autres ont quitté le CPMI sans aucune considération. L’AQMI a déménagé au Sud. Le Nord était pratiquement sécurisé. Tout le monde sait au sein de la Maison que Hassan n’a en rien contribué à cela», indique un des anciens baroudeurs de l’antiterrorisme.

Ainsi, la sortie du général Toufik au seul profit du général Hassan, 48 heures après l’autre verdict de 3 ans ferme contre l’ex-DSSP, le général Lakhal Medjdoub, oublié dans la lettre, n’a fait qu’exacerber les rancœurs contre l’ancien responsable au sein de son ancienne Maison. Déjà, les reproches fusaient depuis les sorties à répétition du SG du FLN, Amar Saadani, qui avait sali par ses propos tout un corps et l’honneur d’hommes intègres et dévoués à la Nation, sans que le commandement de Toufik ne réagisse de manière ferme.

Les départs successifs de maîtres-espions tels que les généraux Athmane Tartag, Ali Bendaoud ou Rachid Lallali (dit Attafi), tous diplômés, spécialistes dans leurs domaines et susceptibles de lui succéder un jour n’ont fait qu’accentuer les soupçons que le général Toufik voyait le DRS comme son propre jouet qu’il pouvait détruire à tout instant. Le président Bouteflika qui avait longtemps été «intoxiqué» par les légendes des uns et des autres avait fini par comprendre que les généraux qui s’opposaient à lui au sein du DRS n’étaient pas tous mus par le seul patriotisme et que les prébendes étaient cruciales à protéger.

Au sein du DRS, c’est la grande désillusion. Certains sont scandalisés que l’ancien patron du DRS, dont le silence était une vertu, si ce n’est une seconde nature, a brisé le mutisme pour ne défendre que ses obligés. La lettre n’a pas eu l’effet escompté au sein de ce corps, bien au contraire. Les langues se délient sur les pratiques clientélistes, les approches régionalistes, les affectations bidon, les logements distribués ou sur les investigations à la carte qui ne ciblaient que certains personnages de l’Etat et pas d’autres. Et la lettre du général Toufik pour son ami Hassan n’a fait que plomber le mythe d’un ancien chef qui aurait, probablement, mieux fait de rester un «mythe» silencieux.

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